COVID-19

« On se serre les coudes »

Écoles, garderies, cégeps et universités fermées pour 14 jours, nouveau service de consultation téléphonique, collaboration des entreprises privées, appel au calme dans les épiceries : François Legault sollicite la contribution des Québécois « pour éviter le pire ». Pendant ce temps, Justin Trudeau, en isolement à Ottawa depuis que sa femme a été déclarée positive à la COVID-19, promet un programme fiscal costaud pour « protéger l’économie ».

COVID-19

Legault en appelle « à la solidarité des Québécois »

François Legault lance un appel ultime à la solidarité des Québécois. « Je réalise que je vous en demande beaucoup, mais on fait ça pour éviter que le pire arrive. » Il ordonne la fermeture complète des écoles, garderies, cégeps et universités pour 14 jours afin de limiter les effets de la COVID-19. « On lâche pas, on se serre les coudes et je suis convaincu qu’on va passer au travers. »

Fermeture des écoles

Toutes les écoles, garderies, cégeps et universités du Québec fermeront leurs portes à compter de lundi pour une durée de 14 jours. La réouverture – pour l’instant – est prévue le 30 mars prochain. La décision des autorités de santé publique s’explique en partie par le fait que beaucoup de familles et d’enseignants ont profité de la dernière semaine de relâche pour voyager à l’extérieur du pays. « Les cas qu’on a, ce sont surtout des gens qui ont voyagé pendant la relâche. […] On veut éviter que [le virus] s’introduise parce qu’il y a eu une augmentation des voyages », a expliqué le directeur national de la santé publique, Horacio Arruda. Pour l’heure, il n’est pas nécessaire de prévoir « de mécanisme de rattrapage » pour une interruption des services éducatifs de deux semaines, a indiqué le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

Garderies : priorité aux travailleurs de la santé

Le gouvernement Legault a annoncé jeudi que toutes les garderies, publiques et privées, ainsi que les services de garde scolaires seraient fermés pour les deux prochaines semaines. Horacio Arruda a toutefois précisé que le coronavirus ne présentait pas « de risques graves pour les enfants », mais que ceux-ci pouvaient être en présence de personnes vulnérables, comme leurs grands-parents, ce qui justifie aussi une telle mesure. Certaines garderies resteront toutefois ouvertes pour les travailleurs de la santé et ceux des services essentiels. Une liste des personnes priorisées pour ce service d’urgence sera publiée prochainement.

Fini le 811

À la suite des ratés qu’a connus le 811 depuis le début de la crise, Québec invite la population à ne plus utiliser ce service. Il faut maintenant composer le 1 877 644-4545 si vous présentez des symptômes de grippe ET si vous avez des interrogations à propos du coronavirus. La ministre de la Santé, Danielle McCann, a reconnu l’engorgement du service, vendredi. « On va le régler [le problème] et on va le régler rapidement », a-t-elle dit. « C’est un engagement que je prends. Il va être réglé aujourd’hui même et je vais suivre ça personnellement. »

Approvisionnement

Après avoir vu les vidéos et les photos montrant la véritable ruée des Québécois vers les magasins de grande surface, le premier ministre s’est montré clair : « On ne prévoit aucune pénurie de nourriture. C’est important que les gens ne s’inquiètent pas. Les épiceries vont continuer d’être approvisionnées, les camionneurs […] vont continuer de livrer la marchandise. » Les camionneurs et le personnel navigant des avions et des bateaux n’ont pas à se mettre en isolement, étant donné le rôle qu’ils jouent dans le transport de marchandises de première nécessité. François Legault a par ailleurs parlé de « nourriture et autres », ce qui inclut le fameux papier de toilette !

Nouvelles cliniques de dépistage

La ministre Danielle McCann a confirmé vendredi que 12 nouvelles cliniques de dépistage de la COVID-19 seraient ouvertes dans les prochains jours à l’échelle de la province. Celles-ci s’ajouteront aux trois cliniques actuellement en activité. Le gouvernement Legault travaille aussi à l’élaboration d’un plan qui permettra la « téléconsultation ». Ce service, a dit Mme McCann, se déploiera à compter de la semaine prochaine. Les médecins pourront alors parler à leurs patients sans les voir physiquement dans une clinique.

Entreprises et travailleurs au privé

Si les travailleurs du secteur public qui s’isolent préventivement reçoivent toujours un salaire, la situation n’est pas la même pour les travailleurs des entreprises privées et pour les travailleurs autonomes. François Legault a promis que le ministre du Travail, Jean Boulet, présenterait en début de semaine un programme applicable dès maintenant pour venir en aide aux entreprises et aux travailleurs qui seront touchés par l’absence d’employés. « Ils ne seront pas dans une situation qui mettrait leur famille à risque financièrement », a affirmé le premier ministre.

Appel à Trudeau

François Legault réclame que le premier ministre Justin Trudeau limite d’urgence l’entrée de visiteurs au Canada, surtout dans les aéroports du pays. « Je pense qu’on a un problème de cohérence », a critiqué M. Legault. « On demande à nos citoyens de prendre des mesures, de s’isoler pour 14 jours, mais on ne demande rien aux visiteurs étrangers », a-t-il ajouté. Le premier ministre du Québec demande également que les directives de santé publique soient mieux connues dans les aéroports. Pour l’heure, Ottawa n’exclut pas de restreindre l’accès aux frontières, mais n’a pas encore pris de mesures officielles.

Que faire si on est à l’étranger ?

Les Québécois qui sont déjà en voyage à l’étranger doivent-ils rentrer au pays le plus tôt possible ? « C’est une décision qui est très personnelle », a résumé Horacio Arruda. Pour ceux qui sont actuellement au Québec, le directeur national de la santé publique recommande d’éviter tout déplacement non essentiel à l’extérieur du Canada. Les voyageurs à l’étranger doivent quant à eux envisager la possibilité qu’ils soient hospitalisés ou retenus dans leur pays de destination s’ils développent des symptômes liés à la COVID-19, ce qui les empêcherait de rentrer à la maison. « Voyager actuellement à l’extérieur pour le loisir, il faut être conscient que [ça] peut se transformer en quelque chose de moins agréable et […] être prêt à vivre avec ça », a dit M. Arruda.

Traversiers et métro

La Société des traversiers du Québec (STQ) limite désormais le nombre de personnes à bord de tous ses traversiers à 250, « incluant les équipages, et ce, pour toutes les traverses ». Avec la propagation de la COVID-19, le gouvernement Legault a interdit jeudi tout rassemblement dans des lieux fermés de 250 personnes et plus. Québec a toutefois précisé vendredi que cette mesure ne s’appliquait pas à la Société de transport de Montréal, alors que des centaines d’usagers s’entassent aux heures de pointe dans le métro. La STQ a indiqué qu’elle demandait à ses clients de « demeurer à bord de leur voiture pendant les traversées », à l’exception de la traverse de Matane puisque le F.-A.-Gauthier est un navire à pont fermé.

COVID-19

« On fait tout ce qu’on peut pour protéger notre économie »

Justin Trudeau promet des mesures de relance fiscale « importantes »

OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau est en isolement, et on met la clé sous la porte du Parlement jusqu’au 20 avril, mais le travail pour lutter contre la pandémie de la COVID-19 ne s’arrête pas pour autant : un programme fiscal costaud destiné à s’assurer que l’économie ne souffre pas trop sera dévoilé bientôt.

« Le gouvernement du Canada annoncera des mesures de relance fiscale importantes au cours des prochains jours […] On fait tout ce qu’on peut pour protéger notre économie, et nous nous trouvons dans une position fiscale avantageuse », a déclaré Justin Trudeau en conférence de presse devant sa résidence de Rideau Cottage.

Le premier ministre en a profité pour faire le point sur son état de santé et celui de sa femme, Sophie Grégoire Trudeau, qui avait reçu la veille un diagnostic positif au test de dépistage de la COVID-19. « Je n’ai aucun symptôme, je me sens très bien », a-t-il assuré devant la porte de la demeure où il sera confiné 14 jours en tout. Il a convenu que l’isolement n’était « pas idéal » et qu’il était « un peu frustrant », mais nécessaire.

Alors que les symptômes de sa femme « demeurent légers », il a expliqué que si lui-même ne se soumettait pas à un test pour s’assurer qu’il n’avait pas contracté le virus, c’était parce que les experts en santé publique étaient d’avis que « tant et aussi longtemps [qu’il n’aurait] pas du tout de symptômes du coronavirus, ça ne [servait] à rien de [le] tester ». Dans l’ensemble du Canada, plus de 15 000 personnes ont subi le test, selon les autorités sanitaires.

VOYAGES, CROISIÈRES ET AÉROPORTS

Sur la colline du Parlement, ses ministres présentaient une série de mesures visant à empêcher la propagation à grande échelle du nouveau coronavirus, du resserrement des conseils aux voyageurs à l’interdiction d’accoster pour les bateaux de croisière de 500 personnes ou plus, en passant par de nouvelles mesures pour les arrivées de vols internationaux.

Dans un premier temps, l’administratrice en chef de la santé publique, la Dre Theresa Tam, y est allée de cette déclaration : « Nous recommandons de reporter ou d’annuler tout voyage non essentiel à l’extérieur du Canada. » Et pour donner plus de poids à ce conseil, elle a plaidé que si l’on voyageait à l’étranger, on pourrait être « soumis aux mesures prises par les autres pays ». Donc, « votre voyage d’une semaine pourrait être beaucoup plus long », a souligné la Dre Tam.

Précédemment, seuls les voyages sur les bateaux de croisière avaient été déconseillés par la patronne de la santé publique au pays.

Car ces mastodontes marins sont propices à la propagation de la maladie ; aussi sera-t-il interdit à ceux qui ont plus de 500 personnes à leur bord de s’arrêter dans les ports du Canada, au moins jusqu’au 1er juillet. « À ce moment-là, nous reverrons la situation », a spécifié le ministre des Transports, Marc Garneau, concédant que cette décision « pas facile à prendre » aurait forcément des impacts négatifs dans plusieurs communautés.

2 millions

Nombre de voyageurs que l’industrie des croisières attire annuellement au pays, selon Transports Canada

À cette interdiction s’ajoute la diminution du nombre d’aéroports qui seront autorisés à accueillir les vols internationaux. On ignore, pour l’heure, sur quels tarmacs les aéronefs pourront continuer de se poser et à partir de quand la mesure entrera en vigueur. « On est en train de discuter avec nos aéroports et nos lignes aériennes », a exposé le ministre Garneau.

Sa collègue à la Santé, Patty Hajdu, a prévenu que compte tenu de la crise dans laquelle nous plonge cette pandémie mondiale, chaque jour risquait d’apporter de nouvelles mesures. Elle a ensuite interpellé directement les Canadiens, les exhortant à suivre les conseils de la santé publique, et à rester à la maison s’ils se sentent malades : « Les gestes que vous poserez dès aujourd’hui vont sauver des vies. »

PARLEMENT FERMÉ, ACEUM RATIFIÉ

L’artillerie lourde a été sortie plus tard, à l’occasion d’une des nombreuses conférences de presse à laquelle les journalistes parlementaires ont été convoqués, vendredi. C’est le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, qui s’est présenté au front pour annoncer que le taux directeur passait de 1,25 % à 0,75 % – une deuxième réduction en l’espace de moins de deux semaines. À son côté, le ministre des Finances, Bill Morneau, promettait une enveloppe de 10 milliards de dollars pour un programme de crédit aux entreprises.

Une somme qu’il aurait peut-être annoncée dans le budget 2020, mais le hic, c’est que le dépôt de l’exercice financier prévu le 30 mars a été reporté pour cause de fermeture du parlement. Les formations politiques ont en effet scellé une entente pour suspendre les travaux pendant cinq semaines, jusqu’au 20 avril prochain. Dans les faits, cela n’ampute que deux semaines de travaux, et en vertu de la motion qui a été adoptée, la Chambre pourrait être rappelée d’urgence, si les circonstances l’exigent.

Avant de plier bagage, le Parlement a ratifié à toute vapeur l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. Le projet de loi a reçu la sanction royale le jour même. Avec ce geste, on vient envoyer le signal d’une certaine stabilité économique à travers les nuages noirs qui s’accumulent au-dessus de l’économie mondiale. Peut-être aussi un signal pour montrer que la frontière entre le Canada et les États-Unis devrait rester ouverte.

Parlant de frontière, le président Donald Trump, qui a fermé la sienne aux passagers en provenance d’Europe, jugera-t-il les mesures mises de l’avant vendredi par Ottawa assez musclées? « Les leaders des États-Unis prennent les décisions pour les États-Unis. C’est les leaders du Canada qui prennent les décisions pour le Canada », a offert en guise de réponse la vice-première ministre, Chrystia Freeland.

Le locataire de la Maison-Blanche a assuré vendredi après-midi qu’il n’avait pas discuté de la possible fermeture de la frontière canado-américaine lorsqu’il s’est entretenu au téléphone avec Justin Trudeau, jeudi. « Nous n’avons pas discuté de la frontière », a-t-il lancé, affirmant que l’appel n’avait pour objet que la ratification du nouvel accord de libre-échange.

— Avec Joël-Denis Bellavance, La Presse, et La Presse canadienne

COVID-19

Le transport collectif maintenu dans la métropole

Malgré la propagation de la COVID-19, les sociétés de transport de Montréal (STM), de Laval (STL) et de Longueuil (RTL) maintiennent leurs services dans la métropole en misant sur le nettoyage plus fréquent des surfaces les plus touchées par les usagers dans les autobus et les stations et les wagons de métro.

Il s’agit d’un service essentiel, a plaidé vendredi le directeur général de la STM, Luc Tremblay.

Ce dernier reconnaît toutefois que l’offre de service pourrait être abaissée si l’achalandage diminuait ou s’il y avait un manque de personnel. « Nos employés sont aussi des parents », a souligné le directeur général.

Ce dernier considère que le risque de transmission de la COVID-19 est faible. La STM s’appuie sur les experts de la santé publique qui estiment que le virus peut vivre jusqu’à trois heures sur les surfaces sèches, a dit M. Tremblay.

Chacune des sociétés de transport a tout de même mis en place une cellule de crise afin de suivre l’évolution de la situation.

La STM est officiellement passée en mode « alarme-intervention » et se prépare « si la situation empire », a indiqué M. Tremblay. Des employés retraités pourraient être appelés en renfort, si nécessaire.

Depuis mardi dernier, la STM a décidé de nettoyer davantage les autobus, le métro et les stations. La STL et le RTL investissent également leurs énergies dans le lavage plus régulier des poteaux, des sangles, des valideurs de carte à puce, des surfaces des boîtes de paiement, tout ce qui est en contact avec les usagers. Le nettoyage se fera tous les deux jours.

À Montréal, les employés lavent deux fois par jour dans les stations mains-courantes, distributrices de titres de transport et ascenseurs. Dans les wagons de métro, les poteaux auxquels se tiennent les usagers sont lavés tous les jours. Il en va de même dans les autobus (poteaux, sangles et volant du chauffeur).

Installations fermées à Laval 

Le monde municipal a continué de s’ajuster vendredi dernier à la situation relativement à la COVID-19. À Laval, l’administration du maire, Marc Demers, a décrété la fermeture de toutes les installations sportives, communautaires et récréatives comme l’avaient fait la veille la Ville de Montréal et celle de Longueuil.

Une cellule de crise comme celle mise en place lors des inondations printanières se réunit chaque matin, à 8 h. Cela permet de faire le point et de coordonner les efforts de tous les services afin de limiter la propagation du virus, précise le maire. « Nous sommes convaincus que nos efforts à tous permettront de passer au travers de cette crise. »

Plus largement, le conseil d’administration de l’Union des municipalités du Québec a déterminé vendredi des actions à prendre pour accompagner les villes membres (conseils, soutien, orientations).

Élections partielles 

Par ailleurs, la ministre des Affaires municipales du Québec, Andrée Laforest, a annoncé vendredi que les 29 élections partielles prévues dans les municipalités du Québec étaient reportées afin de « protéger la population ».

Les électeurs de six villes et villages sont convoqués dimanche, notamment dans le quartier Saint-Léonard, à Montréal, pour exercer leur droit de vote afin d’élire une personne au poste de conseiller municipal. 

D’autres scrutins et journées de vote par anticipation étaient prévus entre le 15 mars et le 26 avril. « Les rassemblements occasionnés par la tenue du vote par anticipation ou d’un scrutin électoral représentent un risque évitable », a indiqué la ministre Laforest.

Cette dernière, qui est responsable de l’application de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (LERM), fixera une nouvelle date pour tout scrutin reporté au cours des prochaines semaines. 

La proclamation de l’élection des candidats élus sans opposition est toutefois maintenue. Ces derniers entreront en fonction après avoir été assermentés dans les 30 jours suivants, comme le prévoit la LERM.

« Il est de mon devoir de m’assurer que les élections municipales se déroulent dans des conditions qui facilitent le vote des électeurs et qui préservent leur santé et celle du personnel électoral », a-t-elle indiqué dans un communiqué.

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