Qui s’occupe de notre culture scientifique ?

Si la pandémie a montré une chose, c’est bien l’importance d’avoir une population qui comprend un truc ou deux sur la science et la façon dont elle se construit.

Pas des connaissances pointues sur le fonctionnement de l’ARN messager ou le rôle des lymphocytes B dans le système immunitaire. Mais une base afin de se retrouver dans le flot d’informations qui déferle et de pouvoir prendre des décisions éclairées pour soi et pour les autres.

Ce qui pose la question de la culture scientifique des Québécois.

Comment se porte-t-elle ? Malheureusement, il existe peu d’indicateurs récents à ce sujet.

En 2010, le gouvernement Charest a aboli le Conseil de la science et de la technologie.

Depuis, la culture scientifique est tombée entre deux chaises. On ne la considère pas vraiment comme de la science, pas vraiment comme de la culture non plus. Si bien que personne ne s’en occupe réellement.

« Au tournant des années 1980, le Québec était extrêmement actif en culture scientifique. Il y avait des programmes, des budgets, les écoles étaient impliquées », décrit pourtant Bernard Schiele, un professeur de l’UQAM qui documente cette question depuis longtemps.

Il constate que d’autres nations sont maintenant beaucoup plus proactives. La Chine et la Corée du Sud, notamment, ont fait de la culture scientifique un élément essentiel de leur développement.

La France s’est dotée d’une « Stratégie nationale de culture scientifique, technique et industrielle ». L’Union européenne a un programme de « science par et pour la société ». Le Royaume-Uni multiplie les actions.

Ça ne veut surtout pas dire qu’il ne se passe rien chez nous. Du festival Eurêka au musée Armand-Frappier en passant par l’évènement 24 heures de science, la province fourmille d’initiatives.

« Ça provient de passionnés, de convaincus qui s’engagent, décrit Bernard Schiele. Il y a un degré d’initiative très fort. Le bon côté, c’est que c’est un milieu très dynamique. Le moins bon, c’est qu’il est très fragile et repose sur la volonté et le renoncement des gens. »

Dans son État du Québec 2019, l’Institut du Nouveau Monde concluait de la même façon que les artisans de la culture scientifique québécois font leur travail « avec peu de moyens, des salaires modestes et des effectifs continuellement menacés ». Et que « peu de structures publiques ou privées les soutiennent adéquatement ».

Cela suggère qu’on a une excellente base sur laquelle construire. Et qu’il ne manquerait qu’un encadrement et du soutien gouvernemental pour relancer ce milieu et s’assurer que les initiatives rejoignent tous les Québécois, et pas seulement ceux qui ont un intérêt naturel.

C’est d’autant plus important que le Québec, une île francophone dans un océan anglophone, ne peut compter sur les autres pour combler ses lacunes.

La présence d’institutions comme l’Association francophone pour le savoir (Acfas) est un point fort du Québec. Tout comme la remarquable longévité de certaines initiatives. À Radio-Canada, des émissions comme Découverte ou Les années lumière perdurent. Les magazines Les Débrouillards et Québec Science célèbrent respectivement leur 40e et 60e anniversaire cette année.

Ajoutons que les élèves québécois récoltent parmi les meilleures notes en science de la planète aux tests PISA (même si ceux de la Chine et de Singapour sont considérablement plus forts).

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La pandémie a montré que la question de la culture scientifique n’est pas que personnelle. Si une proportion non négligeable de la population croit que la COVID-19 n’est pas plus dangereuse que la grippe ou estime que les risques du vaccin surpassent les bénéfices, c’est toute la société qui en subit les contrecoups.

Le fait que le Québec affiche l’un des meilleurs taux de vaccination au monde contre la COVID-19 est rassurant. Il reste que la désinformation a aussi frappé chez nous et provoqué son lot de problèmes.

La question de la culture scientifique dépasse évidemment la pandémie. La compréhension d’un enjeu aussi capital que l’urgence climatique implique la maitrise de certains concepts scientifiques.

C’est aussi le cas des OMG dans l’alimentation, de l’utilisation des pesticides, de la prévention des maladies.

C’est sans compter que comme toute culture, la culture scientifique n’est pas qu’utilitaire. Savoir que l’Univers est en expansion ou comprendre pourquoi il fait plus chaud l’été que l’hiver ne sert peut-être à rien dans la vie de tous les jours. Tout comme on n’a pas besoin de connaître l’œuvre de Michel Tremblay ou de comprendre les grandes lignes de la Seconde Guerre mondiale pour mener son train-train quotidien.

Mais cela permet de mieux comprendre le monde et la place qu’on y occupe. C’est peut-être là le plus important.

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