Aucune des cibles de protection de la biodiversité de l’ONU atteinte en 2020
Aucune des cibles de protection de la biodiversité fixées par l’ONU n’a été atteinte, selon un rapport dévoilé mardi. Et le Canada ne fait pas exception.
« Les cibles mondiales pour 2020 ne seront pas atteintes », explique Olivier Kölmel, chargé de la campagne Nature & Alimentation chez Greenpeace Canada. « Au Canada, seulement 11,4 % du territoire est protégé, alors on n’atteindra pas la cible de 17 % d’ici la fin de 2020. Et pour 2030, la cible est de 30 %. »
Près de 10 % des 170 signataires de la Convention sur la biodiversité (CBD) dépasseront ces cibles en 2020, selon le rapport du Secrétariat de la CBD. Elles faisaient partie de 20 objectifs convenus en 2010 à Aichi, au Japon. Les cibles pour 2030 seront clarifiées lors d’une réunion en 2021 en Chine. Les États-Unis n’ont pas signé la Convention.
Le Canada est mieux placé sur le plan de la protection de ses zones maritimes, avec un bilan de 8 % à 9 % actuellement, contre une cible de 10 % pour la fin de 2020, selon M. Kölmel.
Parmi les 20 objectifs de la rencontre d’Aichi, on retrouve des énoncés plus généraux, comme « les individus sont conscients de la valeur de la diversité biologique » ou « les valeurs de la diversité biologique ont été intégrées dans les stratégies et les processus de planification nationaux et locaux de développement et de réduction de la pauvreté ».
« Greenpeace ne pense pas que le PIB soit la meilleure façon de saisir nos progrès, et c’est pour cette raison que dans une relance juste et verte, on fait appel à détrôner le PIB », dit M. Kölmel pour évaluer si le Canada a atteint ces objectifs.
Le rapport de l’ONU souligne certains succès de protection de la biodiversité, comme un ibis au Japon, un léopard des neiges et un cèdre au Pakistan, et la baisse de la pêche illégale en Indonésie. Sans les efforts liés à l’entente d’Aichi, le nombre d’extinctions d’oiseaux et de mammifères aurait été deux fois plus élevé, selon le Secrétariat de la CBD.
Un débat entoure les cibles de protection de la biodiversité. « On parle de plus en plus de conservation, ce qui inclut l’écotourisme et la chasse de subsistance autochtone, en plus de la protection, dit M. Kölmel. Nous pensons qu’il faut privilégier la protection, sans intervention humaine. C’est comme notre compte d’épargne, on n’y touche pas. » En incluant les zones de conservation, les territoires protégés passent à 12 % sur le plan terrestre et à plus de 11 % sur le plan marin, selon lui.
La Presse a demandé leur avis sur le débat entre conservation et protection à deux chercheurs qui ont publié sur le sujet : Don Driscoll, de l’Université Deakin, en Australie, et Sophie Calmé, de l’Université de Sherbrooke.
« C’est un débat assez ancien qui a ressurgi avec les revendications territoriales autochtones, dit Mme Calmé. Leurs arguments, c’est qu’ils sont de bons fiduciaires de leurs terres. Le problème, c’est que dans certains cas, la recherche montre que c’est vrai, mais dans d’autres, non. Mais d’une manière générale, pour les autochtones, la culture passe par la conservation des ressources. Le débat est enflammé aux États-Unis parce que certains pensent que la conservation devrait viser le bien de la nature plutôt que l’humain. L’humain ne fait pas partie de la vision occidentale de la nature, contrairement à ce qui se passe chez les peuples autochtones, animistes. »
M. Driscoll, lui, pense que la conservation de la nature, avec certaines activités humaines, peut être parfois préférable, mais que, généralement, la protection intégrale est meilleure. « On le voit ici, en Australie. On permet l’abattage d’arbres dans les parcs nationaux, et il y a des pressions pour laisser vivre des populations de chevaux sauvages qu’affectionnent certaines personnes, alors que ce sont des animaux très destructeurs pour les écosystèmes. »