Campagne de vaccination

Un principe de précaution au détriment de la santé des femmes ?

Les femmes enceintes se trouvent au bas de la liste des groupes prioritaires à vacciner

Même si la COVID-19 peut provoquer des complications chez les femmes enceintes, celles-ci figurent pour le moment dans le bas de la liste des groupes qui seront vaccinés, selon l’ordre de priorité annoncé par Québec, lundi. Le manque de données sur les effets du vaccin sur le fœtus explique cet excès de précaution.

Selon l’avis préliminaire de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), « des données robustes sur l’innocuité des vaccins seront nécessaires avant de recommander une vaccination pour les femmes enceintes et le moment de la grossesse pour l’administrer devra être déterminé ».

Les femmes enceintes ont toutefois plus de risques de complications liés à la COVID-19 que les femmes qui ne le sont pas, explique la Dre Isabelle Boucoiran, gynécologue-obstétricienne au CHU Sainte-Justine et membre du comité des maladies infectieuses de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. « Par complications, on parle d’accouchement prématuré ou de risques de pneumonie sévère avec admission aux soins intensifs », ajoute la médecin.

Aucun essai clinique

Par mesure de précaution, les femmes enceintes ne seront pas dans les premières vaccinées, puisqu’aucun essai clinique n’a été fait jusqu’à maintenant, explique la Dre Maryse Guay, professeure à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et médecin-conseil à l’INSPQ.

« On ne pense pas que c’est un vaccin qui peut causer des problèmes pour le fœtus, mais aucune compagnie ou autorité de santé publique n’est prête à prendre le risque. »

— La Dre Maryse Guay

Pour le moment, seules des études animales ont été effectuées pour vérifier la sécurité du vaccin sur le fœtus et il n’y avait pas de danger, indique la Dre Boucoiran. « Souvent, dans le cas de la grossesse, le principe de précaution s’applique, mais il faut parfois se demander si le principe de précaution n’est pas au détriment de la santé des femmes », soutient-elle.

En attente de données

De nombreux mois d’attente seront probablement nécessaires avant d’obtenir des données robustes sur l’impact du vaccin de la COVID-19 sur les femmes enceintes. Toutefois, la Dre Guay explique que certaines femmes vont probablement se faire vacciner sans savoir qu’elles sont enceintes. Ces cas accidentels pourraient permettre de mieux comprendre l’impact du vaccin sur le fœtus. « Ici [au Québec], on a 80 000 naissances par année, donc si on vaccinait 100 femmes par erreur, il nous en faudrait tout de même beaucoup d’autres à travers le monde pour savoir s’il y a des effets négatifs », explique la Dre Guay.

Campagne de vaccination

Legault forcé de remplacer son « général »

Le « général » nommé par le premier ministre François Legault pour diriger la campagne de vaccination contre la COVID-19 au Québec est remplacé car il « doit s’absenter pour des raisons de santé ». Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, en a fait l’annonce dans un communiqué de presse mardi. Avant d’être nommé sous-ministre adjoint au ministère de la Santé en octobre dernier, Jérôme Gagnon était directeur général adjoint à la sécurité de l’État au ministère de la Sécurité publique, où il a gravi les échelons depuis 2003. M. Dubé indique dans son communiqué qu’il confie à Daniel Paré, actuellement PDG du CISSS de Chaudière-Appalaches, la responsabilité du volet opérationnel de la campagne de vaccination, « pour une durée indéterminée ». « Cela ne viendra aucunement ralentir le déploiement de la campagne de vaccination sans précédent qui débutera dès que le vaccin sera disponible au Québec », souligne-t-on dans le communiqué. Patrick Simard, PDG adjoint du CISSS de Chaudière-Appalaches, assurera l’intérim à titre de PDG.

— Tommy Chouinard, La Presse

Campagne de vaccination

des réponses à vos questions

Alain Lamarre, professeur et titulaire de la Chaire de recherche Jeanne et J.-Louis Lévesque en immunovirologie à l’INRS, répond à cinq questions sur la vaccination.

Est-ce que le fait d’accélérer les procédures des vaccins pourrait entraîner des effets négatifs sur la santé des personnes vaccinées ?

Oui, c’est vrai que les études cliniques ont été faites dans un temps record, mais ce n’est pas au détriment de la sécurité que ç'a été fait. On a quand même eu des dizaines de milliers de patients qui ont participé à ces études. C’est dans le même ordre d’idées que n’importe quel autre vaccin utilisé.

Si on a moins de 50 ans, mais qu’on a une maladie chronique, quand pensez-vous qu’on pourra se faire vacciner ?

Ce n’est pas dans les premiers, ces gens-là, parce que leur taux de complications est moins important comparativement à des gens très âgés. Les premiers, c’est surtout [les gens dans les] CHSLD, les travailleurs de la santé, les gens en résidence.

En savons-nous un peu plus sur la durée de l’efficacité du vaccin, ou il est trop tôt à ce stade-ci pour se prononcer ?

Pour le moment, on sait que la protection dure trois mois. C’est tout ce que les études cliniques qui ont été faites peuvent nous dire. Ce sont des données qu’on aura en temps réel. Et seul le temps pourra nous dire si la protection va durer à plus long terme.

Est-ce qu’il y a des risques ou des effets secondaires comme nous avons pu le constater avec le vaccin de la grippe dans les autres provinces ?

Pour le moment, les études cliniques qui ont été faites avec les vaccins de Pfizer et de Moderna ne montrent pas d’effets secondaires graves de la sorte, [mais] il n’y a pas encore assez de gens vaccinés pour déterminer si des effets plus rares pourraient apparaître.

Ceux qui ont déjà été atteints par la COVID-19 devront-ils se faire vacciner aussi ?

Selon toute vraisemblance, oui. Aujourd’hui, on a présenté des données qui indiquaient qu’il n’y avait pas de contre-indication pour les gens qui avaient déjà eu la COVID-19 de se faire vacciner.

— Propos recueillis par Henri Ouellette-Vézina et Alice Girard-Bossé, La Presse

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