Ottawa ratisse large
Ottawa — Pour stopper la vague de mises à pied au pays, Ottawa va ratisser large. Ce sont finalement toutes les entreprises, peu importe leur taille, qui auront droit à la nouvelle subvention salariale de 75 % si elles ont encaissé une perte d’au moins 30 % de leurs revenus à cause de la crise de la COVID-19.
Alors que les demandes de prestations d’assurance-emploi continuent d’augmenter – 1,5 million de nouvelles demandes en 10 jours –, le premier ministre Justin Trudeau a offert des détails supplémentaires sur son programme de subvention de la masse salariale.
Ainsi, Ottawa versera aux entreprises une subvention salariale pouvant atteindre 847 $ par semaine basée sur un salaire annuel maximal de 58 000 $, qu’elles comptent 10 employés ou 1000 employés. L’aide, qui sera accessible pendant une durée maximale de trois mois et rétroactive au 15 mars, sera aussi offerte aux entreprises à but non lucratif et aux organismes de bienfaisance.
« Le but est de s’assurer que les gens puissent continuer à recevoir un salaire durant cette crise. »
— Justin Trudeau, durant sa conférence de presse quotidienne devant Rideau Cottage
Combien coûtera cette mesure au fisc canadien ? M. Trudeau a affirmé que les fonctionnaires du ministère des Finances continuaient de plancher sur plusieurs détails de cette aide sans précédent. Le ministre des Finances, Bill Morneau, et la ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international, Mary Ng, doivent préciser tous les contours du programme ce mardi.
La semaine dernière, M. Trudeau a répondu aux demandes des groupes représentant les entreprises et des syndicats en annonçant une bonification majeure du programme d’aide aux entreprises, faisant passer de 10 % à 75 % la subvention de la masse salariale.
Le but de ces mesures, qui s’inspirent de programmes semblables mis sur pied par des pays européens comme le Danemark et la Grande-Bretagne, est de maintenir le lien d’emploi entre les entreprises et leurs travailleurs de sorte qu’elles puissent reprendre rapidement leurs activités une fois que la crise de la COVID-19 sera terminée.
Également la semaine dernière, le premier ministre a annoncé un autre coup de pouce financier pour les PME, soit la possibilité d’emprunter la somme de 40 000 $ sans intérêt pendant 12 mois. Le prêt sera garanti par le gouvernement fédéral.
Durant sa conférence de presse, M. Trudeau a fait appel à la bonne foi des gens d’affaires, invitant les entreprises qui n’ont pas besoin de cette aide financière à ne pas cogner à la porte du gouvernement fédéral, déjà inondé de demandes d’aide de toutes sortes de la part des familles, des travailleurs et des entreprises touchés par la crise.
« On a confiance que vous allez prendre les bonnes décisions. Si vous avez les moyens de payer le 25 % qui n’est pas couvert par la subvention salariale, faites-le. Si vous pensez que vous pouvez déjouer le système ou en prendre avantage, faites-le pas. Il va y avoir des conséquences sérieuses pour ceux qui tentent d’en tirer profit. »
— Justin Trudeau
« On se trouve dans une situation sans précédent et ça veut dire qu’on doit entreprendre des démarches sans précédent. Mais cette crise nous appelle à nous faire confiance et à agir de bonne foi. On est tous dans le même bateau, et c’est pourquoi notre gouvernement veut aider tous les employeurs à garder leurs employés. Mais pour que notre stratégie fonctionne, tout le monde doit faire sa part. Chaque dollar est destiné aux employés », a-t-il ajouté.
M. Trudeau a dit espérer que la plus récente mouture du programme de subvention salariale incitera les entreprises à réembaucher leurs employés dans les prochains jours.
Selon Yan Plante, qui était chef de cabinet de l’ancien ministre Denis Lebel dans le gouvernement conservateur de Stephen Harper et qui a travaillé sur un plan de relance pour les régions après la crise de 2008-2009, le gouvernement Trudeau n’avait d’autre choix que de bonifier le programme d’aide aux entreprises.
« Nous approchons un moment critique en ce qui concerne les directives données à la population. Pour le moment, il semble que la vaste majorité des citoyens accepte de se conformer aux directives de la Santé publique. Mais quand un gouvernement impose des politiques publiques aussi contraignantes que celles du confinement, il est évident qu’il y a un délai maximum auquel une société démocratique acceptera de s’y soumettre, même si celles-ci sont totalement justifiées et nécessaires », a dit M. Plante.
« Je ne sais pas où est le point de bascule dans le cas de la COVID-19, mais il y en a un, c’est certain, et les gouvernements le savent pertinemment. […] Si les restrictions devaient durer trop longtemps, il y aurait un point où tout ça deviendrait tout simplement intenable pour beaucoup de personnes. Au fil des semaines ou des mois, de plus en plus de gens voudraient faire passer leur survie économique en premier. Ils respecteraient de moins en moins les consignes d’isolement et de fermetures d’entreprises. C’est une situation que les gouvernements veulent absolument éviter », a ajouté M. Plante, directeur principal chez TACT.