Notre-Dame de Paris

Un air de francofête à Manhattan

Présenté dans une vingtaine de pays et applaudi par plus de 10 millions de spectateurs à travers le monde depuis 1998, le phénomène Notre-Dame de Paris n’avait pas encore atteint New York… avant cette semaine. Est-ce que la Grosse Pomme sera la porte d’entrée d’une future « French invasion » ?

New York — Il y a eu quelques moments de grâce jeudi à la grande première new-yorkaise de Notre-Dame de Paris. Daniel Lavoie, plus en forme que jamais (!), déclamant son déchirant amour pour Esmeralda, à genoux sur la scène ; l’Ave Maria à la fois païen et céleste de la merveilleuse Hiba Tawaji ; la complainte finale de Quasimodo, émouvant Angelo Del Vecchi…

À la fin de la représentation, près de 2600 spectateurs se sont spontanément levés pour ovationner la troupe saluant le public du théâtre David H. Koch. Puis Gian Marco Schiaretti, l’interprète de Gringoire en alternance avec Bruno Pelletier (qui n’était pas du voyage à New York), a présenté l’équipe de création, dont le metteur en scène Gilles Maheu, le chorégraphe Martino Müller, l’auteur Luc Plamondon et le compositeur Richard Cocciante. Seconde ovation de cinq minutes !

Stratégique et symbolique

La production de Notre-Dame de Paris avait plusieurs raisons de célébrer, jeudi soir, au David H. Koch Theater du Lincoln Center. Car cette première new-yorkaise se tenait symboliquement un 14 juillet, fête nationale des Français.

« On célèbre le fait français à New York, explique à La Presse le producteur Paul Dupont-Hébert, en marge de la représentation. C’est la France, Paris et le Québec qui débarquent à Broadway pour représenter la force et la richesse de la culture francophone. C’est Luc Plamondon, le plus grand parolier de la francophonie, la musique de Cocciante, le talent d’une trentaine d’interprètes, danseurs et acrobates francophones, tous rassemblés dans la Mecque du showbusiness. »

La soirée tapis rouge, organisée par les producteurs Nicolas Talar et Adam Blanshay, marquait aussi le coup de la relance de la tournée nord-américaine du spectacle musical, acclamé depuis 24 ans à travers le monde. Après New York, Notre-Dame de Paris sera à l’affiche durant l’été à Montréal, Québec, Moncton et Ottawa.

D’ailleurs, le spectacle, à l’affiche durant deux semaines dans la Grosse Pomme, est présenté dans la langue de Victor Hugo, avec surtitres en anglais sur les côtés de la cage scénique. Cela n’a pas semblé déranger le public en majorité américain. À la fête après le spectacle, un couple de Chigago est venu féliciter Luc Plamondon pour « sa poésie française » : « J’ai toujours dit que j’écris des opéras avec des vers et des rimes, pas des livrets de comédies musicales. Voir des Américains unilingues souligner la poésie de mes paroles, c’est flatteur », nous a confié Luc Plamondon.

Un montage difficile

Aux États-Unis, on fait comme les Américains. Le montage du spectacle au Lincoln Center a été difficile. Dans les premiers numéros jeudi, on sentait qu’il restait des ajustements sonores à faire. L’équipe technique américaine a mis quatre fois plus de temps à monter le décor qu’en temps normal. Il n’y a pas eu de générale ni d’enchaînement avant la première représentation devant public. Les interprètes ont donc pratiquement « enchaîné » les numéros pour la première fois devant 2600 personnes, la veille de la première !

Mais la magie de Notre-Dame a opéré. En plus des interprètes d’expérience, la distribution fait une bonne place à la relève. Parmi les artistes québécois, Philippe Tremblay (la doublure de Quasimodo) et Jaime Bono (qui reprend en alternance les rôles de Fleur de Lys et d’Esmeralda depuis 2021) ont à peine 19 ans.

Dans le cas de Jamie Bono, sa participation à Notre-Dame de Paris tient du conte de fées. Elle a été découverte par Luc Plamondon par hasard, il y a deux ans, sur le trottoir à la sortie d’un souper dans un restaurant à Montréal. Bono était au même resto en compagnie de sa famille. Quand Plamondon a quitté les lieux, elle l’a suivi dehors pour lui chanter un air sur le trottoir, « comme Piaf ». « Devant l’entrée sur l’avenue du Parc, elle a commencé à chanter Je suis malade. Au milieu de la chanson, elle s’est arrêtée en pensant que je n’aimais pas sa version. J’ai dit : NON ! Continue, ta voix est magnifique ! Et Jamie a monté la note finale aussi bien que Lara Fabian », raconte Plamondon. Trois semaines plus tard, la jeune chanteuse de 17 ans s’est jointe à la production en Corée pour remplacer une interprète… malade. Ça ne s’invente pas !

Conquérir l’Amérique

La production de Notre-Dame de Paris souhaite depuis des années avoir une vitrine à Broadway afin de séduire l’Amérique et marquer le 25e anniversaire de la création en 2023. Au début des années 2000, Notre-Dame de Paris a été présentée à Las Vegas, en anglais et dans une version écourtée en un acte. Sans succès.

Luc Plamondon nous dit que de richissimes amateurs de théâtre à New York croient pouvoir financer le projet de monter Notre-Dame à Broadway pour de bon. Le créateur n’y croit pas vraiment. Or, Paul Dupont-Hébert a toujours voulu que le monde anglophone reconnaisse la valeur de la langue et la culture francophones. « Maybe America is ready for French !? », dit M. Dupont-Hébert.

En attendant de voir si l’aventure new-yorkaise ouvrira les portes du marché américain, le public d’ici pourra attraper la tournée au Canada à partir du 28 juillet. Et les préparatifs pour le 25e anniversaire vont relancer le succès de Notre-Dame sur la planète.

Les frais d'hébergement et de déplacement pour ce reportage ont été payés par la production.

Notre-Dame de Paris est à l’affiche du Lincoln Center à New York, jusqu’au 24 juillet. Le spectacle mettra ensuite le cap vers Moncton, le 28 juillet, puis sera présenté à Montréal, Québec et Ottawa.

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