la virée des galeries

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Éclats de mémoire

Anoblir notre héritage

Organisée à l’occasion du 50e anniversaire de la Bibliothèque nationale du Québec, l’exposition Éclats de mémoire – Quand l’art retravaille le passé se poursuit jusqu’à fin du mois d’août à la Grande Bibliothèque, à Montréal. Avec trois œuvres originales de Marc-Antoine K. Phaneuf, Moridja Kitenge Banza et Sébastien Cliche qui rendent hommage au principe de conservation culturelle.

La mémoire est plus souvent un projet qu’une devise, disait le journaliste et professeur québécois Laurent Laplante.

Mais le rôle que joue Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) pour préserver et donner de la grandeur à notre héritage culturel n’est pas vain et participe à la construction de notre société qui, en principe, se développe en se nourrissant de son passé.

Cette année, le Québec célèbre les 50 ans du Règlement sur le dépôt légal. Cette législation de 1968 a permis de structurer la mémoire collective québécoise, notamment avec l’obligation adressée aux créateurs et aux éditeurs québécois de systématiquement déposer, à des fins de conservation et de diffusion, deux exemplaires de chaque document publié, notamment les livres.

Trois artistes québécois – Marc-Antoine K. Phaneuf, Moridja Kitenge Banza et Sébastien Cliche – se sont inspirés des effets de cette résolution pour élaborer, ensemble, un espace de réflexion qui interroge le rôle de la conservation et de la création. Et ce, en puisant dans le patrimoine documentaire de BAnQ (près de 500 000 documents) et en ayant recours au thème Labor Improbus (le travail sans relâche) de la 10e édition d’Art souterrain.

Moridja Kitenge Banza

En entrant dans la salle d’expo de la Grande Bibliothèque, on découvre les installations de Moridja Kitenge Banza, un artiste montréalais ayant un attrait pour l’histoire et le caractère des lieux et des populations. Dans le but avoué d’interroger le regard qu’il porte sur le monde.

Pour sa vidéo Griot, l’artiste d’origine congolaise a fait appel à des documents des collections patrimoniales de BAnQ pour combiner la tradition africaine du griot – qui assure une diffusion culturelle orale – à celle des contes québécois qui ont, de la même façon, formé notre mémoire collective. Et le voici en train de nous raconter l’histoire du loup-garou…

« À travers cette œuvre, je me questionne sur la place de la tradition orale dans la société québécoise d’aujourd’hui, dit l’artiste de 37 ans. Une société où l’écriture est, depuis toujours, un des moyens de communication les plus utilisés. Je pose un regard sur une culture qui fait désormais partie intégrante de mon ADN. »

Tout aussi intéressante est son installation Si je gagne, j’arrête de travailler, constituée de six agrandissements de billets de loterie avec lesquels le visiteur s’amuse à découvrir quels noms de personnages de l’histoire politique et picturale du Québec se cachent derrière les combinaisons gagnantes. Tout en réfléchissant à la signification du travail dans la société actuelle. Une démarche ludique et accessible bien pensée de la part de Moridja Kitenge Banza.

Sébastien Cliche

Après avoir visité les réserves de Bibliothèque et Archives nationales du Québec situées rue Holt, dans l’arrondissement de Rosemont‒La Petite-Patrie, Sébastien Cliche a créé une installation vidéo intitulée Sédiments. Il avait été inspiré par l’édifice et par les façons de gérer les documents conservés.

La vidéo à trois canaux – diffusée devant une sculpture évoquant les dispositifs de rangement ‒ révèle les espaces de ces réserves en mettant l’accent sur les étagères qui deviennent les squelettes sur lesquels on greffe la chair immatérielle de la mémoire. Une greffe qui se fait lentement, couche après couche, comme lors de la sédimentation des produits d’érosion.

Marc-Antoine K. Phaneuf

Enfin, l’artiste multidisciplinaire Marc-Antoine K. Phaneuf nous convie une fois de plus à nous immerger dans la culture populaire du Québec, cette fois-ci par l’intermédiaire de sa propre histoire qu’il raconte au moyen d’œuvres et de documents extraits des réserves de BAnQ.

Autoportrait en zigzag dans les méandres des collections patrimoniales est constituée de six pages projetées sur un mur. On peut y lire des épisodes de son existence, les noms des membres de sa famille, les personnes qui ont compté pour lui, ses souvenirs, son évolution dans le domaine de l’art et son goût pour la collection.

« On m’a dit que chercher ses racines est un réflexe naturel quand on fouille les archives nationales. »

— Marc-Antoine K. Phaneuf

Dans des vitrines contiguës, il a placé des objets qui reflètent sa vie. D’où il vient, ce qui l’intéresse, ses obsessions en tant qu’artiste et être humain. « Portée par la culture populaire nord-américaine, ses mythes et ses lubies, mon œuvre explore les imaginaires fantasmés que propose le capitalisme dans un XXIe siècle où tout semble déraper », dit l’artiste.

À ces trois installations s’ajoute un livre d’artiste de Pnina Gagnon, Homme au travail (1974), qui symbolise la relation entre l’art et le patrimoine, une série de cartes postales de Saint-Hyacinthe et une sélection de livres de cuisine. Les visiteurs sont invités à poursuivre leur aventure au cœur du passé québécois en visitant l’expo Pièces de collections, au niveau 1 de la Grande Bibliothèque. Des visites commentées de l’exposition Éclats de mémoire seront organisées les jeudis 17 et 31 mai, à 18 h.

À la Grande Bibliothèque (475, boulevard De Maisonneuve Est, Montréal), salle d’exposition, niveau M, jusqu’au 31 août

VIRÉE DES GALERIES

Samuel Bolduc primé à Londres

Les 11es prix Sony World Photography, remis par la World Photography Organisation à Londres, le 19 avril, ont récompensé un jeune photographe québécois. Samuel Bolduc a été nommé « photographe étudiant de l’année 2018 » pour sa série The Burden, qui traite du fardeau des déchets plastiques pour l’environnement et qui met en évidence l’urgence d’arrêter cette pollution. Originaire du Lac-Saint-Jean, Samuel Bolduc est en dernière année du programme de photographie du Cégep de Matane. Ses photos sont exposées à la Somerset House, à Londres, jusqu’au 6 mai.

Mouvement dans les galeries

Du nouveau dans le monde des galeries au Québec. Une page s’est tournée à Québec, vendredi dernier, alors que la galerie Lacerte, du 1, côte Dinan, est devenue la galerie Alexandre Motulsky-Falardeau, du nom de l’ancien critique d’art de Voir, qui représente Louis Boudreault et André-Philippe Côté. Madeleine Lacerte avait ouvert sa galerie d’art en 1981, son fils Louis assumant la direction dès 1990. Louis Lacerte cesse ses activités de galeriste tout en demeurant marchand privé. À Montréal, la galeriste Dominique Bouffard a annoncé la fermeture de son local du Belgo. « Je prendrai la prochaine année pour réfléchir à l’avenir de la galerie et à mon implication concrète dans le milieu, dit-elle par communiqué. Je prends cette pause avec le sentiment du devoir accompli. » La galerie fermera ses portes, ce samedi, à 17 h.

Paul Rosenbaum

Le Centre des arts de Dollard-des-Ormeaux présente, à partir de samedi et jusqu’au 27 mai, une rétrospective consacrée à Paul Rosenbaum, artiste et graphiste montréalais mort le 15 mars dernier à l’âge de 68 ans. Du disciple de Peter Krause, Marion Wagschal et Guido Molinari, on pourra apprécier une série de dessins au pastel de parcs paysagers, des études de nu sur papier et des sculptures en ciment, bois et d’autres médiums. Le vernissage aura lieu dimanche, de 13 h à 15 h.

À la Galerie de la ville du Centre des arts de Dollard-des-Ormeaux (12001, boul. de Salaberry), jusqu’au 27 mai

Centre d’exposition de Val-David

Lauréate du prix Relève Culture Montérégie ‒ La Fabrique culturelle 2018, l’artiste visuelle Chloé Beaulac présente La dérive au Centre d’exposition de Val-David jusqu’au 6 mai – des instantanés pyrogravés émanant de souvenirs de l’artiste ‒, en parallèle à l’exposition Instabilité de Caroline Gagnon, qui s’intéresse à l’observation de la matière. « Elles créent des moments de paix et de beauté si nécessaires et essentiels à chacun de nous », dit Manon Regimbald, directrice générale du centre.

Au Centre d’exposition de Val-David (2495, rue de l’Église), jusqu’au 6 mai

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