Projet P

Des femmes parlent de pénis, mais pas que

Quinze femmes, quinze histoires… de pénis. Mais pas que. Projet P : Quinze femmes parlent de pénis rassemble autant de nouvelles qui ont pour point commun l’organe masculin tel que vu et vécu par les autrices. Que peuvent nous apprendre des femmes sur cet organe vieux comme le monde ? Beaucoup.

Premières expériences sexuelles, problèmes érectiles, le pénis dans l’art, la transsexualité, le pénis qui fend (oui, la rupture du frein du prépuce, ça se peut) ou celui qui viole : dans ce recueil, qui sort ce mardi en librairie, le pénis n’est pas réduit à son plus simple appareil, il est au cœur d’une diversité d’expériences, toutes véridiques. Comme la vasectomie de son conjoint, relatée par Karine Glorieux, l’idéatrice du projet et directrice du collectif, le petit pénis rencontré par Caroline Allard à l’adolescence et qu’elle n’osait nommer, l’impuissance d’un conjoint racontée par Suzanne Myre ou la première expérience sexuelle de Fanie Demeule, une agression, survenue lors d’un jeu de rôle grandeur nature médiéval.

Une démarche féministe, oui, mais qui ne prend pas la forme d’un règlement de comptes. « Dans les deux textes qui parlent d’agression, on sent plutôt le désir de raconter cette histoire, de raconter ce qu’est la réalité d’une femme. On n’aurait pas pu l’occulter », remarque Karine Glorieux, qui voit dans cet ouvrage un complément aux récents mouvements de dénonciation, « une parole différente » qui expose la « toile de fond de la société ».

« Quand on parle du pénis, c’est souvent pour parler de la dénonciation et de la violence, mais je trouve ça bien que, dans un ouvrage, on soit capables de parler de la beauté, de la vulnérabilité, de la fragilité, de la force, oui, de la violence, mais aussi de plein d’autres sujets légers et sérieux à la fois », observe notre collègue Silvia Galipeau, journaliste à La Presse, qui fait partie du collectif d’autrices.

De voir des femmes s’arroger le droit d’écrire sur le pénis a tout de même choqué quelques personnes dans l’entourage de Karine Glorieux à l’annonce de son projet. À ceux-là, la professeure de littérature répond : « J’en ai lu des hommes qui parlaient du corps de la femme, qui le décrivaient de toutes les manières possibles. Je pense qu’on sait ce que c’est le corps de la femme vu par les hommes, mais s’ils ont envie d’écrire un livre sur le vagin, pourquoi pas ? » Pour elle, la conversation va dans les deux sens.

À l’origine de ce recueil, il y a une volonté de nommer les tabous et de briser les stéréotypes. De s’éloigner aussi d’une vision du pénis comme un organe de performance.

« Beaucoup d’hommes tombent dans un piège de la masculinité qui finit par leur ressembler à force, mais qui n’est pas lié à la réalité, déplore Karine Glorieux. Pourquoi, quand tu es un gars, tu es tellement préoccupé par la taille de ton pénis ? Alors que, comme on le met de l’avant dans un des textes, ce n’est pas ce qui est le plus important dans une relation sexuelle. D’où ça vient ? Pourquoi c’est comme ça ? Il y a beaucoup de questions qui se posent de ce livre-là. »

Elle croit que les hommes dont l’histoire est racontée dans le recueil, avec leur accord, seront soulagés par sa lecture. « De se dire : c’est possible d’avoir un petit pénis et de ne pas avoir honte. C’est possible de tout à coup ne plus pouvoir bander et que ce ne soit pas une catastrophe. Ça dédramatise les choses. »

« Après la lecture, je me suis dit : je veux que mes filles le lisent, ajoute Silvia Galipeau, qui suggère cette lecture aux adolescents. Ce n’est pas un cours d’éducation sexuelle, mais c’est un portrait hyperdiversifié d’un espèce d’organe mystérieux qu’on connaît quand même peu quand on entre dans la vie adulte et qu’on découvre la sexualité. »

Celle qui signe chaque dimanche dans La Presse une rubrique sur la sexualité s’était investie, pour ce projet, de la mission de trouver « la meilleure histoire de pénis ». Elle a déniché celle d’« un pénis qui n’en est pas vraiment un », celui de Denise, une transsexuelle. Dans un texte intitulé « Pénis d’un troisième type », elle raconte qu’au tout début de leur rencontre, elle a osé demander, avec toute la curiosité qui est la sienne : « Mais dis-moi, Denise, as-tu un pénis, toi ? » Manque de tact ? Oui, mais « tout le monde se pose ce genre de questions », dit-elle. « On rencontre une transsexuelle et on se demande : est-ce qu’elle a un pénis ou pas ? C’est très superficiel et fondamental à la fois. Quand tu leur parles, tu comprends le drame humain, l’histoire derrière et tu te rends compte que tout ça est secondaire. Et tu es gênée de t’être arrêtée à ça. »

Karine Glorieux espère que cet ouvrage saura faire œuvre utile et ouvrira le dialogue pour que les hommes et les femmes deviennent de meilleurs partenaires. Pour que la dose de courage qui a dû être investie dans cet ouvrage ne l’ait pas été en vain. Un courage qui était selon elle nécessaire pour que le livre n’existe pas seulement que pour l’intérêt prévisible que suscite son sujet.

Projet P : Quinze femmes parlent de pénis

Collectif d’autrices, sous la direction de Karine Glorieux

Québec Amérique

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