Kanata

Deux artistes autochtones invitées à Paris

La pièce Kanata de Robert Lepage prendra l’affiche samedi à Paris au Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Il n’y aura pas de comédiens autochtones en scène, mais la poète Maya Cousineau Mollen et la réalisatrice Kim O’Bomsawin assisteront à la première grâce à une invitation de l’association Décoloniser les arts.

Les artistes Maya Cousineau Mollen (Innue) et Kim O’Bomsawin (Abénakise) assisteront samedi à la première de la pièce de Robert Lepage Kanata – Épisode 1 – La controverse, produite par le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Invitées par l’association Décoloniser les arts, elles participeront lundi à un séminaire à ce sujet.

« C’est un groupe indépendant, note Maya Cousineau Mollen, et c’est à leur initiative que nous y allons. Ce n’est pas le Théâtre du Soleil qui nous a invitées. Je ne m’attendais jamais à aller voir la première de la pièce. En fait, on ne pensait pas que notre lettre de juillet allait causer un tsunami sur les réseaux sociaux. Mais ce qui s’est passé est positif finalement. » 

L’été dernier, dans une lettre publiée dans Le Devoir, une trentaine d’artistes et d’intellectuels autochtones et non autochtones avaient dénoncé l’absence de créateurs des Premières Nations dans Kanata. Une rencontre de plus de cinq heures avait suivi entre Robert Lepage, Ariane Mnouchkine et leurs détracteurs, sans toutefois changer le cours des choses.

Samedi, une nouvelle lettre ouverte paraîtra dans les médias québécois pour saluer le travail des acteurs du Théâtre du Soleil tout en décochant quelques flèches à l’endroit des producteurs du spectacle.

« Dans le contexte, cela aurait été insupportable pour un comédien autochtone de participer à la pièce. Nous, ce qu’on voulait, c’est juste rappeler que nous sommes là. La création théâtrale autochtone a évolué beaucoup. »

— Maya Cousineau Mollen

« Naître autochtone est un acte politique, poursuit la poète innue. Il faut le rappeler. La voie que je privilégie, c’est le dialogue et c’est pour ça qu’on va à Paris. Il ne faut pas avoir peur des questions délicates afin de voir ce qui se cache derrière. »

Sujets historiques

Sous le thème « Que représente l’histoire ? Qui parle pour qui ? », les deux artistes échangeront lundi « sur la représentation des minorités, le positionnement et la responsabilité des artistes quand il s’agit de s’emparer des sujets historiques ou mémoriels », annonce le site de Décoloniser les arts.

« Il y a eu maladresse de la part de ces deux monstres sacrés du théâtre [Robert Lepage et Ariane Mnouchkine], croit Maya Cousineau Mollen, mais il n’est pas trop tard pour corriger le tir et, surtout, en vue de la suite des choses. J’encourage le dialogue et rien ne sert de rester dans une position fermée. »

D’autres artistes des Premières Nations et innues – Émilie Monnet, Charles Bender et Caroline Nepton Hotte notamment – auraient reçu une invitation de Décoloniser les arts, mais n’étaient pas disponibles pour ce voyage en France.

Maya Cousineau Mollen dit aller voir Kanata en gardant l’esprit ouvert et en voulant donner la chance au coureur. Elle se dit « positive » face à la pièce.

« J’espère qu’il n’y a rien de choquant dans le spectacle. Par exemple, j’espère qu’on n’y verra pas des objets symboliques maltraités. Il semble qu’ils aient retravaillé la pièce, mais on ne sait pas du tout à quoi s’attendre. »

Artistes autochtones

Artistes à (re)connaître

Dave Jenniss

Dramaturge, acteur et directeur artistique de la compagnie de théâtre Ondinnok, le Malécite Dave Jenniss termine sa prochaine pièce qui sera présentée dans un théâtre montréalais en 2020. Il a aussi écrit KtahkomiqLe tambour du temps, Mokatek et l’étoile disparue ainsi que Delphine rêve toujours. Il pense qu’on devrait entendre parler davantage des artistes Ivanie Aubin-Malo et Louis-Karl Picard-Sioui.

« J’ai travaillé avec Ivanie Aubin-Malo qui est une jeune danseuse contemporaine. Elle fait aussi de la danse traditionnelle. Elle a performé à Tangente cette année. En littérature, Louis-Karl Picard-Sioui gagne à être connu. Il a sorti l’an dernier son recueil de nouvelles Chroniques de Kitchike. C’est vraiment bon. »

Kim O’Bomsawin

Réalisatrice abénakise très demandée, Kim O’Bomsawin coécrit un long métrage d’animation, une coproduction luxembourgeoise sur les féminicides intitulée Ghostdance. Elle termine le montage d’un moyen métrage documentaire pour Radio-Canada sur la justice autochtone et entreprendra ensuite un film sur la poète Joséphine Bacon. Elle veut faire connaître les artistes Meky Ottawa et Eruoma Awashish.

« Meky est une artiste multidisciplinaire en pleine ascension qui se spécialise en illustration et en animation. C’est elle qui a réalisé la murale d’Alanis O’Bomsawin. Eruoma vit au Lac-Saint-Jean. C’est formidable, ce qu’elle fait. Ses œuvres voyagent déjà dans le monde. »

Maya Cousineau Mollen

Originaire d’Ekuanitshit (Mingan), Maya Cousineau Mollen est poète et travaille en développement communautaire pour la firme d’architectes EVOQ. Elle croit que le dramaturge et acteur torontois Cliff Cardinal devrait être davantage connu partout au pays. Auteur de six pièces pour tous publics, dont Huff qui a fait deux tournées nationales, il est le fils de l’actrice Tantoo Cardinal.

« Sa pièce Huff, qui a été présentée récemment à La Petite Licorne, est choquante, mais c’est une œuvre magistrale. C’est l’histoire de trois frères, mais Cliff joue tous les rôles dans sa pièce. La traduction d’Étienne Lepage est très juste. C’est d’un humour très noir. »

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