Sexualité

L’art d’éduquer sans censure

En attendant le retour des cours d’éducation sexuelle à l’école, un organisme à but non lucratif a pris les devants et vient de lancer une banque d’images à la fois réalistes, non pornographiques et non censurées, histoire d’outiller les éventuels intervenants en mal criant de matériel.

Baptisée État brut : Corps sexués, la banque d’images propose 319 photos de 23 sujets différents montrant des fesses, des seins, des pénis et des vulves, de toutes les formes, couleurs et tailles imaginables. Avec ou sans poils. Bref, tous vrais, sans fard ni retouches (hormis un tatouage gommé, qui aurait compromis la confidentialité d’un participant) et, surtout, différents.

Déplorant le fait que les jeunes n’aient accès qu’à des schémas ou illustrations en classe, ou à de la porno à la maison, l’organisme Les 3 sex* (à qui l’ont doit un magazine virtuel sur la santé sexologique) s’est donc donné une mission : combler ce manque, en montant une banque d’images à des fins strictement éducatives, gratuites pour les enseignants (et payantes pour une utilisation commerciale, selon certains critères stricts).

« On a discuté avec des sexologues et ils nous disent que les jeunes filles ont des complexes sur la longueur de leurs petites lèvres alors qu’elles ont tout juste 12 ans ! »

— Marion Bertrand Huot, coprésidente de l’organisme Les 3 sex*

Le défi aura été de recruter des participants d’origines et d’âges variés. Mission accomplie : des 23 participants, on compte différentes origines ethniques, une femme enceinte et deux transgenres.

Se faire photographier pour la cause

L’intérêt des participants pour le projet est révélateur. Après avoir répondu à un appel à tous (et rempli un long questionnaire, où, fait à noter, les femmes ont eu tendance à se décrire de manière beaucoup plus sévère que les hommes), ils ont été sélectionnés selon différents critères de diversité.

Si Les 3 sex* leur ont offert 20 $ pour leur participation, plusieurs ont refusé, affirmant collaborer pour la cause.

« Si j’avais eu des photos semblables quand j’étais jeune, peut-être que je me serais senti moins complexé », a confié un participant au photographe, Francis Riendeau. « Une femme asiatique m’a dit qu’elle ne s’était jamais reconnue dans les livres. » Et le modèle noir ? Il était plein de complexes à l’adolescence, convaincu que tous les Noirs – sauf lui – avaient des pénis surdimensionnés.

Parce qu’ils auraient aimé eux-mêmes voir ce genre d’images à l’adolescence, réaliser plus jeunes qu’il n’y a pas une vulve qui se ressemble et qu’il n’y a pas de norme en matière de longueur de pénis, bref pour « normaliser l’apparence des organes génitaux » et en finir avec les jugements, les idéateurs du projet promettent aussi de poursuivre le travail (bénévole, faut-il le souligner). Objectif ? Le bonifier avec le temps, notamment avec des modèles plus âgés et toujours plus diversifiés.

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