Guerre en Ukraine

Moscou poursuit son offensive dans la région de Kharkiv

Rouski Tychky — Les combats se sont poursuivis lundi dans la région de Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine, où l’armée russe a lancé une offensive et s’est emparée de dizaines de kilomètres carrés, Kyiv affirmant pour sa part tenir le coup et avoir renforcé la zone.

Les forces russes ont franchi la frontière vendredi et attaquent dans les directions de Lyptsi et de Vovtchansk, deux localités respectivement situées à une vingtaine et une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine.

Cette opération, qui pousse Kyiv à mobiliser des renforts, a fait craindre une percée russe face à une armée ukrainienne manquant déjà de ressources.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, dans son discours du soir, a néanmoins assuré que Kyiv menait des « contre-attaques » et que le secteur était renforcé. « Nous détruisons l’infanterie et l’équipement de l’occupant », a-t-il assuré.

Selon M. Zelensky, Kyiv a aussi constaté des « activités hostiles », à savoir « des groupes de sabotage » et des « frappes » contre les autres régions frontalières de Soumy et de Tcherniguiv, dans le nord de l’Ukraine.

Ailleurs, dans plusieurs zones soumises à un « intense feu ennemi » sur les axes de Kramatorsk et Pokrovsk, dans l’est du pays, les positions de l’armée ukrainienne ont été modifiées afin de « sauver la vie de nos défenseurs », a écrit lundi soir l’état-major ukrainien dans un communiqué sur Facebook.

Visite surprise de Blinken

Le chef de la sécurité nationale ukrainienne, Oleksandr Lytvynenko, a indiqué que « plus de 30 000 » soldats russes attaquaient la région de Kharkiv.

Il a cependant estimé que, pour l’instant, aucune « menace » ne pesait sur la grande cité de Kharkiv, située à une trentaine de kilomètres de la zone des combats et qui comptait près d’un million et demi d’habitants avant l’invasion russe.

Dans ce contexte, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken est arrivé en train de nuit mardi matin à Kyiv pour une visite surprise censée rassurer les Ukrainiens sur le soutien continu des États-Unis, et promettre un flot d’armements.

Au cours de sa visite, M. Blinken doit avoir des entretiens avec le président Zelensky, avec son homologue Dmytro Kuleba, rencontrer des membres de la société civile et prononcer un discours axé sur « l’avenir de l’Ukraine », a indiqué à des journalistes un haut responsable américain à bord du train transportant le secrétaire d’État.

Cette visite, qui n’avait pas été annoncée au préalable, intervient quelques semaines après le vote du Congrès américain débloquant une enveloppe massive pour l’Ukraine de 61 milliards de dollars, qui était restée en rade pendant plusieurs mois, prise au jeu de questions de politique intérieure aux États-Unis en pleine année électorale.

« Boucherie »

« Ils font des assauts “boucherie“, ils envoient tout leur équipement, […] leurs drones sont très actifs », a affirmé lundi à l’AFP, à partir de la localité de Rouski Tychky, un soldat ukrainien membre d’un groupe reprenant des forces après avoir défendu Lyptsi, à 7 km de là.

Ce soldat, qui a refusé de donner son nom, faisait référence aux attaques par vagues, très meurtrières, déjà employées auparavant par la Russie.

Un autre militaire de ce groupe a affirmé que des bombes aériennes guidées russes tombaient massivement dans la zone, comme « la pluie en Angleterre ».

« La situation est sous contrôle, mais c’est très relatif […] tout pourrait changer d’une minute à l’autre. »

— Un militaire ukrainien ayant refusé de donner son nom

Ce militaire appelle les alliés occidentaux de Kyiv à fournir plus d’armements.

Plus tôt, lundi, le gouverneur de la région, Oleg Synegoubov, a affirmé que plus de 30 localités avaient été touchées par des tirs d’artillerie.

Il a précisé que 5762 de leurs habitants au total ont été évacués de ces zones depuis le début des combats. Le départ d’environ 1600 autres personnes était prévu pour lundi, en dépit d’une « situation assez compliquée », selon lui.

Selon la chaîne Telegram DeepState, proche de l’armée ukrainienne, les Russes sont parvenus à occuper une bande d’environ 70 km⁠2 dans la région de Lyptsi et une autre de 34 km⁠2 vers Vovtchansk.

En parallèle, une personne a été tuée et trois autres blessées dans une frappe sur une ferme d’un village à l’ouest de Kharkiv, à une trentaine de kilomètres de la zone des combats, ont annoncé les autorités régionales.

« Tellement l’horreur »

Kateryna Stepanova, 74 ans, évacuée de Lyptsi avec son fils, a affirmé être partie en urgence. « C’est tellement l’horreur ce qui se passe là-bas. Les maisons sont en feu. »

Selon la chaîne Telegram Rybar, proche de l’armée russe, après quatre jours d’offensive, « aucune percée à grande échelle des défenses ennemies n’a été enregistrée ».

« Après avoir dégagé la zone frontalière “grise“, les unités d’assaut russes se sont concentrées sur la pénétration dans les bastions et les lignes défensives des forces armées ukrainiennes », affirme la chaîne lundi.

Les autorités ukrainiennes prévenaient depuis des semaines que Moscou pourrait tenter d’attaquer les régions frontalières du nord-est de l’Ukraine, aux prises avec des retards dans l’aide occidentale et un manque de soldats.

Les États-Unis ont assuré à ce propos faire « tout ce qui est humainement possible » pour fournir rapidement des armes à l’Ukraine, a déclaré lundi Jake Sullivan, conseiller du président américain Joe Biden. Une nouvelle enveloppe d’aide va être annoncée « dans les prochains jours » afin d’accélérer le « rythme des livraisons », a ajouté M. Sullivan.

De petits lots d’aide ont commencé à arriver sur la ligne de front sous la forme d’artillerie, a rapporté le commandant Yurii Federenko, commandant du bataillon ACHILLES de la 92e brigade, dont l’unité a reçu une partie de cette aide. Mais il faudra au moins deux mois avant que les approvisionnements entrants ne répondent aux besoins de Kyiv pour maintenir la ligne. Jusqu’à leur arrivée, l’Ukraine ne pourra pas prendre d’initiative sur le champ de bataille, a-t-il souligné.

« Les Russes ont maintenant la possibilité de nous attaquer alors que nous ne pouvons pas répondre correctement », a-t-il ajouté.

Frappes ukrainiennes

À l’intérieur de la Russie et dans les zones d’Ukraine occupées, les Ukrainiens ont multiplié les frappes, en particulier sur les infrastructures énergétiques.

Au moins quatre personnes ont été tuées et neuf blessées dans des bombardements imputés à l’Ukraine dans la région occupée de Louhansk (Est) et dans celle russe de Koursk, ont annoncé les autorités russes.

L’Ukraine a par ailleurs revendiqué lundi avoir frappé un terminal pétrolier et une sous-station électrique respectivement dans les régions de Belgorod et de Lipetsk, dans l’ouest de la Russie, non loin de la frontière ukrainienne.

— Avec l’Associated Press

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