Afrique–Canada

Un partenariat économique qui se fait attendre

À peine deux ans après son arrivée au pouvoir, l’administration Biden-Harris a présenté sa vision de l’Afrique lors du sommet des leaders Afrique–États-Unis, qui a eu lieu à Washington du 13 au 15 décembre.

Tel qu’annoncé dans le document The United States and Africa : Building a 21st Century Partnership, les Américains s’engagent à investir 55 milliards de dollars en Afrique. Un engagement qui non seulement appuie les initiatives prises par les administrations précédentes, mais aspire aussi à élargir les chantiers de collaboration avec les partenaires africains au regard de la situation qu’impose l’ordre mondial.

Au Canada, une telle stratégie se fait attendre. Des sénateurs ont d’ailleurs talonné le gouvernement Trudeau sur sa vision de l’Afrique dans la foulée du dévoilement de la stratégie canadienne pour l’Indo-Pacifique.

L’Afrique courtisée par le G7

Au regard des occasions dont regorge le continent africain, nos alliés, qui sont aussi nos concurrents, nous imposent une rivalité sans précédent.

Alors que la part des investissements directs étrangers d’origine canadienne sur ce continent est estimée à 0,43 %, la France est le premier pays à y investir parmi le G7, avec une part évaluée à 4,63 %, suivie par l’Italie (3,91 %), le Royaume-Uni (3,44 %), les États-Unis (1,16 %), l’Allemagne (0,79 %) et le Japon (0,77 %). Ainsi, le Canada est le pays du G7 qui a le moins investi en Afrique entre 2011 et 2017.

La faiblesse de la présence canadienne en Afrique s’observe aussi dans la part de marché que les exportateurs d’ici y détiennent. Entre 2001 et 20181, leur part n’est passée que de 0,38 % à 0,74 %, alors que la part des exportateurs indiens et chinois est passée respectivement de 6,41 % à 8,34 % et de 2,24 % à 4,21 %.

Pendant ce temps, nos alliés et nos compétiteurs se positionnent sur les marchés africains grâce à des partenariats économiques : Belt and Road Initiative (Chine), Together with Africa Summit (Corée du Sud), Prosper Africa Initiative (États-Unis), Tokyo International Conference on African Development (Japon), India–Africa Forum Summit (Inde), UK–Africa Investment Summit (Royaume-Uni), Russia–Africa Summit (Russie) et Africa–EU Partnership (Union européenne).

Des occasions à saisir

Alors que le secteur privé africain n’a dépensé que 2,6 billions de dollars en 20152, ses dépenses devraient atteindre 3,5 billions à l’horizon 2025. D’ici là, 80 % des dépenses d’affaires seront effectuées par cinq grands secteurs : l’agriculture et l’agro-industrie, l’industrie, la construction, les services publics et le transport, le commerce de gros et de détail, et les ressources naturelles.

Pour leur part, les ménages africains3 dépenseront 2,1 billions de dollars en 2025, une augmentation estimée à 645 milliards de dollars par rapport à 2015. Le marché des produits de première nécessité sera le plus attractif d’ici là, mais celui des services connaîtra une croissance de dépenses nettement plus rapide.

Or, si les marchés africains demeurent peu attractifs aux yeux de nos entreprises, c’est notamment parce que l’environnement d’affaires du continent reste peu propice. Selon le classement « Doing Business 2020 » de la Banque mondiale, lequel mesure l’attractivité de l’environnement d’affaires selon 10 indicateurs (création d’entreprise, obtention de permis de construire, raccordement à l’électricité, transfert de propriété, paiement des taxes, commerce transfrontalier, etc.), l’Afrique enregistre l’un des résultats les plus faibles (51,80 %) et se classe au 140e rang sur 190.

En effet, quatre indicateurs d’affaires y sont en dessous de 50 %, soit le règlement de l’insolvabilité qui est l’obstacle le plus contraignant (31,30 %), la protection des investisseurs minoritaires (38,50 %), l’obtention de prêts (45,20 %) et l’exécution des contrats (49,60 %).

Malgré ces obstacles, quelques villes africaines semblent néanmoins offrir de meilleures conditions d’affaires. Les investissements directs étrangers à destination du continent africain sont en effet concentrés dans les espaces urbains. Le Caire, Johannesbourg, Tanger, Lagos et Casablanca sont les villes qui ont le plus reçu d’investissements internationaux entre 2003 et 20164.

Les villes africaines deviennent ainsi les nouvelles portes d’entrée de l’Afrique.

Vers un partenariat économique Afrique–Canada

Tandis que le continent africain a besoin d’investissements internationaux, en plus des ressources mobilisées localement, afin d’amorcer son passage d’une économie basée sur les produits agricoles et les ressources naturelles vers une économie axée sur des secteurs industriels et post-industriels, le Canada a besoin de nouveaux partenaires pour réduire sa dépendance à l’égard de quelques marchés saturés des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L’Afrique a donc besoin du Canada et le Canada, de l’Afrique, justifiant un vaste partenariat gagnant-gagnant.

Que ce soit pour atténuer les risques d’affaires qui caractérisent les marchés africains ou pour promouvoir le commerce et l’investissement entre les deux rives de l’Atlantique, Africains et Canadiens ont tout intérêt à bâtir à leur tour un partenariat économique qui sera gage de prospérité mutuelle et réciproque.

1 Consultez le rapport du Business Council of Canada sur les investissements canadiens en Afrique (en anglais)

2 et 3 Lisez l’article (en anglais) : « Lions on the move II : realizing the potential of Africa’s economies »

4 Consultez le rapport de l’ONU-Habitat sur l'état des villes africaines (en anglais)

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