Je vis sur un pandémonium ellipsoïdal

Il est minuit vingt-cinq et je regarde le vide depuis plusieurs minutes. J’ai envie de crier. De hurler mon désarroi, dans toutes les langues, sur tous les toits. J’ai envie de bouger. D’agir. De me révolter, de manifester. Mais je me retrouve là, sans voix, paralysé. Je me retrouve devant un constat à glacer le sang : je vis sur un pandémonium ellipsoïdal.

J’écris donc.

J’écris d’abord que je vais, pour un bref instant, retirer mes lunettes roses pour affronter la réalité. J’écris que, selon moi, les merveilles sont partout, dans tous les petits moments du quotidien. Mais qu’en traçant un portrait global de l’actualité, elles semblent s’occulter.

J’écris aussi que ça me fait atrocement mal de savoir que sept enfants ont perdu leur mère à cause d’une injustice. Sept enfants… que dis-je ? Mille enfants ! Parce que l’injustice qui coûte la vie, elle est itérative (et ici très euphémisée, qu’on se le tienne pour dit).

J’ai mal d’un peuple qui peine à comprendre que « l’autre » pourrait être lui, que les mots blessent, qu’une diversité ne dicte en rien un comportement particulier. J’ai mal d’une ignorance à cravate qui pense « argent » avant « bien-être ». J’ai mal, par-dessus tout, à ceux et celles qui souffrent, qui se trouvent entravés par une condition qu’ils et elles n’ont pas choisie.

Je suis un homme blanc et j’ai de la chance – parce que, hélas, il en a été décidé ainsi.

Avoir de la chance, ça devrait être simplement de vivre, de respirer. Pas d’avoir des privilèges en fonction d’un genre, d’une couleur de peau, d’un état mental ou d’un physique sur lesquels nous n’avons (pour la plupart) aucun pouvoir.

Nous ne sommes pas le 1er janvier, mais je me permets d’écrire mes vœux pour l’année (parce que rendu où nous en sommes, 1er janvier ou 1er octobre, c’est du pareil au même). Je nous souhaite donc plus d’empathie, une exemption d’insultes, de discrimination, d’ineptie. Plus d’amour, surtout. Je nous souhaite une rencontre vers l’autre, vers nos voisins et nos voisines – ceux et celles de la rue, de la frontière, de l’océan. J’oserais même nous souhaiter plus d’art. Parce que l’art permet de s’ouvrir sur le monde, de le comprendre, de le ressentir. Il est seulement dommage qu’on en soit en partie privés pour les 28 prochains jours…

Il nous faudra donc du courage – et beaucoup d’entraide.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.