Une fuite sans issue

L’armée israélienne prépare toujours son offensive, mais laisse aux Palestiniens plus de temps pour évacuer le nord de la bande de Gaza, un sursis qui ne donne toutefois pas de véritable répit aux civils coincés dans l’enclave. La situation humanitaire s’y détériore sous le siège imposé par Israël, et les issues sont fermées.

Israël et le Hamas en guerre

Léger sursis pour les civils désespérés

Ce qu’il faut savoir

L’évacuation des habitants se poursuit à Gaza dans l’attente d’une offensive israélienne imminente.

La situation humanitaire dans l’enclave privée d’eau et d’électricité se détériore de plus en plus.

Les États-Unis enverront un deuxième porte-avions en Méditerranée orientale. Et l’Union européenne triple son aide humanitaire destinée à la population de Gaza.

Des milliers de civils désespérés ont continué de fuir vers le sud de la bande de Gaza, samedi, profitant d’un sursis de l’armée israélienne qui s’apprête à lancer une offensive terrestre d’envergure. Et la crise humanitaire s’accentue jour après jour dans la petite enclave coupée du monde.

En voiture, en charrette, à pied : l’évacuation par tous les moyens de civils gazaouis se poursuivait samedi sous le spectre d’une escalade de la violence.

Vendredi, Israël avait ordonné aux habitants du nord de Gaza, soit 1,1 million de personnes, de gagner le sud de l’enclave dans les 24 heures.

Or, un porte-parole de l’armée israélienne a annoncé samedi soir un sursis pour les Palestiniens, assurant que l’offensive terrestre ne serait pas lancée ce dimanche, pour des raisons humanitaires.

Tsahal a confirmé que ses troupes se préparaient à « une opération terrestre importante », dans le cadre d’une « attaque intégrée et coordonnée depuis l’air, la mer et la terre ».

Selon trois officiers supérieurs cités par le New York Times, l’assaut devrait être donné « dans les prochains jours ».

Samedi, le premier ministre d’Israël, Benyamin Nétanyahou, a rendu visite à des soldats massés tout près de la bande de Gaza. « La prochaine étape arrive », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par son cabinet.

Au moins 1300 Israéliens ont été tués depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre, et 2200 Palestiniens.

Samedi dernier, des centaines de militants du Hamas ont bombardé et infiltré le territoire israélien, massacrant civils et soldats dans des kibboutz, des camps militaires et sur les lieux d'un festival de musique, et capturant des otages dans un chaos sanglant.

Des civils en fuite tués

Obéissant aux ordres israéliens, au moins 70 civils, dont des enfants, ont été tués alors qu’ils fuyaient le nord du territoire, a indiqué le ministère palestinien de la Santé samedi.

Selon des informations vérifiées par le Guardian, un convoi de véhicules circulait sur l’une des deux routes désignées par l’armée israélienne pour l’évacuation (la route Salah ad-Din, voir carte), lorsqu’il a été la cible d’une frappe aérienne meurtrière.

Des photos de l’attaque – que le Hamas a imputée à Israël – montrent une douzaine de cadavres, pour la plupart des femmes et des enfants.

Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a exhorté les habitants à ne pas fuir, accusant Israël de « crimes de guerre ».

De son côté, l’armée israélienne a annoncé avoir retrouvé dans l’enclave palestinienne des cadavres d’otages israéliens enlevés par des militants du Hamas lors de l’attaque du 7 octobre.

Crise humanitaire

Jour après jour, la crise humanitaire s’accentue dans la petite enclave coupée du monde. L’accès bloqué à l’eau est devenu « une question de vie ou de mort », a déclaré samedi un porte-parole de l’ONU.

Des centaines de milliers de Gazouis ont été déplacés en l’espace de 12 heures, et près d’un million depuis le début du conflit il y a une semaine.

L’évacuation forcée de milliers de patients du nord de Gaza vers les établissements débordés du sud du territoire pourrait être « l’équivalent d’une peine de mort », a averti l’Organisation mondiale de la santé.

« Il y a des gens qui dorment à même le sol partout, même à l’intérieur de l’hôpital. La promiscuité va entraîner une épidémie de maladies infectieuses », a déclaré au Guardian le DGhassan Abu-Sittah, chirurgien à l’hôpital Shifa de la ville de Gaza.

L’Union européenne a annoncé samedi qu’elle triplait l’aide humanitaire destinée à la population de la bande de Gaza, à 75 millions d’euros.

Or, acheminer l’aide aux millions de civils gazaouis pris au piège constitue un défi : la seule ouverture qui ne soit pas sous contrôle israélien, le point de passage de Rafah en Égypte, est actuellement fermée.

Le président des États-Unis, Joe Biden, s’est entretenu samedi avec le président palestinien Mahmoud Abbas et le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, les exhortant à autoriser l’acheminement de l’aide humanitaire dans la région.

« La crise humanitaire » à Gaza est « une priorité », a déclaré M. Biden, tandis que plusieurs ONG ont demandé l’ouverture de couloirs humanitaires.

Un second porte-avions américain

Les États-Unis enverront un second porte-avions en Méditerranée orientale « pour dissuader les actions hostiles contre Israël ou tout effort visant à élargir cette guerre après l’attaque du Hamas ».

L’USS Dwight D. Eisenhower et ses navires d’escorte rejoindront un premier porte-avions – l’USS Gerald R. Ford – déployé dans la région après l’attaque sanglante du Hamas.

Ce déploiement montre « l’engagement sans faille de Washington en faveur de la sécurité d’Israël et notre détermination à dissuader tout acteur étatique ou non étatique cherchant à intensifier cette guerre », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin.

Des frappes en Syrie

La tension est également vive au nord d’Israël. Le mouvement armé Hezbollah a déclaré samedi que l’un de ses combattants avait été tué dans le sud du Liban par Tsahal.

Le sud du Liban est le théâtre de tirs entre le Hezbollah libanais et l’armée israélienne depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.

Une frappe aérienne israélienne a également visé samedi l’aéroport d’Alep, ville du nord de la Syrie, faisant cinq blessés.

Le ministère syrien de la Défense a confirmé les frappes dans la nuit de samedi à dimanche, accusant Israël de « crimes contre le peuple palestinien » en référence à sa riposte contre l’attaque du Hamas.

Des raids israéliens avaient déjà visé jeudi les aéroports de la capitale syrienne, Damas, et d’Alep.

Effet domino

Le conflit entre Israël et le Hamas pourrait-il s’étendre à d’autres régions du Moyen-Orient ? Selon le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amirabdollahian, c’est possible.

Il a fait part de ce scénario vendredi lors d’une rencontre avec le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui s’est déroulée devant des journalistes, au Liban.

Samedi, M. Amirabdollahian a également rencontré le plus haut responsable politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, dont l’organisation reçoit un soutien financier et politique de l’Iran.

— Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, le Guardian et le New York Times

Israël et le Hamas en guerre

Aucun Canadien n’a pu être évacué de la bande de Gaza

Les quelque 160 Canadiens coincés dans la bande de Gaza n’ont pas pu être évacués samedi en raison de « violences » au point de passage de Rafah, selon la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly. Elle assure que leur évacuation de Gaza est sa « priorité ». L’évacuation des Canadiens en Cisjordanie devrait quant à elle débuter mardi.

La situation à Gaza, tout comme en Cisjordanie et dans le nord d’Israël, à la frontière du Liban, est très « volatile », a soutenu la ministre Mélanie Joly en conférence de presse samedi. Elle se trouvait alors en Jordanie, après s’être entretenue avec son homologue israélien vendredi.

« Je suis allée en Israël pour différentes raisons, mais surtout pour comprendre l’impact humain de cette attaque terroriste sans précédent du Hamas en Israël, a-t-elle expliqué aux journalistes. J’ai eu l’occasion de voir des vidéos bouleversantes, contre des civils israéliens, que je ne vais jamais oublier. »

La priorité de la ministre est de négocier le passage des Canadiens et de leurs familles pris dans la bande de Gaza pour pouvoir les évacuer vers l’Égypte.

Depuis l’attaque du Hamas il y a une semaine, la bande de Gaza est pilonnée par l’armée israélienne, qui a aussi imposé un siège, empêchant l’arrivée d’eau, de nourriture, de médicaments et de carburant.

Un créneau pour l’évacuation des ressortissants étrangers avait d’abord été établi samedi, entre midi et 17 h, heure locale, mais l’évacuation n’a pas eu lieu, a confirmé Mme Joly.

Mélanie Joly sera en contact avec son homologue égyptien pour comprendre ce qui s’est passé. Selon ses informations, des « violences » au point de passage de Rafah ont empêché l’évacuation. Parallèlement, la ministre assure avoir négocié une entente avec Israël qui permettra aux ressortissants canadiens d’être évacués.

« Nous sommes extrêmement inquiets de la situation à Gaza, qui est l’un des pires endroits au monde où se trouver en ce moment », a-t-elle dit.

Gaza sur le point de manquer d’eau

La ministre affirme avoir multiplié les discussions en vue de l’instauration de corridors humanitaires dans la bande de Gaza. Selon une discussion qu’elle a eue samedi avec un chef des Nations unies, les Gazaouis étaient « à 24 heures » de manquer d’eau potable en raison du manque de carburant pour alimenter l’usine de désalinisation.

« C’est pourquoi il faut être en mesure d’offrir de l’eau, de la nourriture et des combustibles », a déclaré Mme Joly en conférence de presse. « Les vies civiles israéliennes sont importantes, tout comme les vies civiles palestiniennes. À tout moment, le droit international doit être respecté. »

La ministre dit aussi avoir discuté avec ses homologues des pays avoisinants, dont l’Égypte et l’Arabie saoudite, pour éviter que le conflit ne s’étende à d’autres régions. La situation à la frontière entre Israël et le Liban, notamment, est très « volatile ».

Affaires mondiales Canada exhorte les Canadiens et leurs familles au Liban à quitter la région. « On sait qu’Israël a le droit de se défendre face à des attaques terroristes du Hezbollah, a expliqué Mme Joly. Dans les circonstances, on [recommande aux] citoyens canadiens qui sont dans la région [du sud du Liban] d’être très conscients qu’ils devraient quitter la région et être dans un endroit sécuritaire. »

Plan d’évacuation pour la Cisjordanie

Du côté de la Cisjordanie occupée, Mélanie Joly a affirmé avoir négocié une entente avec Israël, l’Autorité nationale palestinienne et la Jordanie pour permettre l’évacuation des Canadiens. L’opération se fera en bus à partir de Ramallah, en Cisjordanie, vers Amman, capitale de la Jordanie, a-t-elle expliqué. Le tout devrait débuter mardi.

Les vols organisés par le Canada de Tel-Aviv, en Israël, vers Athènes, en Grèce, se poursuivront aussi ce dimanche. Jusqu’à présent, environ 700 Canadiens ont pu en bénéficier, a soutenu Mme Joly.

« C’est sûr, à mon avis, que le Canada est en train de voir avec tous les alliés possibles comment faire sortir des ressortissants canadiens », nous a indiqué Laurence Deschamps-Laporte, professeure adjointe au département de science politique de l’Université de Montréal et directrice du Centre d’études et de recherches internationales (CERIUM).

« La pratique canadienne, c’est que dès qu’on est capable de négocier avec des alliés pour faire sortir des ressortissants, on ne laisse rien passer. Je m’attends à ce que le Canada essaie le plus fort possible de bénéficier de cet accord. »

— Avec la collaboration d’Ariane Krol, La Presse

Point de passage de Rafah

Pourquoi l’Égypte ferme la porte aux Palestiniens

En pleine crise humanitaire dans la bande de Gaza, l’Égypte, qui en partage la frontière sud, est opposée à l’évacuation de civils sur son territoire. Qu’est-ce qui explique cette position du pays arabe ? Nous en avons discuté avec Thomas Juneau, professeur adjoint à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.

Depuis une semaine, la pression s’accentue sur le gouvernement égyptien pour permettre l’établissement de corridors humanitaires dans la bande de Gaza et l’évacuation de civils palestiniens.

La bande de Gaza – enclave palestinienne plus petite que l’île de Montréal et peuplée de 2,4 millions de personnes – est bordée au nord et à l’est par Israël, à l’ouest par la mer Méditerranée et au sud par l’Égypte. Depuis plus de 15 ans, le territoire est isolé et seuls deux points de passage – l’un vers Israël, l’autre vers l’Égypte – permettent d’y entrer ou d’en sortir.

« L’idée d’ouvrir des camps juste de l’autre côté de la frontière en disant que la communauté internationale va les financer, l’Égypte n’en veut pas », résume en entrevue téléphonique Thomas Juneau.

« Elle regarde le Liban et la Jordanie, où, depuis 1948 et 1967, les réfugiés sont encore là : le fardeau économique et social que ça représente pour ces pays est énorme. »

L’Égypte craint de se retrouver « propriétaire du problème », d’autant que parmi l’afflux massif de réfugiés de Gaza se glisseraient sans doute des sympathisants et des militants du Hamas, souligne M. Juneau.

De plus, la région égyptienne qui se trouve de l’autre côté de Gaza, la péninsule du Sinaï, est « très, très pauvre, a des problèmes sociaux et économiques majeurs et […] a déjà de gros problèmes de militantisme islamique », rappelle-t-il.

Les habitants de Gaza doivent « rester sur leur terre », a déclaré le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, jeudi.

Le danger d’une brèche

Depuis une semaine, la population de la bande de Gaza se retrouve coincée entre les combattants du Hamas et l’armée israélienne, qui y a imposé un siège et lancé une série de bombardements. L’issue de secours de Rafah – vers l’Égypte – reste fermée aux Palestiniens, malgré des négociations à l’international pour favoriser leur évacuation.

Le territoire est contrôlé par le Hamas, groupe déclaré terroriste par le Canada, les États-Unis et l’Union européenne, notamment. Ce groupe prône la destruction de l’État d’Israël et l’instauration d’un État islamiste palestinien.

Le mur entre Gaza et l’Égypte, qui est « très très court », est lui-même un enjeu, ajoute M. Juneau.

« Qu’est-ce qui arrive si ce mur-là est un jour bombardé, qu’il y a une brèche et que les gens se mettent à passer ? Ça va être l’anarchie ! Et ça se ferait dans une violence absolument inouïe. »

Entrevue

Le Canada doit appuyer « totalement » Israël, estime Brian Mulroney

Le Canada doit appuyer totalement Israël dans sa lutte contre le Hamas, estime l’ex-premier ministre Brian Mulroney. Au pouvoir pendant près d’une décennie, celui qui s’est démarqué par ses politiques internationales a accordé une entrevue à La Presse sur le conflit au Moyen-Orient.

Quelle est votre position par rapport à ce qui se passe entre Israël et le Hamas ?

Lorsqu’il y a un conflit armé, il y a lieu de prendre quelques instants pour considérer les nuances. Mais ici, il n’y a pas de nuances. Israël a été envahi par des tueurs à gages du Hamas, des terroristes dévoués à une cause, à un objectif : tuer des Juifs. En conséquence, des bébés de 4 mois ont été assassinés, des hommes, des femmes, des vieillards. C’était pour moi la pire démonstration de ce que les historiens appellent la « haine des Juifs », depuis l’Holocauste. Je considère que le Canada ne peut adopter qu’une position d’appui total à Israël, en plus de mener une campagne de dénonciation de ce groupe criminel.

Il s’agit d’un conflit qui fait débat. Avec la population palestinienne civile prise entre deux feux dans la bande de Gaza, on assiste à une souffrance humaine importante de part et d’autre. Pensez-vous que l’appui inconditionnel du Canada à Israël risque de lui nuire à long terme ?

Je reconnais volontiers que c’est une tragédie que le Hamas se serve de la population locale pour se protéger et se cacher. Les dirigeants sont rendus dans les tunnels sur le territoire. (...) Le Hamas est en train de dire à sa population de ne pas partir, d’accepter la mort. C’est ça, le problème. Je déplore énormément ce qui va se passer avec les jeunes [de la bande de Gaza], parce qu’à peu près 50 % de la population est très jeune. Mais ça a été provoqué, quand même, cette attaque.

Quelle est votre position par rapport au siège de la bande de Gaza par Israël, qui empêche l’acheminement d’eau, de carburant et de nourriture ?

C’est une tactique de guerre, une tactique pour forcer les gens de Gaza à quitter le Nord avant l’intervention israélienne. C’est déplorable, tout ça est déplorable, mais ça fait partie d’un effort de l’État d’Israël pour trouver les dirigeants du Hamas et leur régler leur compte une fois pour toutes. On ne peut pas vivre à côté d’une organisation comme le Hamas, qui est financée par des étrangers et dont le but est de tuer les Juifs.

Quel est le rôle du Canada ? Que peut-il faire pour tenter d’avoir une influence sur ce conflit qui pourrait s’étendre à d’autres régions du Moyen-Orient ?

Le Canada n’a pas une influence énorme dans la région. [La ministre des Affaires étrangères] Mélanie Joly est en train de faire ce que le Canada doit faire. Elle fait du bon travail en étant dans la région et en organisant le rapatriement des citoyens canadiens. Le Canada a un rôle très modeste à jouer, mais je pense qu’elle le joue bien.

Vous avez vécu plusieurs périodes tumultueuses en politique internationale quand vous étiez au pouvoir. Si vous étiez aux commandes en ce moment, qu’est-ce que vous feriez de différent ?

Je ne suis pas premier ministre. Ça fait 30 ans que je ne suis plus premier ministre. Ce sera à ceux qui sont en fonction de prendre le leadership. Si j’étais premier ministre, je ferais quelque chose. C’était mon style. Avec [Nelson] Mandela, puis avec la réunification de l’Allemagne, puis avec la création du Sommet de la francophonie, puis l’ALENA. J’étais connu comme un premier ministre qui bougeait. Maintenant, dans ce territoire, dans ce problème-là, qui est très, très délicat, il y a un grand acteur à part Israël : les États-Unis. Et les États-Unis ont réagi un peu comme je viens de vous dire. Ce n’est pas une position pro-Israël. C’est une position humanitaire. Humaniste.

Selon vous, le Canada doit entretenir des liens étroits avec les États-Unis pour avoir de l’influence ?

Oui, c’est le facteur principal. Un premier ministre canadien qui n’est pas collé sur les Américains, sur le président, avec une influence certaine, n’ira pas loin au niveau international. Ce sont nos alliés normaux, nos voisins et meilleurs amis. On a un accès privilégié à la Maison-Blanche, il faut s’en servir. Je peux vous garantir que quand j’étais là, je m’en servais. J’ai travaillé à bâtir des relations amicales et fortes, avec le président Reagan, puis Bush, puis Clinton. Au niveau international, sans ça, c’est difficile pour le Canada de naviguer.

Pourtant, dans certains dossiers, vous vous étiez éloigné de la position américaine, notamment sur l’apartheid en Afrique du Sud, ou sur le Nicaragua…

Oui, souvent ! Au sujet de Cuba, de l’Amérique centrale, même dans le cas de Nelson Mandela [en Afrique du Sud], j’avais des divisions profondes avec [Ronald] Reagan et [Margaret] Thatcher. Une amitié solide sur les grandes questions d’actualité, ça ne veut pas dire qu’on suit les Américains. Au contraire, le premier ministre du Canada doit toujours être motivé par l’intérêt national des Canadiens. Point à la ligne.

Certaines réponses ont été synthétisées par souci de concision et pour faciliter la lecture.

Qui est Brian Mulroney ?

Brian Mulroney a été premier ministre du Canada, à la tête du Parti progressiste-conservateur, de 1984 à 1993.

Il était notamment au pouvoir lors de la dissolution de l’URSS, pendant la guerre du Golfe et au moment de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Il a pris position contre l’apartheid, rompant avec la position américaine et britannique de l’époque.

Parmi son bilan en matière de politique internationale, il a conclu l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique (ALENA). Il a par ailleurs négocié l’accord sur les pluies acides avec les États-Unis.

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