politique

Tandis que l’heure était au bilan à Québec, François Legault a profité de la fin de la session pour annoncer la création d’un comité sur l’autonomie de la province au sein du pays

Fin de session parlementaire

Legault crée un comité pour accroître l’autonomie du Québec

Québec — Devant une « tendance inquiétante à la centralisation et aux empiétements » à Ottawa, le premier ministre François Legault crée un comité pour trouver des moyens d’« accroître l’autonomie du Québec » à l’intérieur du Canada. Mais pas question de réclamer une réouverture de la Constitution.

« C’est très différent de ce qui a été fait avec Meech et Charlottetown. On ne parle pas d’aller négocier avec Ottawa. » Il est plutôt question de se demander : « avec les pouvoirs juridiques et constitutionnels qu’on a, qu’est-ce qu’on peut faire ? », a expliqué François Legault lors de sa conférence de presse de clôture de la session parlementaire vendredi.

Ce « Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la fédération canadienne » sera coprésidé par l’ancien ministre libéral Sébastien Proulx – auparavant adéquiste – et le professeur de droit Guillaume Rousseau, ex-candidat du Parti québécois. Les autres membres sont l’ancienne cheffe de cabinet de René Lévesque, Martine Tremblay, le fiscaliste Luc Godbout et les professeures de droit Amélie Binette et Catherine Mathieu.

« Je me dis que s’ils ont accepté d’embarquer sur ce comité, c’est parce qu’il y en a des solutions à l’intérieur de la fédération canadienne », a souligné M. Legault, estimant qu’« il n’y a pas d’appétit » pour une ronde de négociations constitutionnelles de toute façon.

Le comité ne peut « pas du tout » suggérer l’indépendance du Québec. « Parce que ce qu’on demande au comité, c’est de nous faire des recommandations avec les pouvoirs juridiques et constitutionnels qu’on a actuellement. »

« C’est vrai que je n’aime pas beaucoup les comités et autres, mais je pense que dans ce cas-là, c’est important d’aller chercher les experts et d’arriver avec une création originale. »

— François Legault, premier ministre du Québec

Le rapport du comité Proulx-Rousseau est attendu le 15 octobre au plus tard. François Legault ne s’engage pas à mettre en œuvre toutes ses recommandations. Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, sera le responsable du dossier au sein du gouvernement – et non le ministre responsable des Relations canadiennes, Jean-François Roberge.

« Régime unitaire centralisé »

François Legault a fait l’annonce de ce comité à l’occasion d’une déclaration ministérielle au Salon bleu – un exercice rare. « Le gouvernement fédéral agit trop souvent comme si le Canada était un régime unitaire centralisé et non une fédération. […] On ne peut pas rester indifférent devant ça », a plaidé le premier ministre.

Le contexte est important : son initiative survient alors qu’il rencontrera son homologue fédéral Justin Trudeau lundi et que les élections fédérales auront lieu d’ici l’automne 2025. M. Legault reconnaît lui-même que son objectif est de mettre « plus de pression sur le gouvernement fédéral ».

L’initiative tombe aussi dans un contexte où le Parti québécois est en tête dans les intentions de vote depuis quelques mois.

Le comité Proulx-Rousseau a pour mandat de « recommander des mesures visant à protéger et promouvoir les droits collectifs de la nation québécoise, à assurer le respect de ses valeurs sociales distinctes et de son identité distincte, à garantir le respect des champs de compétence du Québec et à accroître son autonomie au sein de la fédération canadienne. »

Le comité devra notamment examiner :

• les pouvoirs du Québec en matière d’immigration ;

• les empiétements de l’ordre de gouvernement fédéral dans les domaines de compétence du Québec ;

• les conséquences de ces empiétements, notamment sur les choix et priorités du Québec, la qualité des services publics offerts à la population québécoise et l’accroissement de la bureaucratie et des coûts ;

• la capacité du Québec à faire ses propres choix, notamment en matière de langue, de laïcité, de culture et dans tous les autres domaines touchant sa cohésion nationale ;

• la capacité du Québec de parler de sa propre voix à l’international dans tous les domaines qui relèvent de sa compétence, mais également sur d’autres sujets d’intérêt pour la nation québécoise ;

• l’utilisation du pouvoir fédéral de dépenser dans des domaines de compétence du Québec et le droit du Québec de se retirer d’un programme fédéral avec pleine compensation ;

• le mode de nomination des juges de la Cour supérieure du Québec, de la Cour d’appel du Québec et de la Cour suprême du Canada ;

• les moyens de favoriser l’autonomie du droit québécois, notamment de la Charte des droits et libertés de la personne.

François Legault a refusé de donner des exemples de mesures pour accroître l’autonomie du Québec. Il a toutefois laissé entendre que l’on s’inspirerait de Simon Jolin-Barrette, qui a fait inscrire dans la Constitution canadienne que le Québec forme une nation et que sa langue officielle est le français en recourant à une procédure de modification unilatérale.

Le chef caquiste a déjà fait adopter par son parti, en 2015, une feuille de route complète pour que le Québec « dispose de plus de pouvoirs et d’autonomie dans le Canada », en immigration et en culture, par exemple, avec ou sans négociations constitutionnelles selon le cas. Il a mis la pédale douce sur ce plan nationaliste, également appelé à l’interne la « Déclaration de Laval », à son arrivée au pouvoir en 2018.

Le 15 mars, François Legault a essuyé une fin de non-recevoir de Justin Trudeau au sujet de sa demande de transférer au Québec les pleins pouvoirs en immigration.

Il a par la suite brandi puis rangé la menace d’un référendum sectoriel sur le sujet. Il avait déjà évoqué la tenue éventuelle d’un exercice comme la commission Bélanger-Campeau parmi ses options pour faire des gains face à Ottawa ; son comité a un mandat moins ambitieux.

François Legault rencontrera Justin Trudeau lundi, à Québec. Il réclame une baisse « significative » du nombre d’immigrants temporaires, une meilleure répartition des demandeurs d’asile et la possibilité d’approuver les immigrants temporaires choisis en vertu d’un programme fédéral. Le premier ministre canadien a une « obligation de résultat » selon lui.

Y aura-t-il un remaniement ministériel cet été ? « Non », a répondu M. Legault, se disant « satisfait de [son] équipe ». Il a réitéré son intention de solliciter un nouveau mandat en 2026.

ils ont dit

« Ce que fait François Legault aujourd’hui est un aveu d’échec de sa troisième voie. Il a dit : “Je peux être premier ministre du Québec et être assis sur la clôture.” On a vu ce que ça a donné : des échecs. »

— Le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay

« Ce groupe a le mandat, très restreint, de réfléchir aux pouvoirs du Québec à l’intérieur du cadre actuel. Or, c’est justement sur ce cadre-là que se bute le premier ministre depuis son élection. Même si on va apprécier, lorsqu’on le verra, chaque fruit qui viendra de l’arbre, à ce stade-ci, il est difficile de ne pas voir, dans la démarche du premier ministre, une reconnaissance que, jusqu’à maintenant, dans les six dernières années, ses efforts ont été largement vains. »

— Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois

« François Legault a été deux fois élu sous la promesse d’augmenter les pouvoirs du Québec au sein du Canada. Et clairement, aujourd’hui, il fait un constat d’échec. Non seulement il a peu à offrir en termes de gains pour le Québec, mais il admet aujourd’hui que le gouvernement canadien est en train de déployer une offensive globale sans précédent qui rapetisse l’autonomie du Québec. »

— Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon

Parti libéral du Québec

Pour un retour de la « rigueur budgétaire »

Marc Tanguay termine la session parlementaire en réitérant que les libéraux prônent un retour à la « rigueur budgétaire », comme à l’époque de Philippe Couillard et comme le préconisait Jean Charest. Le chef par intérim du Parti libéral du Québec (PLQ) a rappelé vendredi qu’un futur gouvernement libéral appliquerait la règle de la rigueur « dans chaque programme [et] dans tous les ministères ». « C’est Jean Charest qui le disait : si vous ne contrôlez pas vos finances publiques, plus rien n’est possible », a-t-il dit. « Il faut mettre fin au gaspillage de François Legault et il faut travailler sur la colonne des revenus », a ajouté M. Tanguay, selon qui « le gouvernement de Philippe Couillard a été somme toute un très bon gouvernement ». Dans les deux premières années de son mandat, en 2014 et 2015, M. Couillard avait donné un coup de frein aux dépenses de l’État en deçà de la croissance normale des dépenses de programmes. La « rigueur budgétaire » d’un futur gouvernement libéral ne ferait pas place, cette fois-ci, à des compressions paramétriques, a dit M. Tanguay, sans préciser les détails.

— Hugo Pilon-Larose, La Presse

Québec solidaire

« Ça a brassé, mais on a livré »

Après avoir vécu la « peine » de la démission choc de la co-porte-parole Émilise Lessard-Therrien, l’aile parlementaire du parti met du baume sur ses plaies en soulignant l’adoption de la loi qui impose un moratoire de trois ans sur les évictions et qui protège davantage les locataires âgés. « On va se le dire franchement, ce qui a été difficile pour Québec solidaire cette session-ci, ça a été le départ d’Émilise. Ça a créé beaucoup de peine », a affirmé sa successeure par intérim, Christine Labrie, lors d’un bilan. Mais Mme Labrie et Gabriel Nadeau-Dubois préfèrent se concentrer sur l’adoption de la nouvelle loi de la ministre de l’Habitation. « Il y avait beaucoup de sceptiques. […] On disait : il y a une opportunité d’élargir la loi Françoise David, on est capables de convaincre le gouvernement », a dit M. Nadeau-Dubois. « Ça a brassé, mais on a livré. Je pense que ça résume bien les derniers mois », a-t-il ajouté. Mais les débats internes ne sont pas terminés. Après l’adoption de la « Déclaration de Saguenay », premier jalon du virage « pragmatique » du parti, il reste deux autres étapes importantes : la refonte des statuts et l’actualisation du programme électoral.

— Charles Lecavalier, La Presse

Parti québécois

Des appuis « consolidés »

Paul St-Pierre Plamondon estime avoir confondu les sceptiques en réussissant à rester au sommet des sondages tout en plaçant la souveraineté au premier plan. « On a parlé d’indépendance, on a été attaqués toute la session, puis au final, on termine la session exactement avec les mêmes appuis », s’est réjoui le chef du Parti québécois. Sa formation est entrée en zone majoritaire en janvier lorsqu’elle a obtenu 32 % des intentions de vote, selon un sondage Léger. Le dernier coup de sonde de la firme, publié cette semaine dans les médias de Québecor, lui donne exactement la même performance. M. St-Pierre Plamondon refuse de parler de stagnation, et voit plutôt ses résultats comme la « consolidation » de ses appuis. Il souligne même avoir « gagné en influence » en étant parvenu, selon lui, à faire bouger le gouvernement sur la question du temps d’écran chez les jeunes et le dossier de l’immigration temporaire. Sa popularité s’est traduite par l’augmentation des « attaques » de ses adversaires, a-t-il déploré. Lui-même a été piqué au vif à quelques reprises lors de la dernière session. Malgré des esclandres, le chef péquiste ne veut pas « trop changer » et « devenir cynique ».

— Fanny Lévesque, La Presse

La session parlementaire en 13 faits saillants

Démissions fracassantes, projets de loi controversés, crise du financement politique et déficit record : les derniers mois politiques ont connu leur lot de soubresauts. Retour sur une session qui met fin à la première moitié du deuxième mandat de François Legault au pouvoir.

24 janvier

Mot d’ordre : discipline

Cumulant des sondages difficiles, François Legault impose un mot d’ordre à son équipe : discipline. Au cours de l’hiver, le chef caquiste réduit considérablement ses interventions auprès de la presse parlementaire. Dans le dernier sondage Léger publié mercredi, la CAQ connaît une légère remontée, ce qui a fait dire à Jean-Marc Léger que moins on voit le chef caquiste, plus il performe.

25 janvier

Le retour de Denis Coderre

Au caucus de la rentrée du Parti libéral du Québec (PLQ), les libéraux veulent parler d’économie, mais c’est finalement Denis Coderre qui marque les conversations de corridor. Quelques jours plus tôt, La Presse avait révélé que l’ancien maire de Montréal comptait se lancer dans la course à la direction du parti. Le député Frédéric Beauchemin a déjà l’intention d’y participer. Charles Milliard et Antoine Tardif ont de l’intérêt et sont en réflexion, alors que le nom de Karl Blackburn circule aussi.

1er février

La CAQ renonce au financement populaire

François Legault annonce que la CAQ renonce au financement populaire, dans le contexte où son parti est empêtré dans une controverse parce que des députés ont laissé entendre à des électeurs, ainsi qu’à des maires, qu’ils pouvaient rencontrer des ministres pour faire avancer des dossiers en participant à des cocktails militants payants.

12 mars

Déficit record de 11 milliards à Québec

Le ministre des Finances, Eric Girard, dépose un budget à l’encre rouge foncé. Le déficit du Québec explose et atteint 11 milliards pour l’année 2024-2025. Pour le résorber, le grand argentier annonce qu’il fera un ménage complet dans les crédits d’impôt, de même que dans les dépenses des ministères et organismes.

11 avril

Visite du premier ministre français

Moment solennel à l’Assemblée nationale avec la visite du premier ministre français, Gabriel Attal. Ce dernier, qui est perçu en France comme un successeur potentiel du président Emmanuel Macron, prononce un discours passionné en faveur de la laïcité, au grand plaisir de François Legault.

14 avril

Un troisième référendum ou la « disparition »

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, promet que le Québec vivra « bel et bien un troisième référendum sur l’indépendance du Québec » d’ici la fin de la décennie. Galvanisé par des sondages consécutifs qui le placent premier, il dit que les Québécois devront choisir entre le « déclin » et leur « disparition », s’ils restent dans le Canada, ou bien « devenir enfin majoritaires ». Malgré tout, l’appui à la souveraineté fait du surplace à près de 35 %.

16 avril

Eric Lefebvre préfère Pierre Poilievre à Legault

Coup de tonnerre à Québec. Le whip en chef du gouvernement, Eric Lefebvre, quitte la CAQ et annonce qu’il sera candidat du Parti conservateur de Pierre Poilievre à Ottawa lors de la prochaine campagne électorale fédérale. Cette démission marque les esprits puisque M. Lefebvre était responsable de la discipline au caucus. Dans les semaines qui suivent, François Legault perd aussi quatre collaborateurs à son cabinet.

29 avril

Les « top guns » arrivent

L’ex-patronne de Biron Groupe Santé, Geneviève Biron, est nommée présidente de Santé Québec, la nouvelle agence créée par Christian Dubé pour gérer les opérations du réseau de la santé. Elle touchera un salaire de base de 567 000 $, en plus d’une prime de 15 % pendant deux ans. La femme d’affaires Christiane Germain est plus tard nommée présidente du conseil d’administration. Elle recevra 173 000 $ annuellement, ce qui est quatre fois plus élevé que ce qui était prévu.

1er mai

Gabriel Nadeau-Dubois, chef « pragmatique »

Deux jours après la démission fracassante de la co-porte-parole féminine de Québec solidaire, Émilise Lessard-Therrien, Gabriel Nadeau-Dubois clarifie sa vision « pragmatique » pour l’avenir de sa formation politique et lie cette transformation à son propre avenir politique. Il demande l’appui de ses membres. Après des semaines de crises et d’autres démissions, il remporte quelques semaines plus tard son pari lors du Conseil national de QS à Saguenay.

9 mai

Voici « Mobilité Infra Québec »

La ministre des Transports, Geneviève Guilbault, dépose le projet de loi créant Mobilité Infra Québec. La nouvelle agence sera chargée de coordonner le développement du transport collectif. Seul problème : les dizaines de milliards de dollars nécessaires pour réaliser les projets à l’étude ne sont toujours pas trouvés. Plus tôt ce printemps, elle avait aussi soulevé une controverse en disant aux maires que la gestion des déficits des sociétés de transport n’incombe pas à l’État, car « chacun […] doit gérer sa fougère et trouver ses propres solutions ».

22 mai

Duranceau fait un pas de plus

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, qui a réduit la portée de la cession de bail au cours de l’hiver, concède que sa toute nouvelle loi ne suffit pas pour protéger les locataires contre les évictions. Dans un nouveau projet de loi, qui a finalement été adopté jeudi dernier, elle impose un moratoire de trois ans sur les évictions, ainsi que d’autres mesures spécifiques pour les aînés, comme le réclamait entre autres Québec solidaire.

23 mai

Le tour de force de Jean Boulet

Jean Boulet réussit à faire adopter la plus importante réforme de l’industrie de la construction depuis 1993. Lors du dépôt de son projet de loi 51, il avait devant lui des associations syndicales et patronales sur le pied de guerre. La guerre anticipée n’aura finalement pas eu lieu. La réforme permet entre autres un partage des tâches plus important entre les métiers de la construction.

6 juin

Fitzgibbon dépose son projet de loi tant attendu

Pierre Fitzgibbon dépose en toute fin de session son projet de loi sur l’énergie. Il ouvre la porte à la modulation des tarifs d’électricité pour les clients résidentiels dès 2026. Le ministre veut forcer le débat : un consommateur qui chauffe sa piscine ou qui utilise des appareils énergivores lors des périodes de pointe doit-il payer plus cher, dans le contexte où la demande en énergie augmentera avec la décarbonation du Québec ?

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.