Minibudget Girard

Des chèques pour le Nouvel An

À la veille du Vendredi fou, le ministre des Finances, Eric Girard, a distribué les surprises en annonçant différentes mesures pour les contribuables, notamment un crédit d’impôt pour frais de garde plus généreux, une aide aux aînés et un chèque pouvant atteindre 275 $ offert à certains ménages pour lutter contre les effets pervers de l’inflation. Tout cela à 11 mois de l’échéance électorale.

Minibudget Girard

De 200 $ à 275 $ pour 3,3 millions de Québécois

Québec — C’est Noël avant l’heure à Québec. Comme les coffres se regarnissent beaucoup plus vite que prévu, le gouvernement Legault ajoute 5 milliards de dollars en nouvelles dépenses cette année, dont un chèque de 200 $ à 275 $ aux 3,3 millions de Québécois à faible et à moyen revenu pour faire face à la hausse du coût de la vie. Le déficit anticipé fond presque de moitié, révèle le minibudget déposé jeudi.

Quelque 700 000 aînés à bas revenus toucheront également jusqu’à 200 $ de plus. Les milliers de parents dont les enfants fréquentent un service de garde non subventionné auront droit à un crédit d’impôt plus généreux : 1310 $ de plus par année pour ceux dont le revenu familial se situe entre 60 000 $ et 100 000 $.

Le gouvernement Legault se montre généreux grâce à la « performance exceptionnelle » de l’économie québécoise, supérieure à celle du Canada et des États-Unis, et non parce qu’il est à moins d’un an de la fin de son mandat, selon le ministre des Finances, Eric Girard.

« Je ne me concentre pas sur les élections, croyez-moi », a-t-il lancé en conférence de presse. « Honnêtement, je n’ai pas pensé à l’élection une fois dans les 12 deniers mois. […] Ce sont des montants qui vont aider. Le gouvernement est là pour ça, aider. »

Bourses et primes

Pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre, Québec crée des bourses généreuses destinées aux étudiants inscrits dans des programmes de six secteurs : santé et services sociaux, éducation, services de garde, génie, technologies de l’information et construction. À la fin de leur formation, les étudiants auront touché jusqu’à 9000 $ au collégial, et de 15 000 $ à 20 000 $ à l’université, selon que le programme est de trois ou quatre ans. C’est en sus de l’aide financière aux études.

Pour inciter les retraités, notamment de l’enseignement, des services de garde et des soins infirmiers, à revenir en poste, Québec met sur la table une prime salariale temporaire, jusqu’au 31 mars 2023, qui représente environ 3000 $ par année pour une personne dont le revenu de travail est de 40 000 $.

Les prévisions bousculées

C’est tout un revirement de situation qu’expose le minibudget d’Eric Girard par rapport à son exercice du printemps. La forte croissance de l’économie bouscule les prévisions.

Comme le produit intérieur brut réel devrait bondir de 6,5 % cette année, en hausse de 2,3 points de pourcentage par rapport aux prévisions de mars, les recettes du gouvernement gonflent de façon beaucoup plus importante que prévu.

Les revenus autonomes grimpent de 5 milliards de dollars. Les impôts des particuliers et des sociétés, tout comme la TVQ, rapportent davantage.

Les transferts fédéraux sont en hausse de 2,6 milliards. C’est grâce aux ententes récentes avec le gouvernement Trudeau, sur les services de garde et le logement, et à l’aide d’Ottawa pour lutter contre la pandémie.

Les revenus en provenance des entreprises du gouvernement sont plus élevés de 831 millions. Hydro-Québec et Investissement Québec sont principalement à l’origine de cet afflux d’argent.

Au total, ce sont 9 milliards de plus qui se trouvent dans les coffres de l’État.

Le gouvernement en prend une partie, 5 milliards, pour financer le bouquet de mesures de son minibudget, en particulier pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Quelque 3,6 milliards servent à renforcer le système de santé, avec les primes aux infirmières déjà annoncées, par exemple. Il y a un plan pour réduire la liste d’attente pour une intervention chirurgicale, avec l’injection de 800 millions en trois ans.

Le déficit anticipé pour l’année en cours passe de 12,3 à 6,8 milliards de dollars. Le déficit structurel, celui qui restera après la crise sanitaire, fond lui aussi. Il est maintenant estimé à 4 milliards, plutôt qu’à 6,5 milliards par année.

Moins le déficit structurel est lourd, moins les efforts pour sortir du trou sont exigeants. Québec maintient le cap sur un retour à l’équilibre budgétaire d’ici 2027-2028.

« En prenant sept ans, ça permet de faire une transition plus douce », a indiqué Eric Girard, soulignant que ses prévisions au chapitre des revenus sont « conservatrices » pour les prochaines années.

— Avec la collaboration de Charles Lecavalier, La Presse

Minibudget Girard

Critiques et compliments

Quelques réactions des partis de l'opposition et d'acteurs économiques

Le Parti libéral du Québec considère que la lutte contre les changements climatiques est « la grande absente » du minibudget. Le gouvernement Legault aurait dû bonifier ses mesures environnementales.

« Le gouvernement a quand même bougé dans le sens de donner une certaine compensation pour ce qui est de la hausse du coût de la vie. Il ne faut pas, quand même, minimiser ça. Mais ce sont des mesures exceptionnelles, c’est une fois, ce n’est pas récurent », a commenté son porte-parole en matière de finances publiques, Carlos Leitão.

Selon Québec solidaire, « c’est vraiment une mise à jour 100 % préélectorale, c’est le moins qu’on puisse dire ». Mais « l’argent qu’il met dans les poches des familles, il n’y en a pas suffisamment pour les gens qui en ont réellement besoin ».

« On ouvre les vannes en année préélectorale, mais, dès 2023, on va fermer le robinet, a affirmé sa porte-parole en matière d’économie et de finances, Ruba Ghazal. Ça veut dire que le gouvernement va renforcer encore plus son obsession du retour à l’équilibre budgétaire et ça, ça m’inquiète énormément. »

Le Parti québécois est « extrêmement déçu », car « ce minibudget ne freinera pas l’appauvrissement du Québec et des Québécois et des Québécoises ».

« L’aide aux aînés est insuffisante. Malheureusement, les 65 à 70 ans sont les grands oubliés de cette mise à jour. Pour ce qui est de la prestation exceptionnelle, ce qu’il y a d’exceptionnel, ça va être ceux et celles qui pourront la toucher. Ce 400 $ par couple va seulement être accessible aux gens qui ont un revenu inférieur à 55 900 $. Il aurait dû geler les tarifs d’Hydro-Québec », a dit Martin Ouellet, porte-parole de la formation en matière de finances.

Manufacturiers et Exportateurs du Québec reste sur sa faim. L’association patronale voit mal comment le minibudget s’inscrit dans certains aspects de la vision économique du gouvernement Legault.

« Il y en a peu pour le secteur privé, a affirmé sa présidente-directrice générale, Véronique Proulx. Il y a un écart entre l’ambition du gouvernement qui veut plus de biens et de produits fabriqués au Québec et les moyens donnés aux manufacturiers. »

La vigueur de la relance économique est meilleure que prévu et le déficit fond, ce qui constitue la « bonne nouvelle », selon le président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec (CPQ), Karl Blackburn. Mais il y a des bémols.

« Le Québec est aux prises avec la plus grave pénurie de main-d’œuvre de son histoire moderne, a-t-il déploré. C’est la réalité des membres du CPQ que je répète, et leur appel, dans certains secteurs, n’a pas été entendu. »

À la Fédération des travailleurs du Québec, le président Daniel Boyer s’attendait à un plan « plus ambitieux » en dépit des mesures annoncées par Québec pour les plus démunis.

« On pense que les entreprises doivent faire leur juste part et c’est en augmentant le salaire minimum qu’on va y arriver, a dit le syndicaliste. Si on veut faire revenir les travailleurs plus âgés au travail, ce n’est pas une question de primes. Il faut revoir les conditions d’exercice. Avec les mêmes conditions, ils ne recommenceront pas. »

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, croit que le minibudget « mise sur les bonnes priorités », notamment en matière d’économie et de logement.

« Nous accueillons très favorablement les sommes annoncées en sécurité publique, notamment pour combattre le trafic d’armes, […] la criminalité et la violence conjugale », a-t-elle déclaré.

« On est fâchés que le gouvernement abandonne le projet de former une main-d’œuvre compétente dans la construction en donnant l’argent directement aux employeurs. Les écoles de métier du Québec ont un besoin criant d’investissements », a affirmé Éric Boisjoly, directeur général de la FTQ-Construction.

L’Union des municipalités du Québec voit d’un bon œil les mesures entourant la construction de 2200 logements abordables, mais elle est aussi préoccupée par la question du bassin restreint de travailleurs.

« Pour nous, il sera important d’avoir des mesures visant les commerces locaux et services de proximité ainsi que la régionalisation de la main-d’œuvre », a déclaré son président, Daniel Côté, maire de Gaspé.

À la Fédération des municipalités du Québec, on se réjouit des sommes destinées aux nouveaux logements sociaux et abordables.

« Le besoin immense de logements partout sur le territoire est un frein au développement et à la vitalité de nos régions, a commenté Jacques Demers, son président. Pour accueillir de nouvelles familles, notamment immigrantes, nous avons besoin de les loger. »

— Avec la collaboration d’Isabelle Dubé et d’Henri Ouellette-Vézina, La Presse

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