Autotests rapides

Pourquoi nous n’en avons pas et comment les obtenir ?

Alors que la COVID-19 se propage à nouveau de manière incontrôlable, des millions de Canadiens réclament des autotests rapides.

La vague du variant Omicron a fini de balayer les soupçons des agences provinciales et canadiennes de santé publique à l’égard des tests rapides, puisqu’elles distribuent maintenant les quelques tests dont elles disposent. De nombreux fabricants de tests rapides, qui les vendent dans le monde entier, y compris des fabricants canadiens, aimeraient les vendre aussi au Canada, mais ne peuvent pas le faire à cause d’un cadre d’approbation réglementaire qui reste largement inchangé et les obstrue.

Pour comparaison, les résultats des essais cliniques des vaccins à ARNm ont été annoncés à la mi-novembre 2020 et suivant l’approbation de Santé Canada moins d’un mois plus tard, le 9 décembre, ils étaient en usage à la mi-décembre.

Dans le cas des tests antigéniques rapides, alors qu’ils ne comportent aucun risque de dommages corporels ou d’effets secondaires, et qu’ils sont disponibles depuis l’été 2020, c’est seulement à la suite de l’arrivée soudaine d’Omicron en décembre 2021 qu’un petit nombre ont finalement et soudainement été approuvés pour l’autodépistage, en l’espace de deux semaines. Au départ, ces tests n’ont été approuvés que par administration par un professionnel de la santé et dans les quelques jours suivant les symptômes. Cependant, le potentiel pour le dépistage asymptomatique a été démontré en 2020 à la suite du succès du dépistage massif en Slovaquie, ainsi que dans les centres communautaires de dépistage en Nouvelle-Écosse. Les autotests rapides sont devenus disponibles en Europe au printemps 2021. En Allemagne, des centaines de tests rapides différents ont été approuvés, dont 40 pour l’autodépistage. Certains coûtent moins d’un euro.

Pour l’approbation des tests rapides, Santé Canada a repris les directives de la FDA américaine de juillet 2020, sans tenir compte du contexte canadien : un petit marché fragmenté par des barrières provinciales.

Il en résulte une situation paradoxale avec Santé Canada se présentant comme DJekyll distribuant gratuitement des millions de tests aux provinces, et de l’autre, comme M. Hyde qui bloque un accès plus large aux tests par des directives réglementaires mal avisées et contre-productives qui empêchent les fabricants d’obtenir l’approbation réglementaire.

La cause profonde du paradoxe est qu’il faut considérer les tests rapides comme un outil de dépistage permettant d’identifier les personnes à haut risque de propager le virus. On sait depuis juin 2020 que des tests fréquents avec un délai de réponse rapide sont plus importants que la sensibilité pour stopper la transmission de façon proactive, car la période infectieuse ne dure que quelques jours et est particulièrement élevée alors que les personnes sont encore asymptomatiques. Ces tests doivent bien entendu être associés à d’autres mesures barrières, dont le port de masques N95 et la ventilation.

Cependant, Santé Canada insiste toujours pour réglementer les tests rapides en tant qu’outil de diagnostic médical et utilise des critères très stricts et inadéquats basés sur la comparaison avec les tests PCR. Il faudrait plutôt évaluer sur leur capacité à identifier les patients infectieux et à interrompre les chaînes d’infection.

Les conséquences sont que seul un petit nombre de tests antigéniques rapides ont été approuvés, qu’ils sont chers et que le processus favorise les grandes entreprises multinationales.

Pour l’instant, une seule des nombreuses entreprises canadiennes qui produit des tests a reçu une approbation pour administration par des professionnels uniquement, et non pour l’autodépistage, bien que ses trousses soient actuellement distribuées à la population et utilisées principalement pour l’autodépistage.

Une piste pour sortir rapidement de cette impasse et permettre l’accès aux autotests serait d’autoriser de manière temporaire et extraordinaire des tests qui ont obtenu une approbation d’autres États, l’Allemagne ou le Royaume-Uni, par exemple. Simultanément il faudrait réviser en profondeur les directives d’approbation en considérant le fort besoin en tests rapides, bon marché, et validés avec un faible taux de faux positifs pour utilisation fréquente, et abandonner la comparaison biaisée avec les tests PCR, pour une vraie comparaison avec d’autres tests rapides déjà éprouvés.

Enfin, pour contrer la présente, et d’éventuelles futures vagues, nous devons également tenir compte des impacts socio-économiques, ainsi que de notre dépendance à l’égard des fabricants étrangers, comme c’est le cas avec les vaccins, et que nous essayons de compenser à coups de milliards de dollars. Les tests PCR et les tests antigéniques rapides sont éprouvés depuis des décennies, mais de nouvelles générations de tests plus performants ont émergé de par le monde grâce à des initiatives stratégiques gouvernementales, mais pas au Canada. Nous devons élaborer une stratégie guidée par les progrès scientifiques, par l’innovation, et par une analyse risques-bénéfices. Santé Canada a un rôle critique à jouer, et doit s’adapter à un monde changeant pour donner l’occasion à la population canadienne et aux fabricants qui souhaitent s’impliquer activement dans la gestion de la pandémie, d’accéder aux tests rapides antigéniques gratuits et en vente libre.

* Cosignataires : Donald Vinh, médecin spécialiste en maladies infectieuses et microbiologiste, et professeur associé à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill ; Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal ; Nathalie Grandvaux, professeure à la faculté de médecine de l’Université de Montréal et codirectrice Réseau québécois COVID-Pandémie ; André Veillette, immunologiste à l’Institut de recherches cliniques de Montréal

À lire : notre dossier sur les autotests rapides en écran 9 de la section Actualités

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