STÉPHANE FISET

« Il venait voler ma job »

Le 5 décembre 1995, Stéphane Fiset était gardien numéro 1 d’une équipe qui pouvait légitimement aspirer aux grands honneurs.

Ce jour-là, l’Avalanche avait molesté les Sharks de San Jose au compte de 12-2. La formation du Colorado partageait alors le 1er rang de l’Association de l’Ouest avec les Red Wings de Detroit. Fiset, lui, affichait un dossier de 13-3-2. L’adjoint de Fiset : Jocelyn Thibault, un gardien de 20 ans rempli de promesses, mais justement, un gardien de 20 ans.

Bref, après les années noires des Nordiques, c’était plus que de l’espoir. Fiset pouvait réellement rêver de soulever la Coupe Stanley en tant que gardien titulaire. Il avait 25 ans. Dans la force de l’âge.

Puis, vint le 6 décembre 1995. « Vers 4 h du matin », relate Fiset, Thibault l’appelle pour lui annoncer que son adjoint s’appellerait désormais Patrick Roy.

« Quand j’ai vu que Roy s’en venait, je ne peux pas dire que j’étais vraiment content », admet Fiset, au bout du fil, à Victoriaville. 

« J’étais en train de connaître la meilleure saison de ma carrière. Je m’établissais comme gardien numéro 1 solide. L’arrivée de Patrick était une déception en partant. »

— Stéphane Fiset

Dans ces circonstances, la relation avec « Casseau » ne partait pas exactement du bon pied.

« Au début, ce n’était pas terrible, pour être bien honnête, poursuit Fiset, aujourd’hui agent de joueurs. J’avais de la frustration en moi. Ce n’était pas lié au passé ou à la vieille rivalité Canadien-Nordiques. Mais il venait voler ma job de numéro 1.

« Mais quelques semaines plus tard, j’ai eu une très bonne conversation avec Claude Lemieux. Il m’a fait comprendre des choses et la relation a été beaucoup plus saine ensuite. On est devenus de très bons amis et nos femmes passaient du temps ensemble ! Mais il a fallu que je comprenne tout le bien qu’il pouvait m’apporter. »

UNE DEMANDE D’ÉCHANGE

Fiset a donc appris la transaction de la bouche de Thibault qui, lui, prenait la direction de Montréal. Mais le directeur général de l’époque, Pierre Lacroix, ne s’est pas caché. Dès 6 h le matin, il a convoqué Fiset à son bureau.

« Pierre a été un gentleman avec moi tout le long du processus. Il m’a dit : “Tu as le choix : tu restes ici, t’apprends de lui et tu as la chance de gagner la Coupe. Ou sinon, demande-moi de t’échanger.”

« J’ai décidé de rester. J’étais avec tous les gars avec qui j’avais grandi chez les Nordiques avant le déménagement. Et je suis content d’être resté, ça m’a donné une bague de la Coupe Stanley ! »

La bague, c’était bien beau, mais Fiset ne voulait pas non plus se contenter de 25 matchs par saison. À sa rencontre de fin de saison avec Lacroix, après la conquête de la Coupe Stanley en 1996, il a demandé une transaction.

L’Avalanche a soulevé la Coupe le 10 juin. Dix jours plus tard, Fiset était échangé aux Kings de Los Angeles, où il a finalement été titulaire pendant quatre saisons.

PAS DE REGRETS

C’est connu, Serge Savard avait travaillé sur une transaction qui aurait envoyé Fiset et Owen Nolan à Montréal, contre Patrick Roy. Le marché n’a toutefois pas été conclu avant que le DG du Canadien soit congédié en octobre 1995.

Lors de la saison qui a précédé la transaction, Fiset présentait de meilleures statistiques que Roy. Avec une équipe supérieure, cependant...

Bref, Fiset aurait pu aboutir à Montréal pendant le crescendo de sa carrière.

« On ne pourra jamais savoir comment ça aurait tourné. Il ne faut pas se le cacher : n’importe quel gardien qu’il aurait obtenu n’aurait pas été en situation idéale. » 

« Remplacer Patrick et tout ce qu’il a fait pour Montréal, ce n’était pas évident. Je n’en ai aucune idée, j’aurais aimé le vivre, mais je ne regrette pas ce que j’ai vécu au Colorado. »

— Stéphane Fiset

Fiset aurait pu aussi demeurer numéro 1 de l’Avalanche, si le CH avait envoyé Roy ailleurs qu’à Denver. Qui sait quelle tangente aurait pu prendre sa carrière ?

« Si l’échange ne se fait pas, je connais une bonne saison et je me plante en séries, ça aurait pu mettre fin à ma carrière. Ou j’aurais pu me blesser. J’y vais plutôt avec le destin. Le destin m’a apporté Patrick sur mon chemin et j’ai vécu de bons moments. Ensuite, le destin m’a amené chez les Kings. Je n’ai aucun regret. »

Et le destin a finalement permis à Fiset de conclure sa carrière dans la LNH dans l’uniforme du Canadien, le temps de deux petits matchs, en 2001-2002.

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