Le poids de la solitude

Briser l’isolement

Dans le quartier Milton Parc, au cœur du centre-ville de Montréal, les résidants ne se contentent pas d’un voisinage courtois, distant. Derrière les maisons de ville patrimoniales se cachent une riche vie de quartier, une ruelle colorée et animée… et de moins en moins de gens isolés. Fort de ce succès, le Réseau québécois des villes et villages en santé lancera, dès le mois prochain, le projet de santé publique Voisins solidaires dans toute la province. Coup d’œil sur un voisinage inspirant.

Plus que la Fête des voisins

« La Fête des voisins, que nous avons lancée il y a 10 ans, est un prétexte pour tisser des liens entre les gens d’un quartier. La participation est excellente, on souhaite maintenant aller plus loin, indique Nadine Maltais, coordonnatrice générale adjointe du Réseau québécois des villes et villages en santé. Avec Voisins solidaires, on veut promouvoir cette idée de bon voisinage tout au long de l’année. On veut favoriser le développement du sens de la communauté, mettre de la chaleur humaine dans les quartiers, dans les villes et les villages. On veut que les gens se saluent et se parlent davantage, pour que s’installe un esprit de bienveillance, d’entraide et de soutien mutuel. »

Milton Parc

« Chez nous, la Fête des voisins a créé des racines, et de ces racines sont sorties des boutures », illustre Richard Phaneuf, membre du comité de la Fête des voisins dans Milton Parc. Chaque été, 300 personnes partagent un même repas autour de tables installées dans la ruelle des Cerisiers récemment embellie de murales, de bacs à fleurs. « La Fête des voisins a changé ma façon de vivre dans le quartier. Je suis beaucoup plus à l’aise, on connaît mieux les gens, on se salue », dit Hamza Lakrout. Deux voisines qui ne se parlaient plus depuis 20 ans ont renoué. Des couples se sont formés, des amitiés sont nées. Les voisins marchent plus nombreux dans la ruelle, se réapproprient le quartier. « Ça devient par le fait même plus sécuritaire. Lors de la corvée annuelle, on n’a trouvé aucune seringue. C’est une première », dit M. Phaneuf.

Après le perron d’église

« Auparavant, les gens se rencontraient sur le perron de l’église. Maintenant, il faut créer des occasions, des liens autrement », dit Richard Phaneuf. Dans Milton Parc, la Fête des voisins a été le premier pas d’une série d’événements : un cinéma en plein air pour les enfants, une partie de sucre au printemps, une fête d’Halloween à l’automne. Les sidéens en maison transitoire, au bout de la ruelle, sont invités. Les itinérants autochtones aussi. Ils ont leurs habitudes dans le quartier. « Ils nous ont offert un petit concert spontané de chants amérindiens », dit M. Phaneuf. Des voisins leur concoctent des petits plats chaque samedi. La cohabitation est, depuis, beaucoup plus harmonieuse. On aide une voisine à monter un paquet lourd chez elle, un autre à déneiger sa voiture, on se prête des outils. On cherche en groupe un chien perdu. On crée une chorale. « Plus il y a de liens, plus il y a de possibilités. Ça permet une stabilité et une résilience des communautés », avance M. Phaneuf.

Solidarité

« Au Québec, on est beaucoup dans un côtoiement respectueux et une ignorance mutuelle, dit Nadine Maltais. On est forts dans la solidarité collective, dans la mobilisation de grande ampleur, mais on l’est beaucoup moins dans les petits gestes au quotidien, le troc, les conversations de perron. » L’objectif de Voisins solidaires (qui a fait l’objet de quatre projets-pilotes sur deux ans) est de faire du bon voisinage un nouvel ingrédient « pour favoriser le bien-être et la santé de nos aînés et pour contrer le phénomène de l’isolement social ». « Des études montrent que, pour les aînés, la qualité du voisinage peut être très significative. » C’est aussi vrai pour les parents débordés, les immigrants qui tentent de s’intégrer, les personnes endeuillées, les gens ayant des problèmes de santé mentale. Cette dimension du vivre-ensemble, qui fait défaut, « est un beau terrain à labourer ».

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