À la défense des droits des minorités linguistiques

En réponse à la chronique de Paul Journet sur le projet de loi C-13 modifiant la Loi sur les langues officielles, « La perte de contrôle », publiée le 6 février

Il importe de clarifier certaines idées contenues dans la chronique de Paul Journet du 6 février concernant les députés libéraux et l’étude en comité du projet de loi C-13, visant à moderniser la Loi sur les langues officielles du Canada.

M. Journet qualifie les interventions des députés Marc Garneau, Emmanuella Lambropoulos et Anthony Housefather de lutte « contre la protection du français », décrivant leurs tentatives d’amender le projet de loi C-13 en comité comme une « croisade contre la protection du français ».

Ce jugement que répètent à haute voix certains médias francophones est aussi repris par des conservateurs et des bloquistes à la Chambre de communes. Mais il s’agit là d’une grossière distorsion de ce que le trio a clairement déclaré, à savoir qu’il comprend et soutient la nécessité de protéger le français, tant au Canada qu’au Québec.

Ce que les députés tentaient de corriger, c’est une grave lacune du projet de loi C-13 qui aurait des effets constitutionnels pour les minorités linguistiques de tout le pays.

Cette faille se trouve dans l’adoption par la législation fédérale de la Charte de la langue française récemment modifiée. Grâce à la loi 96, la Charte invoque de façon préventive la disposition de dérogation, la mettant ainsi à l’abri des contestations judiciaires en cas de violation des droits garantis par la Charte des droits et libertés.

Les hauts fonctionnaires du gouvernement ont répété en comité parlementaire que le projet de loi C-13, en approuvant la Charte de la langue française du Québec, deviendrait par le fait même une loi fédérale dictée par des choix provinciaux.

Si le Québec modifiait à nouveau le projet de loi 96 pour priver les Québécois d’expression anglaise d’un plus grand nombre de droits, Ottawa se retrouverait avec une loi sur les langues officielles qui, en fait, l’appuierait. Et toute tentative d’Ottawa de s’élever contre l’utilisation illimitée de la disposition de dérogation serait sérieusement compromise.

Ce que le gouvernement du Canada propose dans le projet de loi C-13, c’est de créer un régime linguistique discriminatoire au Québec, qui ne s’appliquerait pas au reste du Canada.

En incorporant une référence à la Charte de la langue française dans la Loi sur les langues officielles, Ottawa abandonnerait effectivement un demi-siècle de politique en matière de langues officielles fondée sur le principe que les langues officielles et les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont des droits égaux.

Il transformerait la Loi sur les langues officielles, une loi quasi constitutionnelle, en une législation visant à protéger et à promouvoir une seule langue officielle – le français – tout en négligeant les droits linguistiques de plus d’un million de Québécois d’expression anglaise. Elle ouvrirait également la porte aux autres provinces pour qu’elles adoptent leurs propres lois, restreignant les droits des minorités de langue officielle sous leur juridiction.

En octobre 2022, l’ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache a abordé ces préoccupations devant le Comité sénatorial des langues officielles en déclarant ce qui suit : « Je suis personnellement opposé à une référence à une loi provinciale dans une loi fédérale. Je crois que le régime linguistique fédéral est très différent du régime provincial. Le rôle du commissaire aux langues officielles est aussi très différent de celui de l’Office de la langue française. Je ne voudrais pas que les institutions fédérales soient soumises à des enquêtes de l’Office de la langue française en ce qui a trait au respect des obligations découlant des lois québécoises qui n’ont pas été adoptées par le Parlement fédéral. »

Tenter d’éviter les champs de mines constitutionnels et défendre les droits fondamentaux des minorités de langue officielle – les droits des anglophones au Québec et des francophones dans le reste du pays – n’était pas, pour les députés, une croisade contre la protection de la langue française.

Ils n’ont pas nié que le français, tel que déterminé par l’Assemblée nationale, est la langue officielle du Québec.

Ils n’ont pas nié que le Québec est régi par la Charte de la langue française.

Ils se sont prononcés en faveur du maintien de la valeur canadienne concernant la dualité linguistique – l’égalité du français et de l’anglais – et de la symétrie historique des droits, dont jouissent depuis plus d’un demi-siècle les deux minorités de langue officielle.

Réponse de Paul Journet

Mme Ludvig, Emmanuella Lambropoulos a déjà remis en question le déclin du français au Québec. Elle a aussi mené une campagne de désinformation sur la loi 96. Ces députés se sont présentés pour un parti qui promettait une réforme de la Loi sur les langues officielles (LLO), dans laquelle il était notamment question d’un meilleur arrimage avec la loi 101. Leurs interventions en commission parlementaire vont dans le sens contraire de l’engagement de leur parti. Vous avez sûrement noté que leur position est fortement contestée à l’interne au Parti libéral du Canada, comme le prouve la déclaration du Franco-Ontarien Francis Drouin, qui a dénoncé leur « show de boucane ».

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