OPINION

LEADERSHIP DES FEMMES EN ENTREPRISE
Un retard inexcusable

Cette semaine est invitée à Montréal Marie-Jo Zimmermann, ex-députée française (de 1998 à juin 2017) et artisane de la loi Copé-Zimmermann.

Cette loi, adoptée en 2011 par le gouvernement français, contraint les entreprises cotées en Bourse et celles de 500 employés dont le chiffre d’affaires dépasse les 50 millions d’euros à composer leurs conseils d’administration d’au moins 40 % de femmes. La loi donnait jusqu’au 1er janvier 2017 pour y parvenir. C’est aujourd’hui chose faite.

En cinq ans, la France est passée de 12 à 40 % de femmes qui siègent actuellement dans les conseils d’administration des entreprises. Le Canada, dans le même laps de temps et dans la même catégorie d’entreprises, est passé de 12 à 15,9 % (source : Catalyst). Visiblement, nous sommes à la traîne. Il n’y a pas si longtemps, on se vantait de notre avance sur la France en matière d’égalité, mais ce temps est bel et bien révolu.

La responsabilité des entreprises

Marie-Jo Zimmerman est l’une des invitées d’honneur du 3e Gala de La Gouvernance au féminin, qui se tient au Palais des congrès de Montréal cette semaine.

Cet organisme québécois s’est donné pour mission, en 2010, de promouvoir le leadership des femmes en entreprise, leur accession à des sièges dans des conseils d’administration et à leur direction ainsi que la formation d’une relève féminine.

L’organisme s’efforce de sensibiliser les milieux économique et politique à se mobiliser pour que le système change. L’équipe de La Gouvernance et sa présidente fondatrice, Caroline Codsi, a bien compris que l’ambition des femmes n’est pas suffisante et qu’il faut maintenant que les dirigeants s’obligent à des résultats. Et si les entreprises québécoises et canadiennes ne parviennent pas à augmenter le nombre de femmes dans leurs instances, il faudra bien un jour que la politique s’en mêle, comme ce fut le cas en France, comme c’est aussi le cas dans d’autres pays, dont la Norvège, l’Italie et l’Allemagne.

Chez nous, une nouvelle certification parité

En l’absence de loi, La Gouvernance au féminin a choisi de créer cette année une Certification Parité, et c’est cette nouvelle norme qui sera célébrée à ce Gala. En effet, on y récompensera trois entreprises qui se qualifient pour cette certification. Beaucoup de femmes en affaires sont exaspérées par les résistances du monde corporatif qui tarde à modifier ses structures.

Parmi les mécanismes qui doivent changer, le Comité de certification en énonce quelques-uns : « Ne pas accepter de travailler avec des chasseurs de têtes qui soumettraient moins de candidatures féminines que masculines ; ne plus demander aux femmes qui se présentent en entrevue pour un poste le salaire qu’elles gagnaient avant afin de ne pas continuer à répliquer les schémas d’écart salarial ; ne pas permettre à un employé de siéger sur un panel de discussion dont la composition est entièrement masculine », etc. (on en trouve davantage sur le site de La Gouvernance).

Cela peut paraître abstrait pour le commun des mortels, mais les femmes du milieu se heurtent à ces obstacles tous les jours, ce qui les empêche d’accéder à des postes de direction et de gouvernance.

Voilà pourquoi, selon moi, la certification est un outil utile. Il permettra aux entreprises qui désirent augmenter la féminisation des C.A. et des directions de se faire évaluer, conseiller, et de mettre en place des pratiques transformatrices. Recevoir cette reconnaissance sera donc positif à la fois pour les entreprises et pour les femmes.

En attendant la révolution :  le pragmatisme

Je sais. Il se trouvera des sceptiques qui diront que ces entreprises ne chercheront, à travers cela, qu’à projeter une image positive d’elles-mêmes. Que leur démarche s’apparente davantage à de la cosmétique plutôt qu’à une réelle transformation de structure.

On peut aussi être déçue, comme féministe, que les partisans de la mixité femmes-hommes tels que La Gouvernance au féminin invoquent l’argument d’une meilleure rentabilité pour justifier le changement : c’est plus payant pour l’entreprise, alors allons-y pour l’égalité.

Nous voilà bien loin de l’idéal féministe révolutionnaire. Ajoutons à cela que les avancées des femmes dans les hautes sphères économiques ne se répercutent pas sur toutes les femmes.

Mais qu’avons-nous à proposer de mieux ?

En attendant une loi qui obligera les entreprises à changer, un outil comme la certification est une avancée qu’il faut encourager et promouvoir.

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