Legault promet d’investir en santé mentale

Amqui — Le premier ministre du Québec s’est rendu jeudi sur les lieux du drame d’Amqui, où 11 piétons ont été happés délibérément lundi par le conducteur d’une camionnette. Il s’est entretenu pendant près d’une heure avec une foule venue nombreuse et a promis d’investir davantage en santé mentale.

« On a de la difficulté à trouver des mots. On se sent un peu coupable. On se dit : qu’est-ce qu’on peut faire de plus pour la santé mentale ? Ce n’est pas toujours facile », a dit François Legault.

« Je ne peux pas tout dévoiler, c’est le 21 mars », a ajouté M. Legault en faisant allusion au dépôt du budget attendu mardi prochain. « Mais ce que je peux vous dire, c’est que oui, on va ajouter du financement pour la santé, les services sociaux et la santé mentale. C’est important de continuer d’investir. »

Le premier ministre a parcouru le boulevard Saint-Benoît à Amqui jeudi en compagnie des chefs des partis de l’opposition, Marc Tanguay, Gabriel Nadeau-Dubois et Paul St-Pierre Plamondon.

La municipalité du Bas-Saint-Laurent a été secouée par la course folle de Steeve Gagnon, un citoyen d’Amqui qui a foncé sur des piétons innocents avec sa camionnette. Les élus ont déposé des fleurs non loin du lieu où ont été heurtés mortellement Gérald Charest, 65 ans, et Jean Lafrenière, 73 ans.

L’équipe du premier ministre ne s’attendait pas à une foule si dense. Quelque 150 personnes étaient présentes et la visite a duré plus longtemps que prévu.

« On a tant de douceur dans notre vallée »

« Ça fait chaleureux que le premier ministre vienne nous voir chez nous, ça met un baume », a lâché Jean-Eudes Fournier, qui avait évité de justesse les roues du Ford F-150 noir de l’accusé.

« Ma conjointe m’a sauvé la vie. Si elle ne m’avait pas poussé, le camion me passait dessus », dit l’homme qui a pu raconter sa mésaventure au premier ministre. Juste avant que le véhicule ne déboule, M. Fournier était en conversation avec Gérald Charest. « Je suis le dernier à lui avoir parlé. »

Viky Durette s’était aussi déplacée pour parler aux élus. « C’est surprenant de voir tous ces gens à Amqui. »

« On se sent visibles, alors qu’on a souvent l’impression d’être invisibles. »

— Viky Durette

Mme Durette cherchait toujours à comprendre comment la municipalité de 6200 habitants pouvait vivre un si terrible drame. « On a tant de douceur dans notre vallée, dit-elle. On est tellement sereins. »

Le premier ministre s’était déplacé il y a quelques semaines à Laval à la suite d’une tragédie semblable, après qu’un homme avait foncé dans une garderie au volant d’un autobus.

« C’est vrai au Québec et c’est vrai ailleurs dans le monde : il y a de plus en plus de ce genre d’actes à la suite de problèmes de santé mentale. On a ajouté des ressources avec la pandémie, mais il faut en ajouter encore plus », a affirmé François Legault.

En attendant, le premier ministre a invité les gens d’Amqui à se « serrer les coudes ». Il leur a demandé de revenir marcher au centre-ville afin que « l’espoir triomphe sur la folie ».

« C’est dur. Quand on est dans une plus petite ville, tout le monde se connaît. C’est la femme, le frère, le beau-frère, le gendre… Donc, c’est encore plus dur, a-t-il dit. Mais le bon côté, c’est que les gens se connaissent. Je demande aux gens : en fin de semaine, tenez-vous ensemble, ne restez pas tout seuls. »

L’évêque de Rimouski doit d’ailleurs célébrer une messe ce vendredi soir à Amqui pour les victimes de la tragédie.

L’accusé garde son secret

Julien Gagnon s’était déplacé jeudi pour parler au premier ministre. Son beau-frère a été blessé dans l’attaque et est toujours hospitalisé à Québec. L’homme se promenait avec sa conjointe, sa fille et ses petits-enfants, dont un bébé, quand la camionnette de l’accusé a déboulé.

« La petite fille de 6 mois, c’est un miracle qu’elle soit en vie. Quand on a vu la poussette renversée… », dit-il.

« Des fois, tu vois des malades qui font des choses innocentes parce qu’ils n’osent pas parler. Mais il faut parler, il ne faut pas hésiter à parler. »

— Julien Gagnon, dont le beau-frère a été blessé dans l’attaque

L’attaque de lundi a fait deux morts, neuf blessés et a laissé la petite ville sous le choc. Les habitants, tout comme les policiers, cherchent toujours à comprendre pourquoi le conducteur de 38 ans a commis ces gestes en apparence délibérés.

Steeve Gagnon, lui, garde son secret. L’homme a comparu mardi au palais de justice d’Amqui et n’a pas dit un seul mot au moment de passer devant les journalistes.

Il a été accusé de conduite dangereuse ayant causé la mort de Gérald Charest et de Jean Lafrenière, tous deux d’Amqui. La Couronne n’exclut pas de déposer des accusations de meurtre si l’enquête le permet.

Santé psychologique

« Réalisable » d’avoir des services dans chaque village, selon Carmant

Québec — Le ministre Lionel Carmant croit qu’il est réaliste d’offrir des soins de santé psychologique partout au Québec par l’entremise des CLSC. Pour le moment, toutefois, les citoyens d’une ville comme Amqui, durement éprouvée par l’attaque meurtrière de lundi, doivent se rendre à Rimouski pour obtenir des soins en psychiatrie.

« On est bien conscient qu’il y a des enjeux dans les régions pour avoir accès aux services en santé mentale, et on travaille très fort pour les améliorer », a indiqué le ministre responsable des Services sociaux en mêlée de presse jeudi.

Il réagissait à un article du Soleil, qui rapportait qu’un citoyen d’Amqui doit parcourir 103 kilomètres, soit 1 h 15 de route, pour avoir accès à des soins en psychiatrie à Rimouski, là où sont offerts la majorité des services en santé mentale de l’est du Bas-Saint-Laurent.

Québec a mis en place une cellule de crise dans le village à la suite de la tuerie, et des intervenants en santé mentale ont été dépêchés sur place. Mais en temps normal, les citoyens doivent prendre la route.

Télémédecine et CLSC

M. Carmant souligne que la télémédecine en santé mentale est un « outil très utilisé » qu’il souhaite « utiliser de plus en plus ». Il a également ajouté, à la suite d’une question d’un journaliste, qu’il est « réalisable » d’offrir des soins de santé dans chaque village.

« En santé mentale, c’est réalisable. Il y a des CLSC partout. Je travaille avec mon adjointe parlementaire Shirley Dorismond pour repartir la santé mentale dans les CLSC », a-t-il affirmé.

« Quand les GMF [groupes de médecine de famille] ont été créés, les travailleuses sociales ont malheureusement été envoyées en GMF. Il faut réobtenir des services dans les CLSC et on travaille là-dessus », a-t-il ajouté.

Au début du mois, M. Carmant avait donné le mandat à la députée de Marie-Victorin, Mme Dorismond, de « travailler à la consolidation du rôle des CLSC dans l’accès aux services en santé mentale de première ligne ». Elle a pour mission de « mettre en lumière les initiatives, bonnes pratiques et modes de fonctionnement novateurs mis en place dans les CLSC favorisant un meilleur accès aux services en santé mentale ».

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