Vers une ligne verte surchargée

C'est ce qu’entraînerait l’arrivée du REM de l’Est sans une connexion au centre-ville

La ligne verte du métro de Montréal devrait accueillir au moins 10 % d’achalandage en plus et voir ses stations de correspondance exploser en nombre d’usagers si le REM de l’Est n’obtient pas de connexion avec le centre-ville, a appris La Presse. La situation fait dire à des experts qu’il faut rapidement « repenser » ce lien avec le cœur de la métropole, pour l’instant abandonné par Québec et Montréal.

La situation fait craindre le pire à des experts, qui préviennent que l’Est ne bénéficiera pas d’un réel système structurant. « Si on arrive avec un métro léger de type REM, il faut que ce soit connecté au reste du réseau. Sinon, on passe à côté d’une occasion. L’Est va se retrouver avec un gros investissement qui va faire juste la moitié du travail », déplore le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard.

Dans son rapport préliminaire attendu cette semaine, que La Presse a obtenu, le comité piloté par Québec et Montréal télégraphie clairement ses intentions : le REM de l’Est « verra à prioriser la ligne verte pour assurer les déplacements vers le centre-ville ». Les stations Assomption et Honoré-Beaugrand ont été désignées comme « stations de correspondance » principales.

Le tout contribuerait à une surcharge quotidienne d’au moins 4000 passagers en heure de pointe, soit 10 % de surplus par rapport à l’affluence normale de la ligne verte, dont l’achalandage a déjà augmenté depuis les travaux dans le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine. À la station Assomption, la hausse serait nettement plus marquée : le nombre de passages en pointe matinale y bondirait de 2500 à 18 000, une augmentation absolue de 620 %. Dans l’antenne est, dans l’axe de la rue Sherbrooke Est, 60 % des usagers emprunteraient la ligne verte à un moment ou un autre.

Le rapport fait d’ailleurs clairement mention de la nécessité d’apporter des « améliorations » à ces deux stations pour contenir les hausses de volume d’achalandage projetées. Davantage d’études d’achalandage devraient être rendues publiques en juin, au moment de la présentation du rapport final du comité.

De l’importance du service rendu

Ancien membre du comité d’experts du REM de l’Est – à l’époque où celui-ci était toujours piloté par CDPQ Infra –, M. Savard avait proposé l’été dernier aux autorités un parcours « revu et amélioré » qui ramenait la connexion avec le centre-ville, en faisant converger les branches nord et est à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, pour ensuite continuer vers l’ouest dans Rosemont et le Plateau en se connectant à la ligne orange à la station Sherbrooke et à la ligne verte à la station Saint-Laurent. Le tout se rallierait enfin à la gare Centrale. Ce scénario n’a toutefois jamais été véritablement étudié.

« Je ne comprends pas qu’on n’explore pas davantage l’option du centre-ville. L’Est n’aura qu’un tiers du réseau, pendant que l’Ouest va avoir un réseau à trois branches connecté au cœur de la métropole. Il n’y aura pas d’équité territoriale ni les impacts de transport qu’on souhaite », affirme-t-il.

Jusqu’ici, la connexion avec le centre-ville demeure notamment exclue parce que ce segment avait fait l’objet de vifs débats avant que CDPQ Infra ne se retire, des citoyens s’opposant à une structure aérienne qui créerait selon eux une « fracture urbaine ».

Mais pour l’expert en planification des transports à l’Université de Montréal Pierre Barrieau, « il reste encore d’autres options ».

« Le gouvernement doit au contraire commencer à planifier dès maintenant pour le centre-ville. On sait que l’aérien ne passe pas, mais on a encore d’autres solutions », dit-il, évoquant par exemple une connexion en souterrain ou au sol.

Le spécialiste rappelle que « la ligne verte retournera déjà très bientôt au maximum de sa capacité ». « Sans connexion du REM au centre-ville, cette ligne verte va devenir complètement surchargée, et à Berri-UQAM, ça va devenir très complexe. Et on sait que quand on dépasse la capacité maximale d’une ligne de métro, le service ralentit », analyse-t-il.

Étudier « toutes les options »

La directrice générale de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon, demande aussi à Québec d’étudier « toutes les options ». « CDPQ Infra proposait une option en aérien, mais il y a moyen de le faire autrement. On trouve dommage que dans le mandat du comité, il n’y ait pas possibilité d’étudier davantage le centre-ville. Plus on étudie toutes les options, plus on a de chances d’arriver avec le meilleur projet », lance-t-elle.

« Si, effectivement, la ligne verte est capable de l’absorber, ça peut être une solution. Par contre, la démonstration reste encore clairement à faire. »

– Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

Dans l’entourage de la mairesse Valérie Plante, on rappelle que « depuis le début », la Ville « répète l’importance d’un lien vers le centre-ville, un élément prioritaire pour désenclaver l’Est ». Après un « premier » lien, il faudra « compléter l’ensemble de l’œuvre et terminer la réflexion » vers le centre-ville, affirme l’attachée de presse Catherine Cadotte.

Au cabinet de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, on réitère toutefois que la priorité actuelle est d’abord « de bien desservir l’est de Montréal ». « Ça fait trop longtemps que les citoyens du secteur ont été délaissés par les anciens gouvernements », affirme l’attaché de presse Louis-Julien Dufresne, sans s’avancer davantage. Lundi, Mme Guilbault avait confirmé que le REM de l’Est ne serait pas aérien dans Mercier-Est, mais qu’il le serait dans l’axe de la rue Sherbrooke Est.

Lisez « Deux experts proposent un trajet revu et amélioré »

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