La traversée

Création par-delà l’océan

Pop
La traversée
Collectif
L-A Be

La traversée, c’est une rencontre virtuelle entre quatre artistes québécois et quatre artistes français émergents, mais dont le résultat, un album de huit chansons, est, lui, bien tangible. Nous avons discuté de la genèse du projet avec son directeur, Bruno Robitaille, de l’École nationale de la chanson de Granby.

Le concept

La traversée est née en 2018, sous l’impulsion de l’École nationale de la chanson, des Francos de Montréal et du FAIR, organisme consacré à la relève en France. L’idée : huit artistes, quatre québécois et quatre français, ainsi que leurs imprésarios, qui traversent l’océan chacun leur tour pour créer un spectacle ensemble. Ingrid St-Pierre et Antoine Corriveau du côté québécois, et Pomme du côté français, y ont déjà participé. « L’objectif de La traversée est d’offrir un perfectionnement pour artistes émergents et établis, explique Bruno Robitaille. Et d’outiller davantage ceux et celles qui ont déjà un pas engagé vers la commercialisation à l’international, comme cette année Mat Vézio, qui est déjà en playlist sur France Inter, ou Eli Rose, qui est avec l’étiquette française Barclay. Clay and Friends par exemple, ils ont participé en 2019, et c’est par La traversée qu’ils ont rencontré un producteur français et qu’ils ont signé ensemble. »

Le contexte

À la base, La traversée prévoit des voyages, des rencontres en personne et de la scène, ce qui est fort compliqué en temps de pandémie. Lors des deux premières éditions, les quatre artistes québécois allaient donc travailler avec leurs vis-à-vis français pendant une semaine à Paris, puis les huit artistes revenaient au Québec pour une autre semaine de création au studio B-12 à Valcourt. Et chacun des séjours se clôturait par un spectacle collectif, dont un sur la grande scène des Francos en juin. Avec trois prises contre elle, La traversée a évidemment été annulée en 2020, mais il n’était pas question de baisser pavillon en 2021. « En janvier, on a statué : le live était encore impossible à cause des incertitudes par rapport à La traversée et des Francos qui n’avaient pas encore les coudées franches. Mais on ne pouvait pas ne rien faire une deuxième année d’affilée. Alors on s’est dit : let’s go, est-ce que c’est concevable d’y aller avec un enregistrement sonore ? » La réponse a été oui, avec tout ce que ça implique de rencontres Zoom, de coordination et de gestion de décalage horaire. « Disons que sur le plan de l’organisation, on s’est embarqués dans toute une aventure... Mais on est allés chercher des pros pour notre équipe de base, avec Gaële à la direction artistique, le réalisateur français Bastien Doremus, qui a travaillé avec Christine and the Queens et Charlotte Gainsbourg, et Ghislain Luc Lavigne, le top mixeur qu’on a ici. »

Les artistes

Les huit artistes qui ont été sélectionnés cette année sont Eli Rose, Marie-Gold, Mat Vézio et Miro, qui ont été choisis pour le Québec parmi 35 candidatures, ainsi qu’Arthur Ely, Elbi, Jaïa Rose et Leo fifty five de la France. Même s’ils s’étaient d’abord embarqués « pour une traversée en vrai », explique Bruno Robitaille, aucun d’entre eux ne s’est désisté quand les plans ont été modifiés. « Ils ont tous accepté d’emblée. » Et malgré les hésitations initiales et l’étrangeté de la situation, ils ont fini par s’impliquer beaucoup. « Ils ont plongé sans trop savoir ce que ça allait donner. Mais le dynamisme, voire l’excitation, a embarqué. Et ils ont fini par faire ce qu’ils aiment le plus, de la vraie création. » À distance, jumelés avec des artistes qu’ils n’avaient jamais rencontrés, ils ont ainsi écrit huit chansons « toutes spéciales » entre mars et juin 2021, travaillant leurs textes sur des documents Google et s’envoyant des beats et des riffs de guitare, pour ensuite enregistrer le tout en studio à Montréal et à Paris – le processus est d’ailleurs relaté dans un joli documentaire, La traversée – le making of. « Je ne pense pas qu’on aurait pu réussir ça il y a 10 ou 15 ans. Les artistes sont tous équipés minimalement d’un ministudio, il y a des logiciels qui leur permettent de produire des maquettes conséquentes, on peut avoir des envois sans que ce soit trop lourd... C’est une résultante de la démocratisation de la musique, et c’est une belle chose, je trouve. »

L’album

Le principal défi de ce genre de projet, c’est bien sûr de réussir à unifier le tout. Unifier les styles, qui vont du folk au hip-hop en passant par la soul et la pop, le propos – « mais on dirait qu’il y a eu un thème récurrent, qui parle d’attente et d’immobilisme, ce qui est en lien avec ce que tout le monde vivait » –, et le son, surtout avec la production à distance. « Mais chapeau aux trois mentors, qui ont réussi à créer cette unicité, cette harmonie, ce lien entre les huit chansons pour que ça se tienne. Je sais que je suis mauvais juge, mais je crois que le pari est réussi. » S’il n’y aura pas de spectacle pour la cohorte de cette année, Bruno Robitaille espère que la situation reviendra à la normale l’an prochain. Et maintenant que l’expérience s’est avérée concluante, pourrait-on envisager une version hybride de La traversée, soit un spectacle et un album en plus ? « On n’est pas rendus là dans la réflexion. » Pour la suite, il espère bien sûr que des artistes continueront de collaborer, mais ce n’est plus de son ressort. « Ça leur appartient. Nous, on a mis les étincelles, et si ça continue, ça nous fait plaisir. Ça montre que ça en vaut la chandelle et que ce projet est utile. Ce sont eux, le cœur de La traversée. Notre succès passe par leur succès. »

Le documentaire La traversée sera accessible sur la page YouTube de l’École nationale de la chanson à compter du 12 septembre.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.