Faire un infarctus avant ses 30 ans

Les chiffres publiés par La Presse ne surprennent pas Michel White, cardiologue à l’Institut de cardiologie de Montréal, même s’il les trouve « effarants ». Le spécialiste, grand apôtre du sport et de l’activité physique, pense que la sédentarité est le fléau de notre époque.

Êtes-vous surpris par ces nouveaux chiffres sur la santé des jeunes Québécois ?

Non, je ne suis pas surpris d’apprendre ces chiffres-là, même si je trouve ça effarant, inquiétant même. Les pertes de VOmax que l’on constate sont énormes. Il faut savoir qu’à partir de 30 ans, on perd en moyenne 10 % de VOmax chaque fois qu’on vieillit de 10 ans. Alors il y a des gens qui deviennent très, très essoufflés avec l’âge, développent des problèmes d’insuffisance cardiaque, étant donné qu’ils partent de tellement bas. Ces nouveaux chiffres nous montrent que ça va s’aggraver parce que les jeunes partent de plus bas encore. Pour moi, c’est un signal d’alarme.

Les cardiologues indiquent que leurs patients développent des problèmes cardiaques de plus en plus jeunes. Le constatez-vous ?

J’ai 58 ans, et quasiment la moitié de mes patients sont plus jeunes que moi. Dans ma clientèle, j’ai une quinzaine de patients qui ont eu des infarctus à 30 ans et moins. Ce sont des cas extrêmes. Il y a aussi des cas d’hypertension chez les jeunes, parce que l’activité physique fait baisser la tension artérielle et qu’ils n’en font pas. Je pense qu’on va en voir de plus en plus. C’est presque toujours des facteurs de risque, le tabagisme, le cholestérol, la malbouffe et le manque d’exercice…

La sédentarité est pour vous un fléau ?

Oui, et les gens sont de plus en plus inactifs. Le fléau des temps modernes, c’est vraiment l’écran, la télévision, la tablette, les jeux interactifs… L’écran est très stimulant pour le cerveau. Mais il faut maintenir tout ça dans un certain équilibre. L’autre problème, quand on ne fait pas d’activité physique jeune, c’est qu’on n’apprend pas à bouger. Alors on arrive à 65 ans avec un infarctus. Le médecin vous recommande de bouger, mais vous ne savez pas comment faire parce que vous ne l’avez jamais fait ! Alors, bouger quand on est jeune, c’est important. L’exercice physique, en matière de prévention de maladies cardiovasculaires, c’est hyper puissant. Si on fait de l’exercice physique trois ou quatre fois par semaine, entre 30 minutes et une heure, c’est aussi fort qu’un médicament contre le cholestérol et même plus, au fil des années.

Les spécialistes pensent même que les jeunes d’aujourd’hui vivront moins longtemps que leurs parents.

Oui. L’espérance de vie a beaucoup augmenté dans les dernières années, mais si on ne corrige pas les choses, notre espérance de vie va diminuer. Alors qu’on a fait certains gains, il semblerait qu’on est en train de perdre la bataille. On semble avoir atteint un maximum et le déclin semble s’en venir malgré le message qu’on martèle depuis des années sur l’activité et les saines habitudes de vie.

Quelles sont les pistes de solution ?

Il faut agir avec tact, il ne faut pas être moralisateur avec les jeunes. Il ne faut pas que ce soit une espèce de tâche, il faut que ça s’incorpore dans leur vie et qu’ils aient envie de le faire. Ce qu’on voit aussi beaucoup, c’est que lorsque les parents sont actifs, les enfants le sont aussi. Ça ne sert à rien d’enfoncer quelque chose dans la gorge des gens, ça ne marche pas, et on l’a vu avec le tabac. Il faut que ça vienne d’eux.

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