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« la situation n’est pas sous contrôle »

Le gouvernement Legault se garde l'option de repousser de nouveau le déconfinement dans la métropole si la situation ne s'y améliore pas, tandis que le cap des 3000 morts a été franchi au Québec.

Le gouvernement Legault s’inquiète de l’évolution de la pandémie de COVID-19 dans le Grand Montréal. Si la situation ne s’améliore pas, le déconfinement pourrait être repoussé au-delà du 25 mai. Les écoles pourraient quant à elles n’ouvrir qu’en septembre.

Le premier ministre François Legault constate « qu’à Montréal, la situation n’est pas sous contrôle. Elle est inquiétante ».

« Puis là-dessus, je veux être très clair. On est tous inquiets de la situation à Montréal, moi le premier. […] Il n’est pas question de rouvrir les commerces, les écoles, les services de garde avant le 25 [mai]. C’est possible que ça soit repoussé après le 25 si la situation ne s’améliore pas », a-t-il dit lors du désormais traditionnel point de presse de 13 h à Québec.

Lundi, le bilan des morts causées par le coronavirus a encore augmenté. Il est désormais de 3013, en croissance de 85 en une journée. Il y a maintenant 38 469 cas confirmés de personnes infectées à la COVID-19 au Québec, en augmentation de 748 en 24 heures ; 1838 personnes sont actuellement hospitalisées en raison de la maladie, dont 193 aux soins intensifs. Ce dernier chiffre est par contre en diminution.

Québec s’en remet à la science

François Legault a dû répondre à plusieurs questions lundi sur la décision de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de publier vendredi en fin de journée des scénarios prévoyant jusqu’à 150 morts par jour cet été dans la métropole dans le cas d’un déconfinement ce printemps.

En point de presse, le premier ministre a réitéré l’indépendance de l’Institut, qui ne relève pas du politique, a-t-il dit. Il a aussi affirmé que ce scénario n’arriverait pas, selon lui, puisqu’il est basé sur une situation où le gouvernement ne mettrait pas en place certaines règles pour baliser le déconfinement.

« Quand on regarde les prévisions de l’INSPQ, on voit que s’il y avait déconfinement, il y aurait un risque majeur d’explosion des cas, des hospitalisations. C’est pour ça qu’on a pris la décision que les commerces, les écoles, les services de garde n’ouvriront pas dans la grande région de Montréal avant le 25 mai, et ce n’est pas impossible que ça soit même repoussé plus tard. Puis ce n’est pas impossible que les écoles, on décide, dans le Grand Montréal, de seulement les rouvrir en septembre. Mais on va suivre la science, on va suivre les résultats, on ne prendra pas de risques », a dit M. Legault.

Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, a pour sa part affirmé que la situation à Montréal « est fragile ». Il y a probablement « de la transmission plus active dans [certains] quartiers chauds », a-t-il ajouté.

« Juste un 10 % de moins de distanciation sociale […] a un effet important sur la courbe. Ça vient nous montrer aussi que la collaboration de la population [est importante]. Quand on dit "on déconfine certains secteurs", ça ne veut pas dire que tout le monde peut se mettre à circuler de la même façon », a rappelé le Dr Arruda.

D’une crise sanitaire à une crise économique

Le président de l’Association des Sociétés de développement commercial de Montréal, Billy Walsh, prévient que « chaque report du déconfinement fait excessivement mal » à la métropole.

« Les reports ont des conséquences dramatiques sur la ville. L’identité montréalaise doit être préservée. Si on n’a plus nos commerces, c’est quoi les avantages d’habiter à Montréal ? », a-t-il lancé à La Presse. Selon lui, il faut un « plan d’urgence » des gouvernements et de la Ville de Montréal dans l’éventualité où le déconfinement serait de nouveau repoussé.

À la Société de développement commercial du Village, le directeur des communications, Stéfane Campbell, explique que la possibilité d’un report du déconfinement de Montréal hypothèque l’existence même de bien des commerces.

« On arrive à un moment critique, le compte à rebours est serré. Ils ne peuvent pas vivre un mois de plus comme ça. Ça va prendre des mesures concrètes pour les aider. Sinon, ils n’ouvriront juste jamais plus. »

— Stéfane Campbell, directeur des communication de la Société de développement commercial du Village

« Ce serait triste de déconfiner plus tard, et d’être ainsi un village fantôme parce que les commerces indépendants sont fermés pour de bon. On ne fera pas une ville avec des McDonald’s et des A&W », a-t-il ajouté.

Pour « mettre un baume » sur sa communauté, la Société a annoncé lundi qu’un tronçon de la rue Sainte-Catherine serait piétonne dès jeudi. Et si les restaurants et bars rouvrent bel et bien au cours des prochains mois, des terrasses seront installées pour la durée de l’été.

L’Association Restauration Québec est du même avis. Elle souligne qu’un déconfinement tardif repousse déjà l’ouverture des commerces de ses membres, puisqu’il n’est même pas question des restaurants dans les plans du 25 mai.

« Il n’y a rien de farfelu à prédire la fermeture définitive d’au moins 50 % des restaurants si la situation dure comme ça tout l’été », a avancé François Meunier, vice-président de l’Association.

Plus de tests, un réseau toujours fragile

Dans ce contexte très fragile à Montréal, tant sur le plan de la santé publique que de l’économie, François Legault a de nouveau affirmé lundi que le Québec voulait faire plus de tests pour dépister les cas positifs de COVID-19. Le gouvernement a notamment adopté un décret, comme le révélait La Presse au cours du week-end, pour permettre à certains professionnels, dont les dentistes et les hygiénistes dentaires, entre autres, de faire passer ces tests. 

Leur nombre est passé de 6000 à 10 000 par jour au cours de la dernière semaine, ce qui est toujours sous la barre des 14 000 tests quotidiens que s’était fixée Québec.

M. Legault a également reconnu lundi que le nombre de décès est très élevé au Québec. Il explique en partie cette situation par la situation critique dans les CHSLD. « On était mal préparés », a-t-il dit, avant de rappeler, encore une fois, les bas salaires dans ces milieux de travail.

Conséquence : beaucoup de personnes travaillent à temps partiel dans ces établissements, ce qui a fait en sorte que le personnel s’est promené d’un CHSLD à l’autre en début de crise, aggravant la propagation du virus.

Face à un réseau toujours fragilisé par un important problème d’absentéisme, le premier ministre a de nouveau lancé un appel au personnel du système de santé pour que ceux qui ont contracté la COVID-19 reviennent au travail une fois déclarés guéris.

« [Je suis] content de voir [qu’il] y a quelques centaines d’employés qui ont recommencé à revenir dans le réseau au cours des derniers jours. On espère que ça va se poursuivre. »

— François Legault, premier ministre du Québec

« Puis je lance encore un appel : tous ceux qui ont fini leur quarantaine, tous ceux qui ont eu le virus puis que, là, ils ont passé le temps qu’ils devaient passer à s’isoler, s’il vous plaît, revenez. Parce qu’on a, dans le réseau, des gens fatigués, des gens qui ont besoin de repos, puis donc, on a besoin de renfort », a-t-il dit.

Le manque de personnel continue d’être criant dans le réseau de la santé. Le 10 mai, 11 356 employés étaient absents pour des raisons liées à la COVID-19, selon la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Marie-Claude Lacasse. De ce nombre, 5080 sont atteints de la COVID-19.

« Les autres personnes absentes sont soit en processus de dépistage ou en absence préventive », a expliqué Mme Lacasse à La Presse. En tout, 3290 des employés absents travaillent en CHSLD. Les autres œuvrent dans des centres hospitaliers et dans d’autres établissements du réseau. 

Pour ce qui est de l’aide apportée par l’armée canadienne, 780 soldats sont désormais en poste dans les CHSLD, a confirmé lundi François Legault.

« Ça vient donner un bon coup de main, puis je veux dire merci à l’armée canadienne. Je sais qu’ils veulent augmenter ce nombre-là à 1350 », a également indiqué le premier ministre.

— Avec Ariane Lacoursière et Tommy Chouinard, La Presse

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