Grippe aviaire

Une « pandémie sans précédent » frappe le Canada

Une deuxième vague de grippe aviaire — une pandémie sans précédent — déferle sur le Canada, depuis le début de l’année. Au Québec, deux fermes sont actuellement infectées et une autre fait l’objet d’une enquête.

La présence de H5N1 a été détectée dans une basse-cour près de Napierville en Montérégie, le 7 octobre dernier. Une autre ferme de volaille sera ajoutée aux cas actifs recensés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) dans les prochaines heures, selon nos informations. Il a toutefois été impossible de savoir dans quelle région du Québec se situait cet établissement infecté.

« C’est très préoccupant », affirme Martin Pelletier, directeur général de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA). « Cette souche d’influenza aviaire est très virulente et elle se propage très rapidement. On le voit à l’échelle mondiale et même à l’échelle du pays. C’est la première fois qu’on voit une éclosion d’une telle ampleur au Canada. »

Le Canada a en effet connu deux épisodes de grippe aviaire, en 2004 en Colombie-Britannique et en 2015 en Ontario. Quelques cas isolés ont aussi été recensés dans l’intervalle. Mais depuis le début de l’année, le virus frappe le pays d’un océan à l’autre : 78 lieux ont été infectés et plus de trois millions d’oiseaux ont dû être abattus. Aucune province n’a été épargnée.

Au Québec, le tout premier cas d’influenza aviaire a été détecté en avril dernier. Au total, 13 lieux, dont 12 fermes, ont été touchés et 300 000 animaux ont dû être tués.

La grippe aviaire est principalement transportée par les oiseaux migrateurs qui passent par le Canada au printemps et à l’automne. Ils excrètent le virus dans leurs fientes ou leurs sécrétions nasales, lorsqu’ils sont en vol ou lorsqu’ils s’arrêtent, explique M. Pelletier, de l’EQCMA.

« Les oiseaux des petits élevages sont souvent élevés à l’extérieur. Ils ont donc plus de risques de fouler ou de picorer des fientes contaminées. Les oiseaux sous quota sont quant à eux élevés à l’intérieur. C’est alors le producteur, les employés ou les visiteurs qui peuvent faire entrer le virus dans le bâtiment s’ils ont marché sur des fientes contaminées », indique M. Pelletier, précisant toutefois que toute personne doit changer de chaussures ou porter des couvre-chaussures avant d’entrer dans un bâtiment abritant des volailles.

Mesures de quarantaine

La grippe aviaire est une maladie à déclaration obligatoire. Un producteur qui détecte un oiseau contaminé doit avertir l’ACIA. Ses volailles sont alors tuées afin d’éviter que le virus hautement pathogène ne se propage à des fermes avoisinantes.

Des mesures de quarantaine sont également mises en place par l’ACIA dans un périmètre allant jusqu’à 10 km autour de la ferme infectée. Les producteurs de ce périmètre doivent se doter d’un permis pour déplacer leurs animaux vers l’abattoir et les visiteurs comme les livreurs de propane ou de nourriture doivent laver les roues de leur véhicule en sortant de ce qui est appelé la zone de contrôle primaire.

« Si on laissait le virus [circuler dans une ferme contaminée], on se retrouverait avec quelque 10 000 oiseaux malades qui excréteraient des milliards de particules virales. On se retrouverait avec un spectaculaire site de contamination » qui pourrait connaître un taux de mortalité de 100 %, explique Jean-Pierre Vaillancourt, vétérinaire et professeur à l’Université de Montréal.

L’expert en H5N1 soulève également un enjeu de bien-être animal. « Ce n’est pas une belle mort. Le virus cause des hémorragies dans les tissus et les poumons se remplissent de sang », souligne-t-il. Le professeur précise par ailleurs que les risques de transmission des oiseaux aux humains sont très faibles.

« Dans l’Ouest, c’est assez catastrophique »

À l’ACIA, la Dre Manon Racicot parle sans hésiter d’une « pandémie sans précédent ». « On n’avait jamais vu autant d’oiseaux sauvages contaminés. On constate davantage de décès chez les oiseaux migrateurs, mais également chez les oiseaux sauvages résidents. »

« Le risque de contamination pour la production avicole est particulièrement accru. »

– La Dre Manon Racicot, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments

Après la vague de H5N1 du printemps, une deuxième déferle sur l’ouest du pays : 13 lieux sont infectés en Colombie-Britannique et 26 en Alberta.

« Les cas dans l’Ouest ont repris de façon fulgurante, note la vétérinaire-épidémiologiste. Dans l’Est, comme au Québec, on ne voit pas encore tant d’oiseaux migrateurs. Est-ce que le pire est à venir ici ? Je ne sais pas, c’est difficile à prédire. Mais ce qui se passe actuellement dans l’Ouest, c’est assez catastrophique. »

L’ACIA surveille attentivement la France et les Pays-Bas, qui ont décidé d’expérimenter un vaccin sur certaines volailles. Le Canada n’écarte pas l’idée d’utiliser lui aussi la vaccination pour endiguer la pandémie.

« On ne pourra pas continuer à dépeupler comme ça, à intervenir sur chaque site. Ça devient infernal », dit la Dre Racicot.

La production de volaille au Québec, en 2019

  • 1013 producteurs de poulets
  • 247 producteurs de dindons
  • 76 producteurs d’oiseaux fermiers (canards et oies)
  • 989 producteurs d’œufs

Source : ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec

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