notre choix

Le #metoo coréen

Kim Jiyoung, née en 1982
Cho Nam-joo
traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
NIL
*** ½

Après le film Parasite, qui abordait la question des inégalités sociales, c’est maintenant un roman qui nous parvient de la Corée du Sud pour nous parler, cette fois, des inégalités entre les sexes.

C’est l’histoire de Kim Jiyoung, une Sud-Coréenne « ordinaire ». Au début du roman, elle a 33 ans, elle est mère d’un jeune enfant, et son comportement est de plus en plus erratique.

Victime d’une profonde dépression, elle accepte de consulter un psychiatre à qui elle racontera son histoire.

En commençant par la petite enfance où déjà, sa sœur aînée et elle sont confrontées à un traitement inéquitable de la part de leurs parents.

Même si elles vont à l’école et qu’elles doivent étudier, les deux fillettes doivent participer aux tâches ménagères. Pendant ce temps, leur petit frère a sa chambre à lui tout seul et il est toujours servi en premier aux repas, qui sont préparés et servis par les femmes de la maison.

Quand vient le temps d’aller à l’université, la sœur aînée de Jiyoung est l’objet de pressions de la part de sa mère : pourquoi ne deviendrait-elle pas institutrice ? Un métier sûr qui lui permettrait d’avoir une vie de famille.

La sœur aînée se braque et la mère accepte de laisser ses filles faire leurs propres choix. Il faut dire qu’elle est elle-même assez émancipée. C’est en effet la mère de Jiyoung qui dirige la cellule familiale et son sens des affaires permet à la petite famille de vivre confortablement.

À mesure que Kim Jiyoung vieillit, elle est confrontée aux inégalités dont sont victimes les femmes : à l’école, les garçons mangent en premier. Dans le monde du travail, c’est encore pire : sans surprise, les femmes sont moins bien payées que leurs collègues masculins. Mais ce n’est pas tout. La jeune Jiyoung, qui est la plus jeune employée de sa firme, doit aller chercher le café de collègues et leur commander leur lunch. Et c’est sans compter le harcèlement sexuel dont elle est victime.

Jiyoung fréquentera plusieurs hommes avant de se marier. À première vue, la plupart sont ouverts et progressistes. Mais le sexisme la rattrape toujours sous une forme ou sous une autre. Le coup de grâce survient lorsqu’elle donne naissance à son premier enfant et qu’elle doit se résigner à rester à la maison.

Le roman est ponctué des réflexions que se fait la jeune femme sur les nombreuses injustices dont elle est témoin, ainsi que de statistiques sur la situation des femmes en Corée du Sud. Un pays où, jusque dans les années 70, on permettait encore l’identification des sexes avant la naissance et l’avortement des fœtus féminins.

L’histoire derrière ce roman est aussi intéressante que ce qu’il raconte. Kim Jiyoung, née en 1982 est devenu un best-seller international et il a été adapté au cinéma. Publié alors que la Corée vivait son moment #metoo, dans la foulée d’un scandale politique impliquant la présidente Park Geun-hye, il s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires. Il a également connu un immense succès international : best-seller en Chine, à Taiwan et au Japon, il a été traduit en 18 langues.

Au fond, est-ce si étonnant ? Pas vraiment. Car l’histoire de Kim Jiyoung nous rappelle que la seule chose qui ne change pas d’un pays à l’autre et d’une culture à l’autre, c’est le sexisme à l’endroit des femmes.

Appel à la tolérance

Il est temps que je te dise
David Chariandy
Zoé
112 pages
***1/2

« Je me demande s’il y a des moments où, malgré tes airs assurés, tu ne te sens ni sûre de toi ni en sécurité. »

David Chariandy s’adresse à sa fille adolescente dans Il est temps que je te dise, un essai sous forme de lettre dont la traduction française vient de paraître. Marqué par James Balwin et sa légendaire lettre à sa « sœur » Angela Davis, l’auteur canadien livre un témoignage très personnel, empreint de la tendresse et de la bienveillance d’un père, mais aussi un manifeste lucide, fort bien écrit, sur le racisme ordinaire et les humiliations subies par ceux dont la peau n’a pas la blancheur attendue dans un Canada soi-disant accueillant. Né en Ontario de parents caribéens, soit d’une mère descendante d’esclaves d’Afrique de l’Ouest et d’un père dont les ancêtres sont venus d’Asie du Sud pour travailler dans les champs de canne à sucre, David Chariandy soulève également la question de l’identité, lui qui se fait inlassablement demander d’où il vient vraiment. Il est temps que je te dise est une lecture empreinte de sagesse sur une réalité qui, bien qu’elle ne soit pas au premier plan de l’actualité par les temps qui courent, demeure malheureusement trop présente.

— Valérie Simard, La Presse

La sorcière de Colombier

L’épidémie de VHS
Alexandra Tremblay
Del Busso
112 pages
** 1/2

C’est un étrange récit d’émancipation, non dénué de qualités, mais quelque peu inconsistant, que propose Alexandra Tremblay avec ce premier roman. L’histoire se déroule à notre époque, dans la petite ville de Colombier, sur la Côte-Nord, et met en scène deux personnages aux noms excentriques, Häxan et Léo-Lune. La première, narratrice principale de l’histoire, est une adolescente qui tente de contrer l’ennui mortel de son existence en se construisant une personnalité d’artiste « New Age » mystérieuse et marginale avec son « rouge à lèvres vert et des autocollants holographiques sous les yeux ». « J’étais une enfant spéciale, j’en étais certaine », ajoute cette Lana Del Rey en devenir qui se dit « post-toute chose, car il n’y [a] rien à inventer » et n’a qu’une envie : déménager à Montréal.

Son désœuvrement trouvera écho chez Léo-Lune, jeune homme perdu débarqué de la métropole qui s’entichera de Häxan et qui traîne partout avec lui une caméra VHS avec laquelle il filme compulsivement « son processus de disparition du monde », alors que Häxan, elle, est obsédée par celle qu’elle appelle « la sorcière de Colombier ». L’épidémie de VHS raconte leur histoire d’amour fusionnelle et malsaine, alors que, chacun à leur façon, les deux tentent de fuir un monde anxiogène dominé par la technologie en se tournant vers l’analogique et la nature, porteurs de nostalgie et d’une certaine innocence.

Raconté au « je », le récit bascule parfois au « tu » et dirige alors sa narration vers Léo-Lune, mais ces passages ont surtout pour effet de rendre le récit plus confus. La langue est nerveuse, souvent imagée – parfois de façon un peu trop appuyée – et enfile les références hétéroclites jusqu’à en donner le tournis, témoin d’un monde en perte de repères, alors que la Côte-Nord prend des airs tantôt mystérieux et oniriques, tantôt carrément inquiétants et glauques. Malheureusement, c’est parfois trop appuyé et maladroit et, au fil des pages, notre intérêt pour cette histoire qui tourne un peu en rond s’étiole.

— Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Toujours présent

De Gaulle – 50 ans après
Collectif
Éditions de l’Aube
88 pages
***

Si quelqu’un doutait encore que Charles de Gaulle, disparu il y aura 50 ans en novembre prochain, occupait encore notre quotidien, cette intéressante plaquette le confirme. En France, Le 1 est un hebdomadaire qui traite dans chacun de ses numéros d’une grande question d’actualité. Dans le cas présent, le livre est sorti en France en avril 2019 pour les 50 ans de la démission de de Gaulle. Certains numéros, comme ici, sont transformés en un court ouvrage écrit à plusieurs têtes. Chaque auteur aborde son sujet sous un angle différent. Par exemple, un auteur assure que le Grand Charles rêvait de trouver refuge en Irlande. Un autre lui consacre un poème. Un troisième explique pourquoi de tous les présidents français, de Gaulle est le seul à pouvoir revendiquer le titre d’individu « historique ». Le dernier chapitre, qui traite du gaullisme, est sans doute le plus intéressant. Car si tous les grands politiciens français se réclament de l’Homme du 18 juin, aucun ne puise dans ses principes politiques. La minceur du fascicule ne permet pas aux argumentaires d’aller dans le détail. Mais il reste que la lecture est instructive.

— André Duchesne, La Presse

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