étude

Près de la moitié de ce que l’on mange est  ultra-transformé

Près de la moitié des calories consommées par les Canadiens provient d’aliments ultra-transformés, selon une nouvelle étude dévoilée aujourd’hui par la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. « C’est très élevé, dit Jean-Claude Moubarac, auteur du rapport et professeur au département de nutrition de l’Université de Montréal. Ce sont des aliments de qualité nutritionnelle très faible. »

Rien d’ultra

Très exactement 48,3 % des calories consommées chaque jour par les Canadiens provenaient d’aliments ultra-transformés en 2015, selon des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada. En 2004, ce taux était un peu moindre (47,7 %).

Ces aliments n’ont rien d’ultra. Ce sont « des formulations d’ingrédients industriels et d’autres substances dérivées d’aliments, avec des additifs », explique le rapport. Des exemples : croustilles, biscuits et pains industriels, céréales sucrées, sauces du commerce, yogourts aromatisés, margarine, croquettes de poulet ou de poisson, etc.

Le Guide alimentaire canadien divise les aliments en quatre catégories : fruits et légumes, produits céréaliers, lait et substituts et viandes et substituts. Où classer une pizza surgelée ? Jean-Claude Moubarac résout le dilemme en ordonnant les aliments selon leur degré de transformation : aliments frais ou minimalement transformés (fruits, œufs, etc.), ingrédients culinaires (beurre, huile, etc.), aliments transformés (fromage, pain, etc.) et, enfin, ultra-transformés (comme la pizza surgelée).

Champions

Les Canadiens sont les deuxièmes consommateurs d’aliments et de boissons ultra-transformés au monde, derrière les Américains. Ils en achètent au moins 230 kg par personne, par an, d’après le rapport.

Ce n’est pas sans conséquence. « Comparativement aux autres groupes alimentaires, les produits ultra-transformés contiennent généralement deux fois plus de calories, trois fois plus de sucres libres et deux fois plus de sodium, sans compter qu’ils fournissent beaucoup moins de protéines, de fibres, de vitamines et de minéraux », souligne l’étude.

Pire chez les enfants

Les plus grands mangeurs d’aliments ultra-transformés sont les enfants de 9 à 13 ans. Plus de 57 % des calories qu’ils consomment viennent de ces produits, alors qu’ils sont en pleine croissance. Chez les ados de 14 à 18 ans, le taux est presque aussi élevé (54,7 %). Il dépasse aussi la moitié (51,9 %) des calories ingérées chez les petits de 2 à 8 ans.

« C’est très préoccupant, note Jean-Claude Moubarac. Pendant tout leur développement, les enfants sont exposés à ces produits. Ce n’est pas étonnant que de plus en plus de maladies surviennent jeune. »

À s’en rendre malades

L’enjeu, ce n’est pas de paraître mince dans ses habits des Fêtes. C’est d’être en santé. L’alimentation de mauvaise qualité est maintenant le premier facteur de risque de décès au pays, selon la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC. Les dépenses entraînées par les maladies liées à l’alimentation atteignent la somme salée de 26 milliards par an, au Canada.

Les Québécois, pas les pires

Près de 49 % des calories consommées au Québec proviennent de produits ultra-transformés. C’est mieux qu’en Nouvelle-Écosse (où 55,4 % de l’alimentation est ultra-transformée), mais moins bien qu’en Colombie-Britannique (44,3 %). Règle générale, les plus grands amateurs de ces mauvais aliments sont les jeunes, ceux qui ont moins étudié, les habitants des régions rurales et les… Canadiens de naissance.

« J’ai un message pour les immigrants : intégrez-vous, mais de grâce, sur le plan de l’alimentation, conservez vos habitudes et votre intérêt pour la cuisine », plaide Jean-Claude Moubarac.

Message incomplet

À eux seuls, les boissons sucrées et les aliments sucrés ultra-transformés totalisent près de 17 % des calories ingérées chaque jour au Canada.

Il y a tout de même du positif. « Comparé à 2004, les Canadiens consomment plus de légumes, de fruits, de noix et de poisson et moins de viande, de volaille et de lait », note le rapport. « Certains messages passent, comme celui de boire moins de boissons sucrées, reconnaît Jean-Claude Moubarac. Mais ce n’est pas un message complet. Si on focalise seulement sur le sucre, l’industrie va reformuler ses produits et on ne va pas nécessairement manger mieux. »

Recommandations

« Préférez toujours les aliments frais ou peu transformés, conseille le rapport, et les plats et repas fraîchement préparés, plutôt que les aliments ultra-transformés. »

Trop difficile ? On peut commencer par se fixer l’objectif de cuisiner un repas de plus (lunch ou souper) par semaine et de le manger en bonne compagnie. « Il faut aussi intéresser les enfants à la cuisine, pour qu’ils puissent développer une belle relation avec l’alimentation », suggère Jean-Claude Moubarac.

Prochaine étape : la révision du Guide alimentaire canadien et la parution de nouvelles règles d’étiquetage des emballages. Les échos provenant de Santé Canada sont « encourageants », selon M. Moubarac. « On va dans le même sens », assure-t-il. Tant pis pour la pizza surgelée.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.