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Payer de l’impôt, c’est beau !

Au début du mois prochain, le gouvernement finlandais publiera la liste de ses contribuables, de leurs salaires et de l’impôt qu’ils ont payé. Riches, pauvres, célèbres et inconnus, tout le monde y est. Et c’est comme ça chaque année.

L’information est accessible pour tous ceux qui veulent savoir combien gagne son voisin ou son patron, et s’il paie sa juste part d’impôt. Une telle divulgation est inimaginable dans la plupart des pays du monde, mais en Finlande, elle est jugée nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du pays.

La Finlande est un pays de 5,5 millions d’habitants, qui bénéficient d’un niveau de vie élevé et d’un filet social confortable payé à même les impôts. Du point de vue du gouvernement, il apparaît donc sensé de divulguer cette information pour que ceux qui paient la facture soient assurés qu’elle est partagée équitablement, et ce, année après année.

Les contribuables finlandais y voient surtout des avantages. La publication des salaires et des impôts payés a contribué à réduire les écarts de revenus. Le pays est considéré comme l’un des plus égalitaires au monde. Il bénéficie d’un des meilleurs systèmes de santé et d’éducation parmi les pays industrialisés.

La transparence fiscale fonctionne aussi des deux côtés de l’équation : le gouvernement rend des comptes rigoureux sur la façon dont il dépense l’argent des impôts.

Le modèle n’est pas parfait. Avec les nouvelles lois sur la protection des renseignements personnels en vigueur en Europe, de nombreux riches Finlandais réussissent maintenant à faire retirer leurs noms de la liste publique.

La fraude fiscale n’a pas été éradiquée non plus. Selon le Helsinki Times, quotidien publié en anglais sur support numérique, plus de 200 Finlandais apparaissent dans les Pandora Papers, qui a publié une nouvelle liste de ceux qui se servent des paradis fiscaux pour éviter de payer de l’impôt dans leur pays d’origine.

Comme chaque fois que des listes de ce genre sont rendues publiques, on se scandalise pendant quelques jours, puis on oublie. Les Panama, Paradise et Pandora Papers nous font de plus en plus nous rendre compte de notre impuissance à lutter contre l’évasion fiscale.

Penser autrement

Personne n’aime payer des impôts. Les Finlandais, qui ont les taux d’imposition parmi les plus élevés au monde, ne sont pas différents des autres.

Mais ils ont, pour la plupart, une vision différente de la vie en société. La majorité d’entre eux (79 %, selon un sondage réalisé par le gouvernement en 2017) se disent heureux de payer des impôts parce qu’ils servent à financer des services publics qu’ils jugent importants, à commencer par un système de santé accessible à tous.

Certains des contribuables les plus imposés (et les plus connus dans le pays) n’hésitent pas à dire publiquement qu’ils ont beaucoup reçu de la société et qu’ils sont contents de pouvoir lui redonner à leur tour.

Il ne peut être question d’adopter le modèle finlandais là où l’impôt est vu comme une calamité, c’est-à-dire à peu près partout ailleurs que dans les pays scandinaves. Mais certains pourraient vouloir s’en inspirer.

Les impôts peuvent être considérés comme une façon, peut-être bien la seule, de pouvoir profiter d’un milieu de vie plus sûr, plus équitable et plus agréable.

Chaque année, une liste des personnes les plus riches du monde est publiée et abondamment commentée. À quand la liste de ceux parmi eux qui paient le plus d’impôt ?

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