OPINIONS ATTENTAT À QUÉBEC

Courrier

Les parents, des victimes

Comme parent, quand tu as donné et que tu donnes encore le meilleur de toi-même à tes enfants et que l’un d’eux commet un massacre honteux dont toute la planète parle, que reste-t-il de ta vie et de ton âme ? Tu fais quoi maintenant que ton fils a fait de toi l’une des pires victimes ? Parce que toi, tu n’auras pas droit à une vague de sympathie. Tu es condamné. Tu vas où et vers quoi maintenant ? Ma sympathie sincère pour ces parents, dont le fils a fait un massacre inhumain.

— Sofia Massicotte, Rawdon

Chapeau, jeune homme !

« Ils ont pensé que j’étais suspect, c’est normal » Quelle maturité ! À une époque où on se proclame rapidement victime de tout et de rien, Mohamed Belkhadir arrive à s’oublier et à comprendre l’urgence et le chaos engendrés par la tragédie. Une leçon de pondération dans la pensée et dans le propos. Ces temps-ci, une leçon bien utile. Chapeau, jeune homme !

— Charles Lafleur

Humains avant tout

Avant d’être Québécois, avant d’être Canadiens, avant d’être blanc ou noir, avant d’être de telle ou telle confession, nous sommes tous des humains faits de chair et d’os, avec du sang qui coule dans nos veines. Parlons de ces êtres qui ont choisi de quitter leur pays pour venir chez nous, pour vivre comme nous et avec nous. Qu’ils aient choisi notre terre pour y prendre racine devrait nous rendre fiers et non pas nous faire peur.

— Lise Beauchemin

« Plus que jamais, faut qu’on se parle », éditorial de François Cardinal publié hier

Mon nom fait peur aux gens

Je me pose toujours la question : pourquoi les Québécois des autres villes (à part Montréal) détestent les musulmans ?

Je suis moi-même arabo-musulmane et j’ai vécu à Montréal de 2009 à 2014. Je travaillais et j’avais des amis et des connaissances de plusieurs nationalités, mais en déménageant à Sherbrooke, en septembre 2014, j’ai découvert une autre réalité.

D’abord, j’étais insultée plus de trois fois par jour à cause de ma religion. Il était presque impossible de développer des amitiés, sans parler de trouver un emploi, puisque personne ne donnait suite à mon CV, étant donné que mon prénom fait peur aux gens.

Ce que les gens doivent comprendre, c’est que le terrorisme n’a pas de religion ni de nationalité. Le suspect québécois de la tuerie de dimanche vient de le prouver.

Plusieurs de mes amis et connaissances ont quitté le Québec pour s’installer à Toronto ou à Edmonton et tous, sans exception, disent que la mentalité des gens là-bas est très différente de celle des Québécois. Ils n’ont pas regretté leur départ définitif du Québec.

J’espère qu’un jour, je ne regretterai pas d’être venue m’installer ici.

— Jihad El Fadeli

Terre des Hommes

« En 67 tout était beau, c’était l’année de l’amour, c’était l’année de l’Expo ! »

En 67, j’étais trop petite pour Terre des Hommes, mais on me racontait ces belles journées pleines de découvertes qui me rendaient tellement fière d’être Québécoise. Ce que j’ai entendu, et surtout retenu : la diversité, l’envie de découvrir ces nouvelles cultures, l’ouverture d’esprit, l’accueil, le sourire, mais surtout le respect des uns envers les autres !

Que s’est-il passé pour que, 50 ans plus tard, un tel geste se produise ? Avons-nous peur de perdre notre place ?

Pourtant, le Québec a de grands espaces et nous sommes tous résidants de cette planète. Rappelons-nous que nous vivons sur cette Terre des Hommes !

— Diane Lemieux, Saint-Lambert

« Silence, on tue… », texte de Mohammed Zaari Jabiri publié hier

Soigner le mal d’être

Oui, c’est la violence qui est latente et qui nous rattrape. Je suis réconfortée par vos dires et par votre choix de carrière, car les besoins de soigner le mal d’être et l’incompréhension de notre monde se feront par l’aide, l’écoute et l’amour !

N’oublions pas que le Québec a connu d’autres tragédies, comme Polytechnique, l’Assemblée nationale et l’attentat du Métropolis. Investissons-nous pour la paix, les soins du corps et de l’esprit.

« Je souhaite que mon Seigneur me guide et me mène plus près de ce qui est correct. » — Lecture de la Sourate Al Kahf du Coran

Moi aussi, je prie mon Seigneur afin que la paix vienne sur notre monde.

— Lorraine Scheffer, Saguenay

Un terroriste québécois

Si par un dimanche matin, un musulman était entré dans une église et avait tiré dans le dos des fidèles, comment aurait-on traité le cas ? La très grande majorité aurait parlé d’un terroriste islamique. Alors dans ce cas-ci, n’ayons pas peur des mots : il s’agit d’un terroriste québécois.

— Daniel Labelle, Laurentides

« Lettre d’un simple Québécois », texte de Haleem Mohammad publié hier

Courage

Après être revenue, un peu, de la stupeur et de la peine causées par ce triste drame, je me dis aussi que ça pourrait provoquer un renversement de la méfiance envers ceux que l’on considère trop souvent comme « les autres ». Et le fait que, par les médias, nous pouvons mettre un visage, une identité, une âme sur les victimes, aide à mieux les comprendre et à sympathiser avec les familles, les amis. Bon courage !

— Marie-Anne LeBlanc

Une ville homogène et conservatrice

Québec est une ville beaucoup plus homogène dans sa composition et plus conservatrice. Le dire, c’est déjà essayer de trouver des solutions.

— France Hubert

Arrêtez de nous prendre de haut

Vous êtes tombé dans le piège qui amène ce genre d’actes haineux. Vous pointez les gens de la région de Québec comme étant fermés aux immigrants. La région de Québec n’a pas le monopole des actes haineux (Polytechnique, Dawson, etc.).

Vous me décevez au plus haut point avec votre analyse des faits, remplie de raccourcis trop faciles.

Prenez du recul ! Les gens de Québec ne porteront pas l’odieux de ce geste malheureux. Je demande aux Montréalais d’arrêter de nous prendre de haut ! On peut avoir des idées différentes de celles du Plateau sans pour autant être des terroristes ! Dois-je vous rappeler que le FLQ était un groupe terroriste de gauche…

— Michel Huot

OPINION ATTENTAT À QUÉBEC

Sur la route de l’église

Tu sais qu’il y a quelque chose d’anormal à Québec quand on voit davantage de piétons que d’autos dans ses rues. Je venais de débarquer à la gare d’autobus de Sainte-Foy. La foule, ça doit être pour le rassemblement en hommage aux victimes. Je m’y suis mêlé.

Au départ, je devais participer à une conférence sur le « vivre ensemble » le soir même dans ce qu’on m’a décrit comme l’école la plus multiethnique de la ville. Conférence évidemment reportée. Il y a des élèves directement touchés par l’attentat. Le silence vaut parfois mieux que les beaux discours. Même si, évidemment, je cherchais comme tout le monde à tendre la main, à dire quelque chose.

Je ne savais ni quoi ni comment. Depuis la veille, je pestais contre tous ceux qui n’arrivent justement pas à se la fermer. Qui veulent en découdre. Les bons sentiments, d’accord, les « pensées et prières », ça peut faire du bien. Mais tous ces experts patentés qui, en 140 caractères, ont encore une fois tout compris. Ces dépendants du like qui veulent montrer à la planète qu’ils sont du bon côté de l’histoire. Ces juges de tribunaux virtuels qui ont déjà identifié et condamné les coupables. Tous ces gens qui défendent la paix avec des cris de guerre.

— La mosquée, est bien par là, madame ?

— Oui, suivez le monde, là là… sur la route de l’Église.

La réponse m’a apaisé.

La route de l’Église, je connais ! Et l’église de la route aussi. Un édifice moderne, en forme de triangle, à l’architecture excentrique de ces églises construites pour séduire les enfants des boomers qui n’y sont finalement jamais allés. Dans ma jeunesse, cette route m’amenait vers le centre sportif où se déroulaient mes compétitions d’escrime.

À la vue de son pignon bizarre, je savais qu’on n’était plus qu’à quelques minutes de retrouver ces amis que j’ai connus suffisamment tôt pour ne jamais développer de préjugé défavorable envers les gens de Québec. 

C’était bien avant Facebook, c’était la belle époque où, à Montréal, on n’avait aucune idée qui était André Arthur et où on ne connaissait pas en temps réel l’opinion de tout un chacun sur tout et rien. Et c’était bien avant qu’il y ait une mosquée dans cette ville.

Je suivais la foule qui se dirigeait vers la mosquée. Il y avait des jeunes familles avec des enfants, plein d’ados, des vieux, des immigrants aussi, mais avec tous ces manteaux et tuques, ça ne sautait pas aux yeux. Il y avait aussi, sûrement, des gens en deuil d’amis et de parents, morts d’avoir voulu prier sans déranger quiconque.

La foule marchait de plus en plus serrée, et, pardonnez-moi si ce ne sont pas les mots justes, mais ils déambulaient dans une sorte de bonne humeur. Je ne les blâme pas, j’étais content d’y être aussi, de faire partie d’une manifestation publique, d’une messe collective… C’est un peu de ça que je voulais parler aux parents de cette école lors de ma conférence.

Je voulais répondre à cette question à la fois si simple et si compliquée : comment fait-on pour vivre en paix entre gens de différentes cultures ?

Ma réponse n’est pas scientifique ni très précise, mais je suis convaincu que c’est en faisant des choses ensemble sans mettre tout le monde dans le même paquet. Ici, on était ensemble.

Au bout de la route, une église. Mais ce n’est pas celle de mon souvenir. C’est une vieille église en pierre, abandonnée et éventrée. Je finis par comprendre que la mosquée est en face, dans une ancienne caisse populaire. C’est là, ce centre culturel musulman où un abruti a commis le terrifiant crime haineux que vous savez. Un geste d’abruti et de haine que les gens sont venus dénoncer par plusieurs milliers ce soir.

Il ne faisait pas chaud. Des gens déposaient des fleurs et des mots, allumaient des bougies, poirotaient un peu, et avec leur téléphone, prenaient une preuve de leur présence. Des médias rôdaient, posaient les mêmes questions pour obtenir les mêmes réponses. Quelques jeunes distribuaient du chocolat chaud tiède, mais « dans mon âme, il brûle encore à la manière d’un feu de joie ».

Sur le chemin du retour, je prends la direction inverse vers mon hôtel. Google Maps dit 1,4 km. Ça me fera du bien, le vent froid s’occupera de mes larmes. Quelques minutes et je me retrouve complètement seul sur le trottoir enneigé. Les gens ont repris leur char ou sont montés dans le métrobus, et d’autres se sont arrêtés manger une poutine chez Valentine. Les choses sont en apparence redevenues normales dans la belle ville de Québec.

Tout d’un coup, au loin apparaît « mon église ». Elle est illuminée, une lanterne dans l’obscurité. Ce n’est plus une église. Mais elle n’est ni abandonnée ni éventrée : elle est remplie de livres.

De l’extérieur, la bibliothèque me semble absolument magnifique. Sur son mur, une citation de Monique Corriveau, l’écrivaine qui lui a donné son nom : « Écrire est un acte de foi, une main tendue ».

J’avais, sur cette route, retrouvé la foi en mon Québec. Et fort de cet optimisme, je me disais qu’un jour c’est vers cette église-ci que toute cette foule convergera.

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