Opinion

Tennis électronique ?

Pandémie oblige, on a remplacé les juges de lignes par des robots. Une forme d’intelligence artificielle dont le mot « artificiel » est la principale caractéristique, malheureusement.

J’ai eu le plaisir d’assister, la semaine dernière, au tournoi de tennis féminin organisé par Tennis Canada à Montréal.

La pandémie a changé beaucoup de choses dans les festivals, spectacles et activités extérieures : masques, stades à moitié vides, restauration quasi inexistante, proximité réduite avec les autres spectateurs et les joueuses, etc. Curieusement, ce qui m’a le plus dérangé dans ce tournoi de tennis, ce sont les cris d’effroi du système automatique de jugement de lignes !

J’ai passé une grande partie de mon adolescence à jouer, enseigner, arbitrer, compétitionner et même entretenir des terrains de tennis. Dès que j’ai pu, je suis devenu un abonné du tournoi de Montréal et je rêve encore d’aller voir des matchs à Wimbledon, Roland-Garros et Flushing Meadows !

Bien que le tennis professionnel soit devenu un cirque-spectacle, il n’en demeure pas moins que les matchs de tournois, eux, sont demeurés les mêmes affrontements qu’il y a 100 ans.

Deux personnes, ou quatre, doivent démontrer habileté, ténacité et constance pour pouvoir jouer un autre match en espérant gagner la finale où gloire et admiration constituent la récompense ultime. Évidemment, bien des choses ont changé depuis que j’ai gagné mon dernier trophée haut de 12 centimètres, en bois et en métal doré ! L’entraînement des joueuses, les raquettes et surtout la récompense pécuniaire ne sont plus les mêmes…

À Montréal du moins, il y avait une chose qui n’avait pas encore changé : l’arbitrage des matchs. En fait, il faudrait plutôt parler de la façon dont on juge les balles pour savoir si elles sont tombées sur le terrain ou à l’extérieur des lignes qui le délimitent. Pandémie oblige, on a remplacé les humains qui, dans un travail de concentration extrême, jugeaient les balles qui côtoyaient les lignes de très près. Un travail de plus en plus difficile compte tenu de la rapidité folle que les joueuses donnent à ces balles, martelées avec des raquettes devenues des armes de précision et de balistique explosive.

Au lieu des gestes convenus et des appels somme toute assez discrets que nous donnaient les juges de lignes, on a eu droit à des cris automatisés reliés à un logiciel analysant les images des multiples caméras fixes qui balisent maintenant le terrain.

Une forme d’intelligence artificielle dont le mot « artificiel » est la principale caractéristique, malheureusement. Une partie de tennis extérieure est influencée par de multiples facteurs humains et naturels : le soleil, le vent, la chaleur, la pluie, la fatigue, la concentration, l’attitude des gens qui assistent au match, etc. L’arbitre et les juges de lignes font aussi partie de l’expérience humaine du match. Leur voix, leur attitude, leur habileté colorent le match pour le meilleur et parfois pour le pire. Ils forment une variable humaine qui bonifie l’expérience d’assister à ce spectacle enlevant qu’est le tennis professionnel. Or, la semaine dernière, on a plutôt eu droit à une expérience robotisée d’arbitrage, un genre de mauvais jeu vidéo. Même l’arbitre de chaise n’a jamais osé contredire la machine qui, pourtant, a de toute évidence commis quelques erreurs, rendant parfois son verdict après de longues millisecondes qui parurent des éternités. Et que dire de ces abominables cris toujours pareils, parfois inutiles, parfois absents et constamment vides d’humanité !

J’aime le tennis comme j’aime le théâtre, avec une part d’inconnu, d’imprévisibilité et de suspense. Les juges de lignes, qu’on a remplacés par des robots, faisaient partie de cet ensemble qui rend le spectacle encore plus intéressant. De grâce, revenez-nous l’an prochain avec plus d’humanité dans l’arbitrage et moins d’artificiel, fasse-t-il moins d’erreurs !

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