Les couples et les finances

Solutions pour situations délicates

Les finances causent des remous dans votre couple ? Les discussions sur l’argent sont difficiles ? Quelles sont les solutions ? Deuxième volet de notre série sur les finances et le couple.

Une cigale et une fourmi

La source du problème

Une situation typique : Ma tendre moitié vit dans le moment présent et achète tout ce qui lui fait envie, tandis que moi, j’économise pour la retraite et d’autres projets. Quand vient le temps de payer un appareil orthodontique aux enfants ou d’investir dans des REEE, il n’a pas d’argent et souhaite que je paie sa part. C’est injuste, non ?

Les solutions

« Il faut découvrir pourquoi ce système s’est installé au sein du couple, affirme Vincent Quesnel, sexologue et psychothérapeute. Le futur est synonyme d’une grande angoisse existentielle pour les deux, toutefois ils ne cherchent pas à l’apaiser de la même façon. Réaliser individuellement d’où cela leur vient les aidera à faire des prises de conscience positives pour s’améliorer et rendre la dynamique plus harmonieuse. »

Ce point de vue est entièrement partagé par la thérapeute familiale Leila Serrar. « Il faut comprendre pourquoi l’autre veut épargner. Y a-t-il une insécurité ? Si tu as de l’empathie, c’est plus facile. Sinon, tu restes sur ta position. »

Heureusement, assure-t-elle, il y a moyen de se rapprocher en prenant conscience de la vision de l’autre. « À partir des positions opposées, on trouve un juste milieu. Plutôt que de se séparer, il faut en arriver à une entente gagnant-gagnant extraordinaire. »

Cela dit, même si on comprend l’autre, il faut finir par faire quelques calculs.

Le conjoint qui est le plus habile avec les finances devrait gérer le budget du couple, recommande Antoine Chaume, planificateur financier chez Lafond + Associés. « Il faut faire un budget pour voir où l’argent est dirigé, avec une structure claire, en déterminant le pourcentage d’épargne que l’on veut faire. Après les dépenses de la famille et l’épargne, le reste est divisé en deux et chacun dépense sa part à sa guise. »

La fourmi automatique

« La solution est de mettre en place des virements automatiques pour le REEE, les REER, le CELI, tranche la conseillère en sécurité financière Nathalie Lacharité. Ensuite, la personne va vivre avec ce qu’il lui reste. Elle va devenir une fourmi de façon automatique. Il faut que les REEE, REER et CELI soient considérés comme des dépenses courantes. »

Quand ce sera le temps de payer pour l’appareil orthodontique du petit dernier, l’argent sera pigé dans les CELI afin que les deux conjoints partagent la facture équitablement, précise-t-elle.

Et si la cigale refuse un tel scénario ? « Si la négociation n’est pas faite en amont, elle va arriver au moment de payer la facture des broches », fait remarquer la conseillère en sécurité financière. Mettre les choses au clair avant l’arrivée des grosses dépenses permet souvent d’éviter les crises au sein du couple, voire de coûteuses séances de thérapie.

Les dépensiers « ne sont pas connectés à la vie réelle », observe Leila Serrar dans sa pratique. Mais il y a de l’espoir. Car la thérapie, dit-elle, amène les gens « à devenir plus réalistes, plus sages, à comprendre leur inconscient, la source de leur conception ».

Chercher de l’aide

Il faut parler de sa philosophie par rapport à l’argent le plus tôt possible dans une relation et sans se juger, estime pour sa part François Bibeau, notaire, médiateur familial et président de la Chambre des notaires du Québec.

« Si les différences sont trop fondamentales, il y a des gens qui décident de ne pas se marier. Il est clair que la cigale va tout récolter au divorce et que la fourmi va être encore plus frustrée. Si on met tout dans le même pot, ça ne va pas aider, ça va exacerber le problème. »

François Bibeau recommande aux couples d’essayer de se constituer un patrimoine de base égal. Pour y arriver, des professionnels peuvent vous aider.

« N’hésitez pas à aller chercher de l’aide auprès d’un conseiller juridique, d’un notaire, d’un comptable ou d’un avocat pour bien planifier les choses. Par exemple, vous pouvez faire une convention d’union de fait ou vous pouvez faire un contrat de mariage de séparation de biens pour ce qui n’est pas dans le patrimoine familial (immeuble à revenus, options d’entreprise). »

Un contrat de mariage peut aussi régler « une certaine partie du problème », conclut le notaire.

C’est un cas « qui se règle facilement » si la personne a la réelle intention de rembourser dans des délais raisonnables, juge par ailleurs Nathalie Lacharité. Il suffit alors de faire des virements automatiques en incluant des intérêts, si désiré.

J’habite dans sa maison

La source du problème

Une situation typique : J’ai déménagé dans la maison de ma conjointe. Elle paie l’hypothèque et moi les comptes, ce qui fait mon affaire, car il s’agit d’une aubaine. Mais elle investit dans un bien qui procure du rendement et moi pas.

Les solutions

Quand l’un des conjoints habite dans la maison de l’autre de façon permanente ou temporaire, il importe de lui payer un loyer, car « il aurait des frais pour habiter ailleurs », juge Nathalie Lacharité. Ensuite, suggère-t-elle, on peut séparer les dépenses courantes par souci d’équité.

La situation n’est pas forcément désavantageuse pour celui qui paie l’internet et l’électricité, calcule pour sa part Antoine Chaume, planificateur financier. « Il fait une bonne affaire si les comptes coûtent 400 $ et l’hypothèque, 1000 $. Il y a une économie de 600 $ qui est importante. »

Évidemment, dans un tel cas, l’expert conseille au conjoint d’investir la différence « dans des fonds immobiliers ou dans des fiducies immobilières ».

Cependant, si les comptes et l’hypothèque coûtent chacun 1000 $, « il y a une iniquité » pour la personne qui paie les comptes, car lors de la revente, le propriétaire de la maison fera un profit, tranche Antoine Chaume. L’un fait fructifier les 1000 $, tandis que l’autre les fait disparaître dès le paiement des comptes.

Aussi est-il important de préciser que la personne qui est responsable de l’hypothèque « doit être aussi responsable de toutes les réparations – le toit qui coule, le nouveau balcon –, car lors de la revente, la maison n’appartient qu’à un seul propriétaire », prévient Antoine Chaume. Un avis entièrement partagé par Nathalie Lacharité.

Racheter à quel coût ?

Quand la situation s’envenime, crée des chicanes et de la frustration, « le plus simple est de racheter une autre maison 50-50, insiste Nathalie Lacharité. Ce genre de situation où l’un paie l’hypothèque et l’autre les comptes est souvent une source de conflit ».

Mais il est aussi possible d’acheter une partie de la maison de sa douce moitié (selon la valeur actuelle du marché), et pas nécessairement la moitié. Ce peut être 20 %, 35 %… Dans ce cas, il importe de tout mettre par écrit dans un document notarié pour éviter les ennuis en cas de séparation, notamment. Il faut aussi rédiger un testament et un mandat d’inaptitude, ajoute Mme Lacharité.

Tout transfert de propriété immobilière doit faire l’objet d’un acte de vente, de cession ou de donation, précise François Bibeau, président de la Chambre des notaires du Québec.

Il y a aussi plusieurs autres enjeux à considérer. « Si le conjoint rachète 25 % de la propriété, est-ce qu’il va payer seulement 25 % de l’hypothèque et l’autre, 75 % ? », illustre le notaire. L’autre option serait de payer le même montant, mais de se rembourser différemment à la revente de la maison.

D’ailleurs, il faut aussi déterminer ce que deviendra cette somme lors de la revente. « Le 50 000 $ investi dans une maison de 200 000 $ vaudra plus si la maison se vend 400 000 $, rappelle M. Bibeau. C’est comme si vous l’aviez mis dans un REER ou dans un placement. »

Le rachat d’une partie de maison suppose divers frais comme ceux du notaire et les droits de mutation immobilière (« taxe de Bienvenue »). Certains vont donc opter pour une convention notariée qui précise que le conjoint non propriétaire verse d’un coup un montant à l’autre. De l’argent personnel qu’il a accumulé.

Par contre, dans cette situation, le conjoint dont le nom est sur l’hypothèque demeure responsable vis-à-vis de l’institution financière et, s’il veut vendre ou réhypothéquer la maison, l’autre n’aura aucun droit, prévient François Bibeau.

« La convention ne libère pas également de l’obligation de signer une nouvelle hypothèque et un acte de cession plus tard », précise-t-il.

Le prorata de deux façons

Une fois qu'on s'est entendu pour répartir les dépenses au prorata des revenus, reste à voir de quelle façon on fera le calcul. Voici les deux suggestions de Nathalie Lacharité.

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