Liban

Une oasis de paix au cœur de la tourmente

Situées à plus de 2000 m d’altitude, les pistes de la station de ski Mzaar Kfardebian sont le rendez-vous de dizaines de milliers de skieurs libanais chaque hiver. Plus qu’un simple repère pour les sportifs, les sommets enneigés du pays sont, pour les Libanais, une échappatoire face à l’instabilité politique et sécuritaire du pays.

KFARDEBIAN — « Dieu merci il n’y a pas de politiciens sur les pistes ! », s’exclame d’emblée Ali Issa. En hiver, ce planchiste de 28 ans à la barbe fournie et au sourire enfantin passe tout son temps libre sur les pistes de ski du Mzaar Kfardebian.

« On vit ici tout l’hiver. Tout le monde est heureux ici. On n’est pas affecté par la situation du pays », ajoute-t-il.

Il n’est que 8 h 30 et des milliers de skieurs ont déjà pris d’assaut les pistes de la station. Son directeur, Christian Rizk, observe avec attention le flot de visiteurs qui arrivent. « Les week-ends, on accueille jusqu’à 8000 personnes », affirme-t-il. 

« Bien sûr, comme tout au Liban, nous sommes affectés par la situation politique du pays, mais la majorité de notre clientèle est libanaise et est habituée à l’instabilité », ajoute M. Rizk sur un ton optimiste.

Il faut dire qu’entre les assassinats politiques, la guerre de 2006 avec Israël et le conflit syrien aux portes du Liban, le pays du Cèdre a connu son lot d’épisodes violents depuis la fin de la guerre civile (1975-1991).

Monitrice de ski depuis 30 ans, Désirée Saade a connu les pistes du Mzaar Kfardebian durant les années les plus sombres du pays.

« Pendant la guerre civile, les gens qui avaient des chalets venaient à la montagne parce que c’était calme. Il n’y avait pas d’électricité donc nous montions la montagne à pied, avec nos skis sur le dos. Nous n’avions pas d’essence ni de pain, mais le ski était notre plaisir », se souvient-elle.

Malgré une paix relative depuis la fin du conflit, les tensions entre communautés religieuses persistent. La station de ski n’a d’ailleurs pas été épargnée en janvier 2013 lorsque le sheikh Assir, un musulman sunnite controversé originaire du sud du pays, a décidé d’organiser une visite touristique des pistes accompagné de dizaines de partisans. Attisant la colère des habitants de la région chrétienne qui n’ont pas hésité à bloquer les routes menant aux pistes.

MOTEUR ÉCONOMIQUE

Avec plus de 100 000 visiteurs chaque année, dont plusieurs touristes des pays arabes, la station de ski Mzaar Kfardebian, située au cœur du mont Liban, est également le moteur économique de la région.

Pour les commerçants de la ville de Kfardebian, l’ouverture des pistes cette année est un véritable soulagement. L’année dernière, la saison de ski avait été annulée faute de neige, infligeant des pertes de plus de 3 millions à la petite municipalité. Une première en 25 ans.

Assise devant sa petite épicerie, à quelques kilomètres des pistes seulement, Rosie Salameh accueille ses clients, des skieurs pour la plupart. « Ici au village, la neige, c’est le travail. L’année dernière, nous avons eu 90 % moins de clients à cause de la sécheresse », explique la propriétaire.

Le maire de la municipalité, Wassim Mhanna, appréhendait lui aussi une autre saison sans flocons. Les premières chutes de neige sont pour lui et sa communauté un véritable cadeau du ciel. « Avec la guerre en Syrie, nous avons beaucoup moins de touristes. Nous avons donc besoin de la saison de ski. Lorsque les pistes sont ouvertes, tout le pays travaille et les Libanais sont heureux », explique-t-il en observant les skieurs monter dans les télésièges.

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