Transition énergétique

Le Québec a-t-il l’ambition d’être un leader mondial ?

La campagne électorale au Québec a débuté, et on s’attend bien sûr à ce que des enjeux touchant à l’environnement et à la transition énergétique soient abordés. Parmi ceux-là, il y a le rôle que peut jouer le Québec dans le contexte plus large du monde.

Absent de la géopolitique de l’énergie, qui s’est structurée autour du pétrole et du gaz depuis plus d’un siècle, le Québec a aujourd’hui la possibilité de devenir un acteur de choix à la faveur de la transition vers des énergies renouvelables.

Besoins accrus en minéraux

Avec cette transition énergétique déjà bien lancée, nous aurons de plus en plus recours aux batteries, aux panneaux solaires et aux éoliennes, qui ont une caractéristique commune : ils nécessitent beaucoup de minéraux.

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) de même que la Banque mondiale indiquent que pour arriver à un monde décarboné en 2050, la production de plusieurs minéraux devra augmenter d’au moins 500 % 1.

Par exemple, les véhicules électriques, dont la demande devrait être multipliée par six d’ici 2030, exigent six fois plus de minéraux qu’un véhicule à essence. Quant à elle, la production d’un térawattheure d’électricité de source éolienne, priorité actuelle du Québec, exige 200 % plus de minéraux que la production à partir d’une centrale au gaz2.

Les besoins sont gigantesques et les États l’ont compris. Depuis quelques années, pour combler ces besoins, les gouvernements des États-Unis, de l’Union européenne, de l’Australie, du Québec et bientôt du Canada (en consultation sur cet enjeu jusqu’au 15 septembre) se sont dotés de stratégies visant à accroître leur production nationale et à bâtir des chaînes d’approvisionnement fiables, hors du giron de la Chine.

C’est que le géant d’Asie, alerte l’AIE, contrôle de grands segments de la production et du raffinage des minéraux. Si bien que la Chine contrôle notamment 80 % de l’industrie mondiale des panneaux solaires3, avec des pratiques environnementales et sociales bien en deçà des normes internationales.

De son côté, le Québec est, on le sait, une puissance minière. Il détient de généreuses réserves de minéraux nécessaires à la transition énergétique : lithium, graphite, nickel… De plus, l’industrie québécoise, ayant appris des erreurs du passé, s’est dotée de pratiques environnementales et sociales parmi les plus exigeantes au monde. C’est un atout, car plusieurs acheteurs voudront s’assurer de la transparence et du caractère éthique de ces approvisionnements.

La course mondiale pour les minéraux est engagée, et les premiers à se faire une place, en extraction et en transformation, auront un avantage marqué sur leurs compétiteurs.

Malgré ce potentiel commercial et les atouts indéniables du Québec, dont son hydroélectricité pour atténuer les externalités environnementales des activités minières, on n’observe pas chez les partis politiques en campagne électorale d’intérêt ou de mobilisation pour faire du Québec un acteur névralgique de la transition énergétique à l’échelle continentale et mondiale.

Hormis le milieu minier et ses partenaires, le Québec dans son ensemble semble peu au fait de cette opportunité de s’asseoir à la table des acteurs influents.

D’où l’intérêt de débattre plus à fond de cet enjeu. Car on le sait, il est de plus en plus difficile dans les pays développés de bâtir des projets et des infrastructures énergétiques. Le seuil de l’acceptabilité sociale est plus élevé.

La question doit donc être posée : voulons-nous ou non davantage d’activités minières au Québec pour soutenir la transition énergétique ?

Les partis politiques devraient indiquer s’ils ont l’ambition de conscientiser la population sur les enjeux liés à la contribution que le Québec peut faire dans cette transformation majeure du paysage énergétique mondial requise par la décarbonation.

Les programmes des partis politiques du Québec donnent pour le moment assez peu d’espace à cette question. La campagne électorale actuelle offre pourtant une belle occasion aux citoyens, aux médias et à la société civile de vérifier la nature et l’ampleur de leur engagement et de leur ambition sur cette question importante pour le positionnement du Québec dans la nouvelle géopolitique mondiale de l’énergie.

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