Amélioration du suivi obstétrical

Québec crée un « avis de grossesse provincial » informatisé

Une Québécoise enceinte sur quatre n’est pas suivie dès son premier trimestre de grossesse. Pour remédier à ce problème, le gouvernement du Québec vient de créer un « avis de grossesse provincial » informatisé que toutes celles qui attendent un enfant sont vivement invitées à remplir, y compris les femmes qui n’ont pas de carte d’assurance maladie.

Les buts : permettre à toutes les femmes de connaître les services et les professionnels de la santé près de chez elles, leur fournir au besoin des coupons d’alimentation et s’assurer de façon générale que toutes les grossesses commencent du bon pied.

Le service baptisé Ma grossesse, qui fera l’objet d’une annonce officielle dans quelques jours, est déjà ouvert et est en cours de rodage, a confirmé à La Presse le cabinet de Lionel Carmant, ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

Consultez le site Ma grossesse

Une telle initiative était réclamée de longue date par les experts. C’était aussi l’une des premières recommandations de la commission Laurent, créée dans la foulée de la mort tragique de la fillette de Granby.

Québec espère ainsi rejoindre particulièrement les femmes vulnérables, trop nombreuses à être isolées pendant leur grossesse.

« Vous sentez-vous parfois ou souvent seule ? » « Quel est votre plus haut niveau de scolarité complété ? » « Avez-vous parfois de la difficulté à payer votre épicerie ou votre loyer ? » « Avez-vous certaines difficultés dont vous aimeriez parler avec une professionnelle ? »

Telles sont quelques-unes des questions posées aux femmes qui rempliront l’avis. Si une femme se retrouve dans l’une ou l’autre de ces situations, une intervenante la contactera.

L’objectif principal est la prévention auprès des plus démunies. En repérant les femmes vulnérables, on pourra les informer des services offerts par les CLSC, dont les rencontres prénatales et le soutien post-partum.

Une liste de médecins

Mais l’idée est que toutes les femmes s’inscrivent. Car même celles qui ont de la chance dans la vie et qui sont bien entourées ont très souvent la mauvaise surprise, en début de parcours, d’apprendre que leur médecin de famille ne fera pas leur suivi de grossesse (une pratique jugée de plus en plus compliquée en raison des dépistages poussés et des grossesses tardives).

Le programme prévoit donc en parallèle la constitution d’une liste de professionnels de la santé qui y consentent.

Même celles qui sont déjà suivies sont invitées à remplir l’avis de grossesse afin de permettre une meilleure planification des services prénataux. En prenant la peine de le faire, dit le gouvernement, « vous permettez aux établissements de la santé et des services sociaux de mieux connaître les services nécessaires pour l’ensemble des femmes enceintes, des nouveau-nés et des jeunes familles du Québec ».

Mais la grande question, note Laurence Sauvageau, pharmacienne à Montréal, reste de savoir si les médecins s’inscriront sur la liste.

« C’est beau, ce projet. Cette porte d’entrée [dans le système] amène de l’espoir », mais à condition que les médecins soient de la partie, fait observer Laurence Sauvageau.

Comme les pharmaciens sont les professionnels les plus disponibles, c’est très régulièrement vers eux que se tournent les femmes enceintes pour qui c’est la croix et la bannière pour voir un médecin. « On peut les aider pour ce qui a trait aux nausées, aux vomissements et aux vitamines », mais cela n’équivaut pas à un réel suivi de grossesse, note-t-elle.

Un programme espéré depuis longtemps

Cela fait plus de quatre ans qu’un tel système est réclamé. Ces dernières années, certaines régions, comme l’Estrie et Québec, se sont dotées de tels programmes locaux, mais qui, dans certains cas, étaient rudimentaires (le fameux télécopieur, quoi).

Devant la commission Laurent, en 2019, Nathalie Garon, directrice du programme gouvernemental jeunesse-famille en Mauricie, avait plaidé en faveur de l’implantation d’un tel avis de grossesse partout au Québec. Avant même la naissance d’un enfant, il faut « dépister les difficultés chez la mère et chez le couple », disait-elle. C’était là, selon elle et d’autres experts, un « incontournable » pour agir en protection de la jeunesse.

Si un suivi pendant le premier trimestre est capital, c’est que c’est notamment à cette période que sont entrepris les dépistages pour la trisomie, mais aussi pour le VIH chez la mère. Quand une trithérapie est entreprise dès le début de la grossesse, il y a de très bonnes chances que l’enfant naisse sans en être atteint.

Il est aussi important, dès le début de la grossesse, que les femmes enceintes puissent être conseillées en matière de nutrition et d’arrêt tabagique ou obtenir de l’aide si elles consomment des drogues.

En 2014, l’Agence de la santé et des services sociaux plaidait déjà pour que toutes les femmes soient suivies dès leur premier trimestre de grossesse. « L’accès au suivi médical de grossesse est souvent en deçà des pratiques recommandées », écrivait alors l’Agence dans un avis.


EN SAVOIR PLUS

31 % , Proportion des Montréalaises qui n’ont aucun suivi de grossesse au premier trimestre
Source: SOURCE : ÉTUDE DE ROXANE BORGÈS DA SILVA ET MIKE BENIGERI, ANALYSE DU DÉLAI DU PREMIER SUIVI MÉDICAL DE GROSSESSE DANS LE CADRE DU PROJET D’IMPLANTATION D’UN SYSTÈME D’AVIS DE GROSSESSE À MONTRÉAL (2020)

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