À chacun ses victoires
« C’est sûr qu’on n’a pas eu le résultat, mais il faut que tu fasses attention à la façon dont tu mesures le succès. »
Pour un coach dont l’équipe venait de perdre 4-2, sur un but vainqueur précédé d’une erreur des officiels, Martin St-Louis avait plutôt fière allure.
Perdre la tête haute est une chose, et c’est ce que le Tricolore a accompli en ce mardi soir. Après tout, tenir le coup pendant 57 minutes contre une machine de hockey digne du Canadien de 1977, des Red Wings de 1996 ou des Chevaliers de Lévis de 2019, c’est honorable.
La performance du CH a paru encore plus impressionnante quand l’armée d’éclopés de l’équipe a quitté le Centre Bell devant les journalistes qui attendaient l’ouverture des portes du vestiaire. Une orthèse ici, une botte protectrice là. De Cole Caufield à Kaiden Guhle en passant par Sean Monahan, le défilé était impressionnant.
Ajoutez à ces circonstances atténuantes le fait que la mesure du succès du Canadien, comme St-Louis l’évoquait, n’est pas celle d’une équipe sportive normale. Après tout, son patron, Kent Hughes, n’a-t-il pas dit que « les victoires sont bonnes jusqu’à un certain point » ? Ça prend un contexte bien particulier pour qu’un dirigeant sportif s’exprime ainsi, mais nous voici à Montréal en 2023.
C’était tout le contraire dans le vestiaire adverse. La mesure de succès des Bruins de Boston n’est pas bien compliquée : elle se fait en victoires et en points. Ce triomphe porte leur fiche à 38-5-4 ; jamais, dans l’histoire de la LNH, une équipe n’a atteint la marque des 80 points aussi rapidement qu’eux, qui disputaient mardi leur 47e match.
« Il y a plusieurs choses qu’on aurait pu faire mieux et que l’on va corriger, a dit Patrice Bergeron. Je suis fier de la résilience qu’on affiche chaque soir. »
« On trouve des manières de gagner. C’est pour ça qu’on est là, gagner des matchs. »
— Patrice Bergeron
De son côté, le CH veut bien en gagner, des matchs, mais a d’autres chantiers à faire progresser. D’un point de vue collectif, St-Louis a souvent souligné que son équipe s’était « perdue » pendant son atroce voyage des Fêtes. Un regain était essentiel, pour éviter que le spectre de la saison dernière ne refasse surface.
« Il y a trois semaines, on était au plus bas, a rappelé St-Louis. On a trouvé une manière de se réparer, même de devenir une meilleure version de nous-mêmes qu’avant. Je crois que le groupe est capable de grandir. »
Et d’un point de vue individuel, l’équipe doit aussi faire progresser une vingtaine de joueurs, que ce soit pour aider à long terme ou pour servir de monnaie d’échange au DG dans les prochaines semaines.
Deux chantiers sont particulièrement cruciaux. Devant le filet, bien sûr, où Samuel Montembeault continue à aligner les performances étonnantes. Puis, au centre.
Hughes a fait l’acquisition de Kirby Dach pour raplomber sa ligne de centre, et en première moitié de saison, c’est plutôt à l’aile que Dach connaissait du succès. Mais la perte de Jake Evans a forcé le retour du grand Albertain au centre, et cette fois, l’expérience se veut nettement plus concluante qu’en octobre. On pourrait parler de ses deux buts, mais son temps d’utilisation de 23 min 59 s parle encore plus. C’était la première fois de la saison que Dach était le joueur le plus utilisé de son camp dans un match.
« Je me sens bien au centre. Je n’ai jamais senti que c’était étrange, car c’est ma position naturelle. J’ai du plaisir et je joue librement », a décrit Dach.
« Il amène beaucoup de constance ces temps-ci, a ajouté St-Louis. Tu vois un joueur qui fait montrer son potentiel. C’est dur… Il faut t’aies de la constance pour convaincre le monde de ton potentiel. »
Ce sera le prochain défi de Dach, la constance. En cinq matchs depuis qu’il est au centre, il compte cinq points. S’il connaît une fin de saison couci-couça, cette série de matchs ne sera qu’anecdotique.
S’il la termine en force, on verra ces matchs de janvier comme un possible début de quelque chose. Et c’est justement dans plusieurs mois que l’on saura si ce que cette organisation mesure comme étant du succès en était vraiment.
Prochain match : Red Wings de Detroit c. Canadien, jeudi à 19 h au Centre Bell