6 de 14 La relève du Québec pense l’après-COVID-19

Miser sur la démocratie de proximité

La relève du Québec, en provenance des sciences naturelles, humaines et sociales, propose une réflexion sur les nombreux défis qui attendent la société québécoise pour affronter la crise de la COVID-19 et en sortir*.

Alors que les politiciens et les experts en appellent à une action vigoureuse de l’État pour surmonter les défis qu’impose la COVID-19 à la société québécoise, les villes disposent néanmoins d’une autonomie leur permettant de contribuer activement à cet effort collectif.

En 2017, l’Assemblée nationale a adopté effectivement une loi qui reconnaissait les municipalités en tant que gouvernements de proximité. La même année, Montréal a obtenu son statut de métropole. Un an auparavant, Québec a accédé au rang de capitale nationale.

Ces changements législatifs visaient à redéfinir le statut des villes au sein de l’État québécois. Ils leur octroyaient des pouvoirs accrus en matière d’urbanisme et de développement local. Ces lois leur conféraient aussi de nouveaux pouvoirs de taxation. Les contrôles administratifs exercés par le gouvernement du Québec sur l’action des municipalités étaient également réduits. Montréal se voyait attribuer une capacité d’action supplémentaire dans le secteur de l’immigration et du développement économique, tandis que Québec recevait de nouveaux pouvoirs dans le champ du patrimoine.

Le temps où les villes étaient envisagées comme des « créatures du gouvernement », c’est-à-dire des entités assujetties à sa volonté, semblait révolu. Désormais, elles formeraient un ordre de gouvernement autonome aux yeux de Québec.

Les promesses de la démocratie de proximité

L’attribution d’un nouveau statut aux villes peut être considérée comme une avancée démocratique. Elle permet aux citoyens d’exercer une prise plus importante sur le gouvernement de leur collectivité locale, par l’entremise de leurs institutions municipales.

Les fonctions qu’exercent les villes les amènent à bâtir des liens privilégiés avec leurs citoyens, ainsi qu’avec les acteurs sociaux et économiques.

Cette proximité leur permet aussi de mieux tenir compte des besoins et des aspirations de leur collectivité.

Fortes de leur nouveau statut, les villes possèdent une capacité d’action grâce à laquelle elles peuvent orchestrer des stratégies de reprise économique adaptées à la réalité locale. Plusieurs d’entre elles ont déjà annoncé des plans de relance prévoyant notamment un soutien financier aux entreprises et la mise en chantier de projets d’infrastructures.

La pandémie suscite aussi des réflexions sur la place des aînés dans la société québécoise. Dernièrement, plusieurs municipalités se sont lancées dans l’élaboration de politiques familiales ou de développement social. Cet exercice se déroule en concertation avec des groupes communautaires et les partenaires du réseau de la santé et des services sociaux. La capacité des villes à former des réseaux d’acteurs et à coordonner leurs interventions contribue à la création de forums où des enjeux comme l’inclusion des aînés sont discutés. L’ouverture de tels espaces favorise alors le développement de services et d’activités complémentaires, taillés sur les besoins particuliers des collectivités locales.

En culture, les municipalités gèrent des bibliothèques, des salles de spectacles, des galeries d’art. Elles fournissent aussi un soutien financier et logistique aux organismes culturels. Plusieurs s’impliquent également dans la production d’évènements comme des festivals, des spectacles ou des projections cinématographiques. Elles sont donc bien outillées pour soutenir le redémarrage de la vie culturelle qu’attendent impatiemment les créateurs d’ici.

Une autonomie fragile

La contribution des municipalités à la reprise demeure toutefois tributaire de leurs ressources financières. Contrairement aux ordres de gouvernement supérieurs, leur pouvoir d’emprunt reste limité. La législation provinciale leur interdit aussi de présenter des budgets déficitaires. Simultanément, les villes s’attendent à une baisse des revenus issus de l’impôt foncier, qui représente leur principale source de financement, ainsi que des droits de mutation. Alors que les transports collectifs doivent être assurés, la baisse d’achalandage se traduit aussi par la réduction considérable des entrées provenant des frais d’utilisation.

L’ampleur de la participation des villes à l’après-COVID dépendra donc de l’aide financière que leur verseront les gouvernements provincial et fédéral.

En particulier, les réponses qu’apportera le gouvernement du Québec à leurs demandes révéleront la solidité du socle sur lequel repose leur autonomie récemment acquise.

S’il assortit le financement offert aux municipalités de conditions strictes, qu’il limite leur autonomie financière ou qu’il entend stimuler la reprise par des politiques centralisatrices, le gouvernement du Québec les transformera à nouveau en « créatures » soumises à sa volonté. En donnant aux villes un accès à des fonds suffisants ainsi qu’en respectant ses plus récents engagements à leur égard, le gouvernement du Québec pourrait consolider les bases d’une démocratie de proximité encore fragile.

* Ce dossier est coordonné par Catherine Girard, Isabelle Laforest-Lapointe et Félix Mathieu, respectivement de l’Université Laval, de l’Université de Sherbrooke et de l’Université du Québec à Montréal.

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