Par où déconfiner ?

Avec des hospitalisations en baisse et l’administration de la troisième dose de vaccin qui progresse, Québec pourrait bientôt annoncer de nouveaux allègements aux règles sanitaires. Par où devrait-on commencer, sans devoir ensuite revenir en arrière ? Quatre experts sondés par La Presse se prononcent.

« Ce ne sera pas le bar ouvert, on est encore loin de ça, il faut que les gens comprennent bien qu’on a encore un mois et demi facilement où il faudra être très vigilants. Mais en étant précautionneux, je pense qu’on peut entamer un retour vers la vie normale », lance la Dre Marie-Pascale Pomey, spécialiste en politiques publiques à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM).

Lundi, La Presse rapportait que Québec s’apprêtait à donner le feu vert à la reprise des activités sportives pour les jeunes le 31 janvier, jour où il envisage également de permettre la réouverture des salles à manger des restaurants et des rassemblements limités dans les maisons.

La Dre Pomey constate, comme la plupart des experts dans le monde, qu’une diminution de la transmission s’observe, mais surtout, que le monde « passe lentement d’une conception de la pandémie vers une endémie », qui se définit par la présence « habituelle » d’un virus dans une population.

« On voit aussi clairement une diminution de la transmission un peu partout, notamment en Europe, donc ce retour progressif à la vie normale, tant qu’il est vigilant et précautionneux, ça me semble logique.  »

— La Dre Marie-Pascale Pomey

Une idée de la séquence

Dans ce contexte, il semble « sécuritaire » de rouvrir plusieurs pans de la société, selon Mme Pomey, citant notamment les cinémas, les salles de spectacles – « qui ont très bien montré leur capacité de respecter les règles » –, mais aussi les restaurants, avec « des conditions strictes » et une « bonne aération ».

« L’ouverture des restaurants, à mon sens, ça aurait pu être déjà annoncé, étant donné l’atteinte du pic. Avec une capacité moindre, à environ 50 %, en demandant que les gens soient vaccinés et qu’ils comprennent qu’une table égale à une résidence, je ne vois pas où est le problème », glisse le virologue Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Le même principe de précaution devrait s’appliquer pour la reprise des sports et des activités parascolaires, juge l’expert.

« C’est sûr que le risque de transmission n’est pas négligeable, mais pour le bien-être des jeunes en particulier, ça devrait faire partie des mesures prioritaires. À un moment donné, il faut que la population puisse respirer un peu. Le sport, je pense que le gouvernement sait que ça fera certainement en sorte que la grogne sera moindre. »

— Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM

Tant Mme Pomey que M. Barbeau s’entendent aussi sur le fait qu’il semble légitime de proposer plus « d’ouverture » sur le plan des rassemblements privés, afin de permettre aux Québécois de se réunir à « au moins plus d’une résidence dans un même lieu », idéalement entre personnes vaccinées. « Pour l’instant, je laisserais malheureusement de côté les gyms et les bars, où les risques sont quand même un peu plus élevés », affirme toutefois Benoit Barbeau.

« Repartir quelque part »

Pour le président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec (ASMUQ), le Dr Gilbert Boucher, le défi du gouvernement sera de « trouver un juste équilibre » dans un contexte où « il y a encore beaucoup de transmission communautaire » et que « la vague n’est malheureusement pas terminée ».

« Les hospitalisations descendent et on est bien contents, mais c’est sûr que la pression sur le système n’est pas disparue. En même temps, il ne faut pas non plus attendre que nos hôpitaux soient vides, sinon, on va passer six mois confinés. Il faut repartir quelque part », ajoute le DBoucher.

Une chose reste inévitable : chaque déconfinement « est associé à un peu plus de transmission », poursuit-il.

« On sait par exemple qu’avec la réouverture des écoles, il y a une transmission liée à ça. Mais on ne peut pas rester bloqués pour toujours. Il faut trouver ce juste équilibre. »

— Le Dr Gilbert Boucher, président de l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec

Cet équilibre ne sera toutefois « vraiment pas simple à identifier », croit Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). « L’essentiel sera qu’on se donne un jeu d’au moins deux semaines entre chaque allègement, afin de réellement évaluer l’impact et ne pas devoir couler dans le béton des promesses. Il faut aussi tout de suite mettre tout ça entre parenthèses, en disant que si on ne voit pas une hausse marquée, on pourra alléger telle autre chose », avance-t-il. À l’instar de plusieurs, l’expert s’inquiète de l’effritement de l’adhésion aux mesures sanitaires. « Le gouvernement doit gérer ça. S’ils gardent le ton trop dur comme c’est le cas en ce moment, ça va en faire décrocher beaucoup trop », conclut-il.

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« Je crois que nous avons une capacité de lever quelques restrictions avant [la mi-février]. »

— Le directeur national de santé publique par intérim, le DLuc Boileau, indiquant vendredi dernier sur les ondes de Radio-Canada que le déconfinement « pourrait commencer avant [la mi-février] »

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