Critique de Live

Se sentir en vie avec Simon Gouache

« C’est irresponsable d’être ici », lance Simon Gouache à son public, aux deux tiers de son troisième spectacle, en le félicitant d’avoir pris le risque d’acheter un billet, sans savoir si l’humoriste avec qui il venait passer la soirée est encore drôle. Un risque qui aura été amplement récompensé mardi soir.

Longtemps, Simon Gouache s’est réveillé tard, un des inestimables avantages de la vie d’humoriste. Se lever à 8 h ? Seuls les agriculteurs se soumettent à pareil supplice, croyait-il. C’était bien sûr avant que Simon Gouache devienne père.

C’était aussi avant que Simon Gouache découvre « la meilleure émission de l’histoire de la télé », Salut Bonjour. Avec un mélange d’ironie taquine et d’authentique incrédulité, l’humoriste offre en lever de rideau une reconstitution de tout ce que la matinale de TVA a de surréaliste, un départ d’une explosivité digne de ce numéro sur le CrossFit qui l’avait révélé au Festival Juste pour rire en 2017.

Mardi soir, à l’Olympia, ça commençait fort. Très fort. Et s’il existait réellement des gens qui pensaient avoir pris un risque en se procurant un billet, leurs craintes se sont toutes apaisées après ces dix premières minutes d’anthologie, qui valent à elles seules le prix d’entrée.

Avec ce troisième spectacle baptisé Live, Simon Gouache renoue donc avec le modus operandi de ses deux premières tournées : parfaire un humour classique, presque conventionnel, mais en incarner la meilleure version possible.

La musique de big band au son de laquelle il est monté sur scène offre déjà un bon indice de la tradition dans laquelle il s’inscrit : celle d’un stand-up épuré, qu’il conjugue à une façon turbo énergique d’habiter l’espace et de donner à voir plusieurs des situations dans lesquelles sont enracinés ses numéros, sans jamais pourtant avoir l’air de celui qui court partout. Simon Gouache se déplace avec une telle aisance qu’on en oublie presque qu’il ne reste jamais au même endroit plus de 30 secondes.

Mis bout à bout, ses sujets ressemblent à une caricature de spectacle d’humour québécois, qu’il soit question de cabotinage à l’Assemblée nationale, des dangers du ski alpin ou des défis de la parentalité. Un problème ? C’en serait sans doute un ailleurs, mais pas ici.

Bien qu’il lui arrive de déconstruire certaines idées reçues (sur les applications de rencontres, notamment), c’est moins grâce à des flashs particulièrement originaux ou à des opinions étonnantes que Simon Gouache se tient à distance des poncifs, que grâce à sa manière précise (et précisément hilarante) de formuler ses idées et de ne laisser dépasser aucun fil.

Une question de rythme

Contrairement à nombre de ses camarades, Simon Gouache n’est pas vraiment un conteur, même si plusieurs de ses numéros se nourrissent de son propre quotidien de jeune père de deux enfants, qui s’est récemment installé en banlieue, après avoir passé toute sa vie à Montréal.

Entre l’observation et la satire sociale, l’humoriste de 38 ans tisse son fil rouge à travers des situations ayant en commun son personnage de gars jaloux de son confort, mis face à ses nombreuses lacunes lorsqu’il rencontre ses nouveaux voisins, très doués manuellement, ou lorsqu’il accompagne son amoureuse dans un restaurant gastronomique.

Un mot de plus et Simon Gouache pourrait parfois surjouer le nono, voire passer pour réac, des précipices qu’il évite en rappelant souvent être conscient que le problème, c’est lui, et non les autres. « C’est important d’être ouvert à la nouveauté », répète-t-il, un des lumineux leitmotivs de son texte, dont les idées maîtresses sont davantage suggérées que surlignées.

Sa connaissance des mécanismes et de l’histoire de l’humour le sert manifestement bien et, juste au moment où on aurait envie de lui reprocher d’un peu trop se moquer de son amoureuse (qu’il a cependant l’élégance de nommer par son prénom afin d’éviter de la réduire à un bête archétype), le douillet trentenaire revient à ses propres carences, à ses propres angoisses.

Pour qui a eu la chance d’assister à une représentation de rodage de Live en septembre dernier, il était particulièrement fascinant de constater combien ce qui était alors un très bon spectacle est désormais un spectacle presque parfait, un écart qui tient beaucoup à une grande maîtrise des silences et du rythme, ainsi qu’à ce sourire qui tue, l’arme secrète de Gouache.

« C’est vieux, ce qu’on fait là », s’émerveille-t-il vers la fin de la soirée en célébrant cette tradition singulière qui consiste à se réunir dans une même salle afin de laisser un étranger tenter de nous divertir. Son spectacle s’intitule tout simplement Live, non pas par paresse, mais parce qu’il y a peu de manières aussi puissantes de se sentir en vie que de rire autant.

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Live

Simon Gouache

En tournée partout au Québec

★★★★★★★★★


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