Mon clin d’œil
Nonobstant la clause nonobstant, tout va bien entre Trudeau et Legault.
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Édition du 24 janvier 2023,
section DÉBATS, écran 7
Nonobstant la clause nonobstant, tout va bien entre Trudeau et Legault.
Dans son article du 20 janvier dernier, Maria Lily Shaw présente l’assurance duplicative comme ayant un « double avantage », celui de permettre aux assurés d’attendre moins longtemps sur les listes d’attente et celui de réduire la pression sur le système public. Il est question d’un outil de protection du droit à la santé. Or, comment peut-on parler d’un droit à la santé si seulement une minorité de la population en profiterait ? Est-ce que les patients plus complexes, généralement plus âgés et plus vulnérables, n’ayant pas les moyens de se payer une assurance privée ont un droit moindre à la santé ?
Le mirage du « double avantage »
Au lieu d’utiliser la satisfaction des patients, examinons les données objectives des pays cités par Mme Shaw.
L’Australie, par exemple, a introduit un système privé parallèle en 1997 et les patients au public attendent aujourd’hui deux fois plus longtemps que ceux au privé pour leurs opérations2.
De plus, en raison des paiements directs, les citoyens du groupe socioéconomique le plus bas sont 37 % plus susceptibles de mourir de leur cancer que ceux du groupe socioéconomique le plus élevé3. Veut-on réellement ouvrir la porte à un tel scénario, profondément inéquitable, au Québec ?
Au Royaume-Uni, des chercheurs de l’Université Oxford en sont venus à la conclusion que l’augmentation de la sous-traitance au privé est significativement corrélée à l’augmentation des taux de mortalité4.
Augmentation de la pression sur le système public
Soyons clairs. Permettre l’assurance duplicative, c’est permettre à des gens de passer devant les autres. Or, cela ne crée pas de travailleurs et n’augmente donc pas la capacité de l’ensemble du système à exécuter plus d’opérations.
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre criant, où trouverons-nous les professionnels de la santé si nécessaires au réseau public quand le privé les embauchera ?
Récemment, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a examiné l’impact des soins de santé privés payants dans sa décision de 2020 sur l’affaire Cambie et a conclu que, selon les études, lorsque l’assurance duplicative est permise, les médecins réduisent leur temps et leurs efforts pour le système public. Cela mène nécessairement à une augmentation des temps d’attente pour les soins dans le système public. Il est simplement faux d’affirmer que de telles mesures réduisent la pression sur le système public.
Enfin, il est reconnu qu’un système à payeur unique (un seul système d’assurance) est plus économe et permet de maximiser les ressources qui bénéficient directement aux patients.
Télémédecine
Depuis le décret du 7 décembre dernier, passé en catimini, rien n’empêche maintenant un médecin de délaisser ses listes d’attente dans le réseau public pour privilégier des patients plus payants en télémédecine. De plus, le gouvernement permet que les services de télémédecine soient couverts par l’assurance d’un employeur.
Cela mène nécessairement à un système d’assurance à deux vitesses et, en somme, à deux classes de citoyens.
Jusqu’ici, l’interdiction pour les médecins d’être à la fois payés par l’État (médecin participant, payé via la RAMQ) et par le privé (individus, assureurs, etc.) les empêchait de sélectionner les cas plus simples (et plus payants) en les faisant passer plus rapidement au privé.
L’essor de la télémédecine constitue un avancement important dans l’accessibilité aux soins. Pourquoi cet avancement ne devrait-il profiter qu’aux plus nantis ?
Au Québec, l’accès aux soins de santé doit reposer sur le besoin et non sur la capacité à payer. Nous appelons le gouvernement à reculer sur le décret du 7 décembre dernier afin de garantir un droit à la santé à tous les Québécois.