L’édito vous répond

Allô, docteur ?

« Que fait-on au Québec quand on tombe malade et qu’on n’est pas du lundi au vendredi de 9 à 5 ? Cette question toute simple est peu abordée par nos politiciens. »

— Claude Dupuis

C’est une question toute simple, et pourtant ceux qui essaient d’y répondre, depuis de trop nombreuses années, ont du mal à le faire avec efficacité.

Car le fait est que l’accès aux soins de première ligne, qu’assurent les diverses cliniques et autres groupes de médecine de famille (GMF) qui constituent la porte d’entrée du réseau, demeure très difficile au Québec.

Et ce, même si les GMF doivent aussi ouvrir leurs portes la fin de semaine. En effet, au ministère de la Santé et des Services sociaux, on nous explique que chaque « GMF doit offrir des services médicaux couvrant au minimum 68 heures par semaine, réparties sur sept jours ».

Imaginons que vous avez composé le 811, qu’une infirmière a confirmé que vous n’aviez pas besoin de vous rendre aux urgences, mais qu’elle vous a dit que vous devriez tout de même voir un médecin.

Imaginons aussi que vous vous trouvez à Montréal… un dimanche après-midi ! Obtenir rapidement un rendez-vous avec un médecin de famille pourrait être un véritable chemin de croix. Même si vous faites partie d’un GMF.

Mais les problèmes d’accès aux soins de première ligne ne se limitent pas au soir et à la fin de semaine, hélas. « Le problème d’accès est généralisé 24 heures sur 24, sept jours sur sept, dans le système », souligne le professeur Arnaud Duhoux, de la Faculté des sciences infirmières à l’Université de Montréal.

On n’a pas de données qui nous permettent de bien analyser le problème, mais on parvient à en discerner les contours. Et ce qu’on observe demeure très préoccupant.

D’abord parce qu’il y a encore trop de patients sur la liste d’attente en vue d’obtenir un médecin de famille. Plus de 800 000 personnes étaient inscrites au Guichet d’accès à un médecin de famille, le mois dernier.

Ensuite parce qu’on sait qu’être inscrit sur la liste d’un médecin de famille ne signifie pas qu’obtenir un rendez-vous sera facile. C’est entre autres ce qui explique qu’on se retrouve avec autant de patients aux urgences qui ne devraient pas y être parce que leur problème de santé aurait dû être réglé ailleurs.

En somme, même si vous n’êtes pas à la recherche d’un médecin le soir ou la fin de semaine, vous pourriez avoir du mal à obtenir un rendez-vous parce que le nombre de professionnels disponibles ne suffit pas à la demande.

Certains estiment qu’il manque un trop grand nombre de médecins de famille à travers la province (la CAQ promet d’ailleurs de former 660 médecins de plus en quatre ans). Il y en a actuellement 9772 et, selon la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, il devrait y en avoir 1000 de plus.

Chose certaine, le gouvernement caquiste vient de baisser les bras : il juge désormais qu’il n’est plus possible d’offrir un médecin de famille à chaque Québécois. C’est décevant, mais était-il possible de faire autrement dans les circonstances ? On voit mal comment les libéraux parviendraient à remplir la promesse d’offrir un médecin à tous les Québécois.

En revanche, pour les patients orphelins, Québec est en train de déployer ce qu’il a baptisé les « guichets d’accès à la première ligne ».

Lorsqu’un patient entre en contact avec un guichet, on évalue ses besoins et on lui recommande de voir le professionnel de la santé qui sera le plus à même d’y répondre. Et ce n’est pas toujours un médecin.

Car le problème d’accès, comme on le sait depuis longtemps, est aussi un problème de gestion des services.

Cela dit, le nouveau système non plus n’est pas parfait.

« C’est sûrement très bien pour de l’accès à court terme, si vous avez un enfant qui a une otite, par exemple, dit Arnaud Duhoux. Mais si vous avez un problème dans le champ du social ou pour ce qui est de suivis à long terme, par exemple, donc la continuité des soins, vous allez papillonner dans un tel système. »

Il y aura en tout 92 guichets d’accès à la première ligne au Québec et ils devraient être déployés d’ici la fin du mois de septembre.

On présume qu’il sera alors plus facile d’obtenir un rendez-vous pour les Québécois qui n’ont pas de médecin de famille. Et si un de ces patients fait appel à un des guichets, mais a besoin d’un suivi à long terme, Québec souhaite qu’il soit pour finir pris en charge par un médecin de famille.

Notons enfin que si la CAQ est réélue, elle souhaite implanter au cours du prochain mandat un système de prise de rendez-vous centralisé qui permettra à tous les Québécois d’obtenir un service similaire à celui offert par les guichets d’accès pour l’instant réservés aux patients sans médecins de famille.

On leur recommandera le professionnel qui saura le mieux répondre à leurs besoins.

Mais comme bon nombre d’espoirs ont été déçus au cours des deux dernières décennies quant à l’accès en santé, il serait prudent de faire preuve d’un sain scepticisme.

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