Championnat mondial de Hockey-balle

Haïti

fonce au filet

Les deux hommes bedonnants regardent la scène les bras croisés. Dimanche matin, dans un centre sportif vieillot et mal éclairé de Laval. Au milieu d’une surface de hockey-balle, Georges Laraque donne des consignes à une trentaine de jeunes joueurs noirs.

« C’est quoi, cette équipe-là ? », demande un des deux badauds à un hockeyeur sorti de la surface. « C’est l’équipe nationale haïtienne de hockey-balle, répond-il le plus naturellement du monde. On se prépare pour le Championnat du monde, en Suisse. »

« Ah, OK », conclut le curieux, l’air un peu perplexe.

Le projet peut sembler inusité, mais il est bel et bien réel : des membres de la communauté haïtienne de Montréal, joueurs de hockey cosom, ont formé dans les derniers mois une équipe et se sont fait reconnaître par la très sérieuse Fédération internationale de hockey-balle.

Ils s’apprêtent à représenter Haïti au Mondial dans un mois, même s’il y a à peu près autant de joueurs de hockey-balle dans l’île des Antilles que de mangeurs de bananes plantains à Baie-Comeau.

« Ça me fait penser aux Jamaïcains en bobsleigh. C’est aussi inusité que ça, lâche Georges Laraque, qui agit comme entraîneur adjoint. L’autre fois, on est allés monter les marches au mont Royal. Les gens nous regardaient bizarrement. Quand je leur ai dit qu’on était une équipe de hockey, ils étaient surpris. On n’a pas l’air d’une équipe de hockey ! »

L’ancien attaquant du Canadien de Montréal a été contacté récemment par les fondateurs de l’équipe. Voudrait-il s’impliquer avec eux, les aider à trouver du financement et un peu de publicité ?

« J’ai accepté tout de suite. Depuis le tremblement de terre, on n’entend parler d’Haïti que pour de mauvaises raisons : “Haïti, c’est sale, c’est dangereux…” J’ai accepté parce que, pour une fois, on va pouvoir parler d’Haïti et être fiers. »

— Georges Laraque

Billy Chérubin, 34 ans, est né d’un père haïtien et d’une mère québécoise. Il a appris à jouer au hockey dans les rues de Rivière-des-Prairies. Il pratique le hockey-balle dans des ligues organisées depuis maintenant 17 ans.

« Depuis quelques années, avec plusieurs gars de la communauté haïtienne, on joue au hockey-balle dans une équipe de Laval. Notre équipe s’appelait Team Haïti, explique-t-il. Je disais souvent que ce serait le fun d’essayer d’aller au Championnat du monde. On avait de plus en plus de joueurs talentueux. Finalement, cette année, on a décidé de faire les démarches. »

PROMOUVOIR LE HOCKEY EN HAÏTI

Le Championnat du monde de hockey-balle aura lieu du 18 au 29 juin en Suisse. Équipe Haïti va jouer en seconde division, avec des équipes comme la France, l’Italie et l’Arménie. Le tournoi a lieu tous les deux ans depuis 1996. Les Slovaques sont les champions en titre.

Pour pouvoir y participer, Équipe Haïti a dû obtenir une dérogation. Plusieurs de ses joueurs sont d’origine haïtienne, mais n’en ont pas la nationalité. La Fédération demande donc que les joueurs aient au moins un parent avec la citoyenneté haïtienne.

« Au lieu de former une équipe à partir de rien en Haïti, on s’est dit qu’on allait partir une équipe ici, au Québec, explique Billy Chérubin. La deuxième étape serait de susciter un intérêt en Haïti pour le hockey-balle et ultimement bâtir une équipe là-bas. On voudrait apporter des bâtons, des balles là-bas, mettre en place de petites infrastructures, trouver des gens qui vont organiser des ligues et, espérons-le, former des joueurs. »

Susciter des vocations en Haïti, mais aussi parmi les jeunes Québécois d’origine haïtienne. Laraque pense « qu’à Montréal-Nord et dans certains coins pauvres de Montréal », certains d’entre eux n’ont tout simplement pas les moyens de jouer au hockey sur glace. « Ils jouent au soccer, au basketball. Mais là, certains vont découvrir le hockey-balle et certains vont peut-être même rêver de représenter Haïti un jour », croit-il.

Mais la première étape sera de trouver les fonds nécessaires pour aller en Suisse en juin. « On paye de nos poches, dit Laraque. Ce sont des gens d’ici qui font des collectes de fonds, on ne demande rien à Haïti, ils n’ont pas un sou. On fait tout ça par fierté. »

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