Fin de mandat pour Fabrice Brunet au CHUM

Cesser de « se construire les malades de demain »

Le réseau de la santé doit se préparer à faire face à une prochaine pandémie. Et viser rapidement la carboneutralité pour cesser de « se construire les malades de demain ». Après sept années à la tête du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), le DFabrice Brunet s’apprête à quitter cet immense navire avec la fierté d’y avoir implanté une « culture unique », mais conscient que de nombreux défis attendent toujours le milieu dans les prochaines années.

Quand il a pris la tête du CHUM en 2015, le DBrunet a rapidement piloté le déménagement des trois anciens hôpitaux (Saint-Luc, Notre-Dame et l’Hôtel-Dieu) sur un seul site au centre-ville. Il est aujourd’hui satisfait de voir que les équipes s’identifient au CHUM, et non plus aux anciens hôpitaux pour lesquels elles travaillaient. « Tu ne peux pas créer de synergie entre les gens s’ils n’ont pas de sentiment d’appartenance pour l’entité pour laquelle ils travaillent », dit-il.

À son arrivée en poste, le CHUM venait de traverser des années houleuses. Le DBrunet devenait le troisième PDG en trois ans à prendre la tête de l’institution. Dans l’ensemble, le mandat du DBrunet aura été marqué par une relative stabilité, malgré une pandémie et un grand déménagement. Comment est-il parvenu à instaurer ce calme ?

« Le problème, parfois, c’est qu’on essaie de mettre en place des solutions par une vision hiérarchique qui ne colle pas toujours à la réalité et aux besoins du terrain […] Nous, on fait l’inverse. On propose les solutions que le terrain définit par rapport à ses propres besoins. Il n’y a pas de secret. Il faut être à l’écoute des gens. »

— Le Dr Fabrice Brunet, PDG sortant du CHUM

Le DBrunet est réputé pour passer énormément de temps à l’hôpital. « Il tourne sur tous les quarts de travail et écoute tout le monde », note la directrice des communications du CHUM, Irène Marcheterre.

Le DBrunet ajoute qu’il se fait aussi un point d’honneur de toujours tenir ses équipes au courant de l’avancement des dossiers, même si une demande du terrain ne peut se réaliser. « Si tu as juste une écoute, mais que rien ne change ou que les gens n’ont pas de suivi, ils se disent qu’on les écoute, mais que c’est une méthode de gestion… »

S’il ignore toujours qui lui succédera, le DBrunet dit n’avoir aucun conseil à donner à son successeur ou à sa successeure, car il n’est « pas un donneur de leçons ». « Ce que j’ai fait, moi, c’est respecter l’autre et garder mes valeurs : ce qu’il y a de mieux pour les patients et la population. »

L’environnement, la prochaine crise

Le Québec est encore « dans une crise sanitaire pas tout à fait terminée » avec la COVID-19, mais « ce n’est que le début », prévient le DBrunet. « Des crises sanitaires à répétition, il va y en avoir, dit-il. Les crises climatiques arrivent. Ça brûle de partout. Il va y avoir des mouvements de population, des guerres. Le système de santé sera mis à rude épreuve et on doit se préparer à ça. »

Le DBrunet affirme que le CHUM vise la carboneutralité d’ici 2040.

« Si on n’est pas carboneutres, si on continue comme ça, les crises climatiques vont s’aggraver, les maladies liées à l’environnement vont s’aggraver, donc on est en train de se construire les malades de demain. Cette prise de conscience doit être faite maintenant [car sinon les besoins ne feront] qu’augmenter, augmenter, augmenter. »

— Le Dr Fabrice Brunet, PDG sortant du CHUM

Comme l’ensemble du réseau, le CHUM n’est pas épargné par la pénurie de personnel. Mais dès son arrivée au CHUM, le DBrunet a imposé à ses équipes de ne pas avoir recours au « temps supplémentaire obligatoire » (TSO). « Ça n’a pas de bon sens sur le plan de la gestion, sur le plan humain et sur le plan de la qualité des soins », dit-il. Le DBrunet a carrément « enlevé le TSO de la boîte à outils des gestionnaires ». Le changement « a pris du temps ». Mais ce TSO est maintenant à zéro au CHUM, selon le DBrunet. D’autres outils ont été développés, comme du « temps supplémentaire programmé » ou des équipes de garde, payées, qui peuvent être disponibles en cas de besoin. « On peut faire plusieurs choses, mais ça demande une réflexion et une volonté de le faire », dit-il.

Vers le Quartier de l’innovation en santé

Le nouveau CHUM, livré en entier en 2021, a été construit en partenariat public-privé. Le contrat est ainsi fait que lorsque le CHUM veut procéder à des rénovations, les coûts des travaux sont souvent plus élevés que pour un hôpital conventionnel. Mais le DBrunet assure que la collaboration avec le partenaire privé s’est « beaucoup améliorée » dernièrement. Certes, certaines rénovations « coûtent encore plus cher ». Mais « il y a de plus en plus de vision commune », dit-il.

Dès janvier, le DBrunet s’occupera à temps plein du nouveau Quartier de l’innovation en santé (QIS), dont le bâtiment principal est situé à un jet de pierre du CHUM.

Le QIS regroupera des institutions et des entreprises qui voudront « implanter des innovations qui vont répondre aux besoins du terrain ». Le QIS, financé par différentes sources publiques et privées, sera aussi en contact avec d’autres entités comme lui de partout dans le monde. « On veut être une force de réflexion et de propositions concrètes. Pas quelque chose qui va être juste théorique », dit le DBrunet. Pour lui, il est « totalement faux » de dire que le milieu de la santé n’innove pas. « Au contraire, on est un milieu qui change tout le temps. Mais les besoins des patients aussi changent tout le temps, et ça donne une impression de rattrapage. L’objectif du QIS sera d’essayer d’être en avance. »

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