La Finlande grossit les rangs de l’OTAN

La Finlande deviendra ce mardi le 31e membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) au cours d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’organisme à Bruxelles. Pourquoi cette adhésion et quel sera son impact ?

La guerre en Ukraine est-elle à l’origine de cette demande ?

Dès le début de l’invasion russe (24 février 2022), la Finlande et la Suède ont envoyé du matériel militaire à l’Ukraine. La question d’une possible adhésion de ces deux pays à l’OTAN a rapidement surgi. La Finlande a déposé sa demande le 15 mai 2022. La Suède a suivi le lendemain.

Pourquoi dix mois et demi d’attente ?

Il faut l’unanimité des pays de l’OTAN pour accepter un nouveau membre. Or, la Turquie a d’abord dit non aux deux candidats en raison de la présence de terroristes kurdes (PKK), avec qui elle est en conflit, sur leur territoire. Des négociations ont permis de dénouer l’impasse.

« Je suis impressionné de la vitesse avec laquelle ça s’est fait, dit Robert Baines, PDG de l’Association canadienne pour l’OTAN. Il est difficile d’arriver à un consensus à 30 pour des questions internationales. »

Sur le terrain, qu’est-ce que cela change ?

L’OTAN double d’un coup sa frontière terrestre avec la Russie, car la Finlande partage une frontière de 1340 kilomètres avec ce pays. Avant, seules l’Estonie et la Lettonie possédaient une frontière commune sur le flanc ouest de la Russie. Tout au nord, la Norvège partage une frontière de 200 kilomètres. À cela s’ajoute l’enclave russe de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie, deux pays membres de l’OTAN.

Comment la Russie a-t-elle réagi à ce changement à ses portes ?

Qualifiant le geste de menace, Alexandre Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères, a annoncé lundi l’adoption de « mesures supplémentaires pour assurer de manière fiable la sécurité militaire de la Russie » à sa frontière avec la Finlande. « Je doute que ça aille très loin, car la Russie a toutes ses ressources concentrées en Ukraine », estime Stéphane Roussel, professeur titulaire à l’École nationale d’administration.

La Russie pourrait-elle être attaquée par l’OTAN ?

Ce n’est pas le principe de l’Alliance atlantique, qui en est une de défense. « En devenant membre de l’OTAN, la Finlande adhère au principe que si un pays membre est attaqué, tous sont concernés, dit Robert Baines. Que la Russie déploie ses forces le long de la frontière finlandaise ne change rien au fait que l’OTAN ne se définit pas comme un belligérant, mais comme un protecteur en cas d’attaque. »

Qu’est-ce qui explique la longue neutralité de la Finlande ?

Après la Seconde Guerre mondiale et durant la guerre froide, la Finlande avait conservé une stricte neutralité. Les Finlandais conservaient le souvenir traumatisant de l’invasion de leur territoire par l’URSS lors de la Guerre d’hiver (30 novembre 1939-13 mars 1940). Mais les Russes étaient aussi méfiants, rappelle Stéphane Roussel, car après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne en juin 1941, la Finlande s’est aussi attaquée à son géant voisin (Guerre de continuation). « C’était le prix à payer au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dit M. Roussel. L’URSS tolérait la Finlande, mais elle devait se neutraliser pour ne pas constituer une menace. »

Quelle est l’opinion des Finlandais ?

À la suite de l’éclatement de l’URSS, la Finlande a conservé sa neutralité. Par contre, elle s’est rapprochée peu à peu de l’Occident et a rejoint l’Union européenne le 1er janvier 1995. En novembre 2022, un sondage indiquait que 78 % des Finlandais étaient en faveur de l’adhésion du pays à l’OTAN.

La défaite de la première ministre finlandaise de centre gauche Sanna Marin aux élections de dimanche change-t-elle quelque chose ?

Non. D’abord, le transfert du pouvoir n’a pas encore eu lieu. Le président de la Finlande, Sauli Niinistö, et deux ministres du cabinet de Mme Marin, Antti Kaikkonen (Défense nationale) et Pekka Haavisto (Affaires étrangères), seront à Bruxelles mardi pour participer aux cérémonies de signature. De plus, dans son discours de la victoire, le leader de la Coalition nationale (NCP), Petteri Orpo, a indiqué que la Finlande demeurait fermement du côté de l’Ukraine dans l’actuel conflit.

Qu’en est-il de l’adhésion de la Suède ?

La Turquie maintient ses réserves face à la Suède, qui abrite toujours des partisans du PKK. La Turquie n’a pas non plus aimé qu’à la veille de la visite du ministre suédois à Ankara, fin janvier, une manifestation anti-islamiste, où le Coran a été brûlé, ait été autorisée devant l’ambassade de Turquie à Stockholm.

Quelle est la réaction du Canada à l’entrée de la Finlande dans l’OTAN ?

Une réponse écrite de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, nous a été acheminée lundi soir. « Lorsque [Vladimir] Poutine a envahi l’Ukraine, il pensait pouvoir diviser l’OTAN. Il a perdu, dit la ministre. Aujourd’hui, alors que le drapeau finlandais est hissé au siège de l’OTAN, nous sommes plus unis que jamais. Le Canada est fier d’avoir été le premier pays à ratifier l’adhésion de la Finlande, et nous avons travaillé avec la Finlande et nos partenaires de l’OTAN pour maintenir le momentum tout au long du processus de ratification. » La ministre rappelle aussi que le Canada a été le premier pays à ratifier le protocole d’adhésion de la Suède et demande à la Turquie et à la Hongrie de le faire à leur tour.

— Avec The Guardian et l’Agence France-Presse

22 000

Membres actifs de l’armée finlandaise en 2022

Source : CIA – The World Factbook

850 000

Membres actifs de l’armée russe avant l’invasion de l’Ukraine

Source : CIA – The World Factbook

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.