Santé mentale et pandémie

Une saison à haut risque

Resserrer les mesures sanitaires au moment où la température baisse et que le taux d’ensoleillement diminue pose un risque important pour la santé mentale des Québécois, estiment des experts. Surtout que celle-ci était déjà fragile avant la deuxième vague.

« Il y a une souffrance qui est incontestablement présente au sein de la population », avertit la Dre Mélissa Généreux, professeure-chercheuse de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Celle-ci est d’ailleurs invitée à Tout le monde en parle dimanche pour discuter des impacts psychosociaux de la pandémie, au lendemain de la Journée mondiale de la santé mentale.

« On sait que la santé mentale, avec ou sans pandémie, a tendance à se détériorer lors de la saison automnale, notamment parce qu’on manque de lumière. Cette fois, on doit juxtaposer à cela l’arrivée de la deuxième vague et des mesures sanitaires plus contraignantes. Il y a donc un risque que la situation se détériore cet automne », avance la Dre Généreux.

Une étude menée par l’Université de Sherbrooke du 4 au 14 septembre dernier auprès de 6291 adultes a révélé qu’un adulte sur cinq (22 %) avait eu des symptômes compatibles avec un trouble d’anxiété généralisée ou une dépression majeure au cours des deux dernières semaines.

Quand on leur demande si, au cours des 14 derniers jours, ils ont pensé qu’ils seraient mieux morts ou s’ils ont voulu se blesser d’une manière ou d’une autre, un répondant sur sept a reconnu avoir eu de telles pensées, fait remarquer Mme Généreux, qui s’avoue surprise par ce résultat.

Elle ajoute qu’à cette question précise, 27 % des 18 à 24 ans ont répondu par l’affirmative. « C’est incroyablement élevé ! »

Un appel aux entreprises

Le président de la compagnie d’assurances Sun Life Canada, Jacques Goulet, a lancé un appel cette semaine aux chefs d’entreprise pour qu’ils fassent une priorité de la santé mentale de leurs employés.

« Au début de la COVID-19, je crois que les employés qui faisaient du télétravail étaient sur l’adrénaline. Mais là, on commence à trouver ça long », lance M. Goulet.

Il rappelle qu’il y a deux ou trois ans, « la santé mentale au Canada était déjà devenue une crise sociale ».

« Avant la pandémie, chaque semaine, 500 000 Canadiens s’absentaient de leur travail à cause de problèmes de santé mentale. Vous imaginez maintenant ? »

— Jacques Goulet, président de la compagnie d’assurances Sun Life Canada

Puisque les problèmes de santé mentale ont un effet sur la productivité des entreprises, il croit qu’il est primordial que les gestionnaires investissent et s’impliquent à ce niveau. Il sent d’ailleurs, avec joie, qu’un « mouvement de changement » se fait sentir en ce sens dans la société canadienne.

Qu’est-ce qu’une entreprise peut faire ? Chez Sun Life, des jours de congé ont été ajoutés pendant la pandémie. Aucune vidéoconférence ne doit se faire pendant l’heure du midi ni le vendredi après-midi. Des initiatives ont aussi été mises en place, comme des cours de yoga virtuels et un groupe de soutien pour les employés qui ont de jeunes enfants.

L’entreprise Morneau Shepell, qui offre des programmes pour améliorer la santé mentale et physique des employés, dresse chaque mois un rapport sur l’indice de santé mentale des Canadiens.

« On a vu une amélioration durant les mois d’été, mais depuis le retour à l’école, on voit que la situation se dégrade. »

— Lisa Angeloni, vice-présidente clients et stratégie Morneau Shepell

D’après elle, il faut « absolument » que les autorités gouvernementales soient attentives à la santé mentale des citoyens dans les prochaines semaines. Tant les gouvernements que les entreprises privées et publiques devraient déployer du temps et de l’énergie pour que le plus d’outils et de ressources d’aide soient disponibles pour les personnes qui ressentent des symptômes reliés à des problèmes de santé mentale.

« Il faut mettre des choses en place pour au moins diminuer l’anxiété, l’angoisse et la tristesse », fait valoir Mme Angeloni.

Si vous avez besoin de soutien, si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, vous pouvez communiquer avec un intervenant de Suicide Action Montréal au 1866 APPELLE (1-866-277-3553).

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