Madrid — La décision serait une première en Europe : en Espagne, le gouvernement de gauche envisage d’instaurer dans la loi un « congé menstruel » pour les femmes souffrant de règles particulièrement douloureuses, mais l’initiative fait débat au sein même de l’exécutif et des syndicats.
Cette mesure pourrait figurer dans un projet de loi sur l’avortement visant à consolider le droit à l’interruption volontaire de grossesse et les droits reproductifs, et qui devrait être adopté mardi en Conseil des ministres.
« Nous allons reconnaître dans la loi sur le droit des femmes qui ont des règles douloureuses à un arrêt [de travail] spécial qui sera financé par l’État dès le premier jour », a tweeté vendredi après-midi la ministre de l’Égalité, Irene Montero, l’une des chefs de file du parti de gauche radicale Podemos, partenaire du parti socialiste au sein du gouvernement de Pedro Sánchez.
On ignorait toutefois si les discussions au sein de l’exécutif avaient vraiment permis de dégager un accord entre Podemos et les ministres socialistes détenant les portefeuilles économiques sur la portée exacte de ce « congé menstruel ».
Selon des médias espagnols ayant eu accès à une version provisoire du projet de loi, élaboré par le ministère de l’Égalité, la durée de ce congé serait de trois jours, avec la possiblité de le prolonger de deux jours supplémentaires en cas de symptômes aigus, sur la base d’un certificat médical.
« Stigmatisation »
Quelques pays ont introduit ces dernières années dans leur législation un droit à un « congé menstruel », notamment en Asie, mais à l’heure actuelle, aucun pays européen ne l’a fait. En France, quelques rares entreprises autorisent bien leurs salariées à arrêter le travail lors de leurs règles, mais le « congé menstruel » ne figure ni dans la loi ni dans les conventions collectives.
L’Espagne ferait donc de nouveau figure de pionnier en Europe en matière de droits des femmes. Mais le débat est vif, car si l’aile gauche du gouvernement pousse en ce sens, certains ministres socialistes sont réticents, de crainte qu’une telle mesure, en raison de son coût élevé, ne soit en fait contre-productive, en « stigmatisant » les femmes et en aboutissant paradoxalement à privilégier le recrutement de salariés masculins.
La mise en place d’un « congé menstruel » ferait figure de mesure phare de ce projet de loi, mais ne serait pas la seule.
Le ministère de l’Égalité voudrait ainsi inclure la suppression totale de la TVA pour les produits d’hygiène féminine. Le texte prévoit également de renforcer l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans les hôpitaux publics et de permettre aux mineures d’avorter sans l’autorisation de leurs parents dès 16 ans.
L’avortement en Espagne a été dépénalisé en 1985, puis légalisé en 2010, mais l’interruption de grossesse reste un droit semé d’embûches dans ce pays à forte tradition catholique, où l’objection de conscience des médecins est massive et où les mouvements anti-IVG sont très actifs.
— Agence France-Presse