Fonderie Horne à Rouyn-Noranda

2500 tonnes d’arsenic enfouies depuis 2 ans

La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda ne fait pas qu’émettre des tonnes d’arsenic dans l’air ; elle en « élimine » aussi des centaines dans le sol chaque année, sur son terrain situé à proximité d’un quartier résidentiel. Et elle ne le déclarait pas jusqu’à tout récemment.

La Fonderie Horne a déclaré l’« élimination sur le site » de près de 2500 tonnes d’arsenic depuis deux ans, une pratique de longue date que l’entreprise a omis de déclarer par le passé, a découvert La Presse.

La fonderie de cuivre appartenant à la multinationale Glencore a ainsi éliminé 1087 tonnes d’arsenic en 2021 et 1396 tonnes en 2020, indique l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP) d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC).

L’élimination est définie dans l’INRP comme étant « l’élimination définitive par enfouissement, l’épandage ou l’injection souterraine » d’une substance, a expliqué à La Presse Isabelle Maheu, porte-parole du ministère fédéral, ajoutant que l’élimination « ne doit pas être considérée comme un rejet dans l’atmosphère, dans l’eau ou le sol ».

Glencore n’avait pas rapporté avant 2020 avoir éliminé de l’arsenic sur le site de la fonderie, qui accueillait aussi jusqu’en 1976 une mine de cuivre.

Environnement et Changement climatique Canada dit avoir eu « plusieurs conversations » avec les responsables de l’entreprise, le mois dernier, concernant « les éliminations sur site manquantes » dans l’inventaire.

« ECCC travaille avec eux pour déterminer les actions appropriées à prendre pour achever leurs rapports », a affirmé Mme Maheu.

La Fonderie Horne a déclaré à La Presse que l’arsenic éliminé sur son site « est disposé dans un parc à résidus autorisé par le MELCC [ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques du Québec] », mais reconnaît ne pas avoir déclaré les quantités « éliminées » au registre fédéral avant 2020.

Le ministère québécois de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements climatiques n’avait pas encore répondu aux questions de La Presse au moment d’écrire ces lignes.

De l’arsenic venu de Montréal

L’arsenic éliminé sur le site de la Fonderie Horne provient entre autres des activités de l’entreprise, qui génèrent d’importantes émissions de métaux lourds, dont une partie est captée.

Il se trouve dans les « résidus générés au concentrateur », sous forme solide, « semblable à de la roche broyée », a expliqué Marie-Élise Viger, première responsable Environnement pour les opérations cuivre Amérique du Nord de Glencore, dans une réponse écrite relayée par une porte-parole de l’entreprise.

Mais Glencore possède aussi l’Affinerie CCR (pour Canadian Copper Refinery), à Montréal-Est – c’est là que sont envoyées les anodes de cuivre, qui sortent de la fonderie de Rouyn-Noranda avec un taux de pureté de 99,1 %, pour une dernière étape de transformation qui les rendra pures à 99,99 %.

L’Affinerie CCR déclare bon an, mal an l’élimination « hors site » de quelques dizaines de tonnes d’arsenic ainsi que le « transfert hors site pour recyclage » de quelques centaines de tonnes supplémentaires, démontre l’INRP.

L’affinerie expédie à la fonderie ses « boues anodiques », qui contiennent de l’arsenic, pour récupérer par traitement les métaux précieux qui s’y trouvent aussi, explique Mme Viger ; l’arsenic restant est ensuite « éliminé » sur place.

Les autres résidus d’arsenic de l’Affinerie CCR sont cependant « envoyés dans un site autorisé de matières dangereuses qui se situe dans les environs de Montréal », assure-t-elle.

Glencore possède aussi la mine Raglan, un gisement de nickel dans l’extrême nord du Québec, mais les petites quantités d’arsenic éliminées le sont toutes sur le site, selon les déclarations de l’entreprise dans l’INRP.

« Pas nécessairement une mauvaise idée »

Éliminer l’arsenic en l’enfouissant par exemple dans une ancienne mine « n’est pas nécessairement une mauvaise idée », estime le professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal Sébastien Sauvé.

« Il faut par contre que ce soit clair et transparent et que les normes pour l’enfouissement de déchets dangereux, selon la nature des matériaux à enfouir, soient respectées », ajoute-t-il.

« On veut s’assurer d’être sur un socle rocheux, pour qu’il n’y ait pas trop de risque s’il y a un tremblement de terre, et étanche, pour [que les contaminants ne migrent pas] vers la nappe phréatique. »

— Sébastien Sauvé, professeur de chimie environnementale à l’Université de Montréal, à propos de l'enfouissement d'arsenic

L’arsenic « ne peut pas » être détruit, à l’instar des autres éléments du tableau périodique, souligne le professeur Sauvé ; seules les molécules organiques peuvent être dégradées ou brûlées, « mais l’arsenic restera, peu importe », dit-il, d’où l’importance de l’entreposer convenablement.

La perspective qu’il le soit sur le site de la Fonderie Horne ajoute aux inquiétudes du comité Arrêt des rejets et émissions toxiques (ARET) de Rouyn-Noranda, qui ignorait cette pratique de l’entreprise.

« Les parcs à résidus, il y a toujours des risques que ça coule, est-ce que c’est bien fait ? », se demande Nicole Desgagnés, co-porte-parole du comité.

« C’est toujours de l’autosurveillance par les compagnies, déplore-t-elle. Ce sont elles qui font les relevés, qui respectent supposément le protocole, mais dans les faits, la surveillance n’est pas très grande. »

1927

Année du début des activités de la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda, qui comportait aussi une mine jusqu’en 1976

Source : Fonderie Horne

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