Mon clin d’œil

« ON S’ENNUIE DE TRUMP. »

— LES LETTRES MAJUSCULES

Santé mentale

Les bienfaits des pairs aidants

Des cris d’alarme fusent de partout de la part des proches, des groupes de personnes atteintes, des médias et de l’Organisation mondiale de la santé : les troubles de santé mentale constituent une pandémie. On disait avant qu’une personne sur cinq en était atteinte. Mais la crise de la COVID-19 a fait bondir les chiffres. À elles seules, la dépression et l’anxiété touchent maintenant une personne sur quatre, avec une pression grandissante sur notre système de santé.

Fort heureusement, il existe des traitements efficaces, notamment pour les troubles courants que sont l’anxiété et la dépression, qui touchaient 600 000 personnes par année au Québec avant la pandémie. Cela veut donc dire qu’il y a des centaines de milliers de personnes maintenant rétablies au Québec. Elles ressortent grandies de leur parcours de rétablissement, fort difficile il est vrai, mais aussi très riche en apprentissages. C’est ce qu’on appelle le « savoir expérientiel ». Or, un bon nombre d’entre elles souhaitent donner un sens à ce vécu et en soutenir d’autres.

Les pairs à la rescousse

La littérature scientifique déborde de données probantes sur les bénéfices du soutien par les pairs. Les pairs aidants sont définis comme des personnes vivant ou ayant vécu un trouble de santé mentale, dont le rétablissement est bien établi et qui acceptent de dévoiler leur vécu expérientiel et de soutenir d’autres personnes, après avoir suivi une formation.

Le soutien par les pairs se pratique aussi entre proches. Les personnes visées par ce soutien sont celles vivant des difficultés les mettant à risque d’un trouble de santé mentale ou qui vivent déjà un trouble et qui veulent améliorer leur état. Ce soutien est fourni en l’absence ou en complément à d’autres types d’interventions fournies par le système de santé.

Le soutien par les pairs est en croissance au Québec, bien qu’il demeure sous-utilisé. Il est recommandé dans le Plan d’action en santé mentale du gouvernement, notamment parce que la littérature scientifique démontre qu’il permet d’instiller l’espoir et d’améliorer la qualité de vie, le soutien social, le fonctionnement et les comportements d’autogestion.

Il diminue aussi la stigmatisation, les symptômes et les coûts des soins. On le pratique beaucoup dans les organismes communautaires (par exemple, à l’Association des mentors pairs aidants du Québec, à l’Association des parents et amis de la personne atteinte de maladie mentale, Revivre, à la Société québécoise de la schizophrénie, au Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec). Il y a aussi le réseau public de la santé qui emploie plusieurs dizaines de pairs aidants (un nombre inférieur à ses cibles). Des programmes sont offerts par quelques employeurs avant-gardistes et des établissements d’enseignement. Plusieurs projets de recherche sont en cours dans différentes universités.

Structurer un service de soutien par les pairs

Malgré un immense bassin de personnes rétablies qui pourraient agir comme pairs aidants bénévoles ou rémunérés, il n’existe présentement pas de moyen structurel pour sélectionner, former et rendre disponible un nombre massif de pairs aidants. Nous devons permettre la sélection à grande échelle et faciliter l’accès aux formations déjà offertes par l’Association québécoise pour la réadaptation psychosociale et l’Université de Montréal. En fournissant ensuite une plateforme technologique sécuritaire et de la supervision, les personnes vulnérables à la détresse psychologique pourraient bénéficier de soutien.

Cette approche novatrice est nécessaire, car nous ne pouvons pas créer des psychologues et autres spécialistes de la santé mentale en criant ciseau. Même si c’était le cas, ils ne pourraient fournir à quelque 600 000 personnes atteintes chaque année deux ingrédients primordiaux : le soutien social et la génération de l’espoir par l’incarnation du rétablissement.

En joignant les forces des personnes rétablies et celles des différents intervenants, nous pourrons contribuer à un plus grand bien-être au Québec et à un changement de paradigme pour faire basculer un système axé sur le traitement vers davantage de prévention.

Comme c’est un enjeu qui frappe toute notre société, c’est ensemble que nous devons le faire, avec le soutien des gouvernements, des employeurs, des syndicats, des OBNL et tant d’autres acteurs.

La pandémie de troubles mentaux diffère de celle de la COVID-19, notamment parce que trop peu est investi dans la recherche de solutions. Si nous avons eu besoin de l’armée pour le coronavirus, nous devons en constituer une pour contrer la pandémie de troubles mentaux. Construisons ensemble une armée de bienveillance constituée de pairs aidants.

* Stéphanie Fontaine est actuaire, étudiante à la maîtrise à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

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