BLOCUS FERROVIAIRE

La voie ferrée dégagée à Kahnawake

Le Canadien Pacifique (CP) a dégagé la voie ferrée de Kahnawake, mercredi après-midi. Tout porte à croire que les trains pourront bientôt circuler de nouveau, après trois semaines de blocus. Le premier ministre Justin Trudeau, lui, a écarté l’idée de faire intervenir l’armée dans la réserve si des manifestants continuent à occuper le chemin de fer.

Le conseil de bande a d’abord publié un communiqué de presse laconique dans lequel il a indiqué que les Fire Keepers avaient donné l’autorisation au CP d’inspecter le chemin de fer, en début d’après-midi mercredi.

Des camions de l’entreprise ferroviaire sont ensuite entrés dans la réserve, escortés par des voitures des Peacekeepers, le service de police locale.

Les employés du CP ne se sont pas contentés d’inspecter la voie. Ils ont poussé la neige, à l’aide de gros tracteurs à pelle, pour dégager le chemin de fer pendant plusieurs heures.

Une quinzaine de Mohawks ont quant à eux monté la garde dans le campement installé depuis le 10 février près de la voie ferrée, bloquant l’accès aux médias.

Les porte-parole du CP et du conseil de bande n’ont pas répondu à nos nombreuses demandes d’entrevue. Le bureau du ministre canadien des Transports, Marc Garneau, nous a quant à lui adressés au CP.

En fin de journée, VIA Rail a de son côté annoncé que les trains entre Montréal et Toronto ainsi qu’entre Ottawa et Toronto allaient pouvoir circuler dès samedi grâce à la levée du blocus, à Belleville. « Tous les services entre Toronto-Montréal et Toronto-Ottawa seront offerts, à l’exception des trains 45 et 655 qui reprendront le lendemain, dimanche 8 mars », peut-on lire dans le communiqué.

Des barricades sur plusieurs tronçons de chemin de fer ont été dressées, un peu partout au pays, en réaction au projet de gazoduc Coastal GasLink dont le tracé doit passer par le territoire traditionnel des Wet’suwet’en. Dimanche, une entente est intervenue entre Ottawa et les chefs héréditaires de cette communauté de la Colombie-Britannique, mais peu de détails ont été divulgués. Les Mohawks de Kahnawake ont décidé de maintenir leur barricade, affirmant qu’ils voulaient étudier l’accord.

Le blocus empêche les trains de banlieue de la ligne exo4 de circuler entre Candiac et Montréal. Les trains de marchandises ne peuvent pas y passer non plus.

Trudeau ne veut pas l’armée

Le premier ministre Justin Trudeau a quant à lui écarté l’idée de faire intervenir l’armée si des manifestants continuent à bloquer le chemin de fer de Kahnawake, et ce, malgré les recommandations de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ).

« Il n’est pas question d’envoyer l’armée contre des civils canadiens », a-t-il répété mercredi matin.

De passage à l’usine de Lion Électrique à Saint-Jérôme, M. Trudeau réagissait à une déclaration du président de l’APPQ, Pierre Veilleux, qui a écrit la semaine dernière au premier ministre du Québec, François Legault, pour lui recommander qu’une « équipe spécialisée des Forces armées canadiennes » accompagne les policiers de la Sûreté du Québec si ces derniers devaient intervenir dans la réserve.

M. Veilleux a écrit cette lettre après avoir appris que les Peacekeepers avaient saisi, en janvier dernier, une mitrailleuse lourde de calibre .50 dans le cadre d’une opération où plusieurs armes avaient été trouvées dans la réserve. « Ce type d’arme, faut-il le préciser, sert entre autres, selon ce qui nous est révélé sur le site du gouvernement du Canada/Forces armées, à percer des blindages ! », indique la lettre, dont le contenu a été révélé mercredi par La Presse.

Le porte-parole des Peacekeepers, le constable Kyle Zachary, a qualifié d’« irresponsable » et de « ridicule » la déclaration du président de l’APPQ.

« Ce sont des non-autochtone qui étaient en possession de [l’arme lourde] lorsque celle-ci a été saisie par les Peacekeepers, a souligné M. Zachary. Laisser entendre que tous les autochtones possèdent ce genre d’arme est irresponsable. »

« Des accusations criminelles ont été portées contre ces gens. Nous sommes une force policière et nous faisons notre travail. Nous répondons aux appels de façon appropriée. Utiliser [cette saisie d’arme] pour dire que nous sommes tous armés, c’est irresponsable », a ajouté M. Zachary.

« Personne n’est armé sur la voie ferrée. Il y a des femmes et des enfants parmi les manifestants. Tout est pacifique, comme c’est le cas depuis le début. »

— Kyle Zachary, porte-parole des Peacekeepers

Justin Trudeau a répété qu’il privilégiait la négociation avec les Mohawks pour mettre fin au blocus. « Nous avons des négociations productives en cours avec les Mohawks. Nous reconnaissons que ça prend du temps », a-t-il réagi.

« Même si nous avons pu rétablir le transport de marchandises par le CN, il y a des impacts sur le train de banlieue [à cause du blocus de] Kahnawake. Nous espérons pouvoir régler ça bientôt de façon durable et pacifique », a ajouté le premier ministre.

Selon lui, la responsabilité d’intervenir pour mettre fin au blocus revient cependant à la province. « Nous reconnaissons que c’est à Québec de gérer une intervention policière potentielle. On peut régler ça de façon pacifique et durable. »

« Il n’est pas question d’envoyer l’armée contre des citoyens canadiens. J’ai énormément confiance dans nos corps policiers et nous avons pleinement confiance dans les capacités du gouvernement [provincial] », a insisté M. Trudeau.

— Avec Mélanie Marquis, La Presse

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